Le Figaro, no. 20792 - Le Figaro Économie, mercredi 8 juin 2011, p. 18
L'Inde refuse de soutenir officiellement la candidature européenne. Le futur chef du FMI doit être choisi selon « ses qualités et pas selon sa nationalité », a affirmé, hier, le ministre indien des Finances.
Christine Lagarde s'était donné vingt-quatre heures pour con-vaincre les responsables indiens que même si les pays émergents ont le vent en poupe, elle est la mieux placée elle, l'Européenne, pour remplacer Dominique Strauss-Kahn à la tête du Fonds monétaire international (FMI). Pour autant, à l'issue de sa visite marathon, la ministre française de l'Économie, des Finances et de l'Industrie n'a reçu aucun soutien public de ses hôtes.
Faisant contre mauvaise fortune bon coeur, Christine Lagarde a lancé lors d'un point de presse : « Le FMI n'appartient à personne ! » Ajoutant : « Je ne suis pas venue chercher des assurances de l'Inde. Ce serait prématuré et arrogant de ma part. »
Après s'être entretenue pendant une demi-heure avec le premier ministre Manmohan Singh, sur lequel elle n'a pas tari d'éloges, la ministre a déjeuné avec Pranab Mukherjee, son homologue des Finances. Puis elle a rencontré Montek Singh Ahluwalia, le vice-président de la commission au Plan. Il y a quelques jours encore, Ahluwalia avait été présenté comme le candidat potentiel de l'Inde. Et, pourquoi pas, des « Brics », le bloc des pays émergents qui compte le Brésil, la Russie, l'Inde, la Chine et l'Afrique du Sud. Puis les rumeurs se sont tues. Officiellement, Montek Singh Ahluwalia aurait dépassé l'âge limite pour se porter candidat. En fait, l'Inde aurait décidé de ne pas entrer dans la course. Mais il est peut-être trop tôt, en effet, pour affirmer qu'elle a renoncé à peser sur le choix du futur directeur du Fonds.
« La sélection du directeur général du FMI ou de la Banque mondiale devrait se faire sur la base du mérite, de la compétence et de façon transparente », a martelé Pranab Mukherjee après son déjeuner avec Christine Lagarde. « Puisque le président de la Banque mondiale a toujours été un Américain, et le directeur du FMI un Européen, il serait logique de tenter de persuader le Fonds d'élire à présent un candidat issu d'un pays en développement, dont l'influence sur l'économie mondiale va grandissante », s'insurge de son côté Anant Goenka, un professeur d'économie.
Aujourd'hui en Chine
Défaitiste l'Inde ? « On peut le dire ainsi, mais le silence de Delhi montre surtout que les Indiens font preuve de réalisme, confie B.L. Pandit, directeur de la Delhi School of Economics. Il ne s'agit pas d'une élection démocratique ; la contribution de l'Inde aux réserves du FMI n'est pas très élevée ; enfin, tout le monde ici pense que les jeux sont faits et que, cette fois encore, le poste ira à un Européen... »
Lors du dernier sommet des Brics en Chine, en avril dernier, l'Inde n'avait pas été en reste pour demander une réforme des institutions de Bretton-Woods en faveur des pays émergents. Fin mai, alors que Dominique Strauss-Kahn avait démissionné, Manmohan Singh, en visite à Addis-Abeba, avait tempêté : « La réforme des institutions de Bretton-Woods est une priorité pour les pays en développement ! » Une corde sensible qu'a voulu toucher Christine Lagarde hier, en s'engageant à s'y atteler, si elle était élue.
Vendredi, ce sera au tour du candidat mexicain, Augustin Carstens, de venir « courtiser » les Indiens. Le gouverneur de la Banque centrale de Mexico se serait déjà assuré le soutien du Brésil. Quant à Christine Lagarde, elle sera aujourd'hui en Chine. Pékin serait prêt à soutenir la Française à condition de recevoir en contrepartie le poste de vice-directeur du FMI. Reste que les Brics ne parlent pas d'une seule voix puisqu'au dernier sommet du G8 à Deauville, la Russie, elle, s'est déjà rangée derrière Christine Lagarde. Une gifle pour les émergents.
PHOTO - Pranab Mukherjee, le ministre indien des Finances, a déjeuné avec Christine Lagarde, hier à New Delhi.
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