vendredi 3 juin 2011

Aluminium : les règles de stockage posent problème

Les Echos, no. 20946 - Marchés, vendredi 3 juin 2011, p. 30

Les règles du LME pour garantir la liquidité du marché de l'aluminium sont insuffisantes aux Etats-Unis. Alors que les stocks abondent mais sont bloqués, les industriels paient des primes croissantes pour acquérir le métal.

Les dysfonctionnements sur le stockage de l'aluminium préoccupent les industriels. Stocker le métal gris en Amérique du Nord, là où la demande est faible, est illogique. Attendre plusieurs mois pour le récupérer à la sortie des entrepôts l'est plus encore. La situation est d'autant plus suspecte que les magasins qui abritent les stocks du London Metal Exchange (la Bourse de référence des métaux) sont contrôlés en majorité par Goldman Sachs, JP Morgan, Glencore ou Trafigura, souvent accusés d'abuser de leur position dominante. Les industriels qui ont acheté sur la Bourse de Londres de l'aluminium et qui se retrouvent, par manque de chance - c'est le vendeur qui choisit l'endroit de livraison -, avec des stocks bloqués à Detroit ou à Baltimore sont donc dans une impasse.

Alerté en 2009 et 2010 par des opérateurs désireux de récupérer leur métal, le LME a diligenté l'an dernier Europe Economics pour mener l'enquête et comprendre les conséquences de ce dysfonctionnement. La conclusion du cabinet indépendant est claire : cet étranglement crée de sérieuses distorsions de concurrence.

Obligation de sortie

Les coûts de stockage sont plus élevés puisque l'aluminium, en attente de sortie, reste plus longtemps dans les magasins. Ces derniers sont en mesure d'offrir au producteur d'aluminium une prime (l'acheteur de métal paie au vendeur le prix de référence du métal, soit celui coté sur le LME, plus une prime liée à la qualité du métal) plus élevée que l'industriel ou le négociant pour l'inciter à stocker le métal. Certains opérateurs estiment celle-ci à 140 dollars la tonne, contre 50 dollars en moyenne historique. L'arbitrage entre l'aluminium disponible et celui stocké se révèle donc peu efficient et les règles du LME, qui imposent une obligation de sortie de 1.500 tonnes par jour, insuffisantes pour garantir la liquidité des flux physiques au regard des stocks accumulés.

Pour améliorer cette situation, Europe Economics a proposé que cette obligation de sortie journalière soit proportionnelle aux tonnages stockés - ainsi, un magasin qui contient plus de 900.000 tonnes d'aluminium devra sortir 3.000 tonnes par jour -et que ce montant soit révisé tous les six mois. Le London Metal Exchange mettra à l'ordre du jour du conseil du 16 juin ces propositions. Avec 1,1 million de tonnes, l'entrepôt de Detroit détenu par Metro, racheté par Goldman Sachs, est tout particulièrement concerné.

Avantage concurrentiel

Cette nouvelle donne réglementaire sera-t-elle suffisante pour résoudre les problèmes de disponibilité ? Les analystes de Macquarie sont convaincus que non. La règle ne sera mise en application qu'en avril 2012. Entre-temps, il faudra patienter pour sortir l'aluminim de l'entrepôt. Et patienter longtemps. Car, à Detroit, où il fallait attendre 891 jours ouvrés pour sortir la totalité du métal, le délai sera encore de 616 jours ouvrés.

Hasard ou non, ce goulet d'étranglement se constate dans des entrepôts qui n'appartiennent plus à des magasiniers indépendants. Depuis 2009, Goldman Sachs, JP Morgan, Glencore et Trafigura ont racheté plus de la moitié des entrepôts. Cela pose la question de l'absence de muraille de Chine sur le contrôle du métal. Car, si détenir les magasins dote les deux géants du négoce d'un avantage concurrentiel en leur permettant de connaître les positions de leurs pairs, les deux banques, elles, se retrouvent présentes sur la totalité de la chaîne, de la conception des indices boursiers de matières premières au brokerage, jusqu'à l'entreposage.

LAURENCE BOISSEAU

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