mardi 7 juin 2011

La Chine paraît au début d'un nouveau cycle économique - Kathryn Langridge


Le Temps - Finance, lundi 6 juin 2011

Kathryn Langridge, gérante du fonds Jupiter Global Emerging Markets, explique qu'il ne faut pas se tromper sur les facteurs qui génèrent la croissance dans les pays émergents

Alors que la croissance des pays occidentaux semble toujours plus atone, les marchés émergents affichent un rythme de développement encore très élevé. Mais, attention à ne pas se tromper sur les facteurs qui génèrent la croissance. Cela pourrait vite se traduire par des retours sur investissement faibles, voire négatifs, explique Kathryn Langridge, gérante du fonds Jupiter Global Emerging Markets.

Le Temps: Les indices émergents, à l'instar du Bovespa, ont enregistré de fabuleuses performances ces dix dernières années. N'est-il pas déjà trop tard pour y investir?

Kathryn Langridge: Je ne crois pas, mais il faut éviter les généralisations. Si l'on prend le cas du Brésil, par exemple, c'est un marché encore attractif à moyen terme. Les sociétés cotées sur la bourse de São Paolo se négocient en moyenne à un peu plus de dix fois leurs bénéfices; un ratio qui demeure encore inférieur à celui de nombreux indices occidentaux. Mais, surtout, le Brésil garde un potentiel de croissance très élevé, ce qui rend ce marché particulièrement attirant à long terme. Au-delà des futurs Jeux olympiques et Coupe du monde de football qui vont doper les investissements dans les infrastructures, ce sont d'abord les changements de comportement des ménages dans leurs habitudes de consommation qui généreront la croissance de demain. De ce point de vue, l'avènement d'une véritable classe moyenne dans le pays permettra à certains secteurs de croître fortement.

- A quels secteurs pensez-vous?

- Aux secteurs capables de capturer les profits liés à la consommation de la classe moyenne. L'intermédiation et le financement immobilier, par exemple. De plus en plus de Brésiliens sont en mesure de contracter un crédit pour acheter une maison. Une PME comme Lopes, active dans le courtage immobilier et entretenant de bonnes relations avec toutes les sociétés majeures nationales de construction, nous paraît extrêmement bien placée pour profiter de la forte croissance du secteur. En plus, Lopes a également un joint-venture avec Itau, une des plus grandes banques, qui propose des prêts pour le marché immobilier secondaire. D'ailleurs, cela se confirme par ses marges élevées et la bonne tenue de sa rentabilité des fonds propres.

- Ne croyez-vous pas que la forte croissance au Brésil risque de créer une inflation importante?

- C'est effectivement le cas. L'inflation est élevée et de manière persistante. Les salaires augmentent et le pays est devenu le récipient de flux de capitaux importants. Ce qui a eu pour conséquence une forte appréciation de sa monnaie; le real a, par exemple, augmenté de près de 40% de sa valeur face à la livre sterling en trois ans. Bien que le gouvernement ait décidé de fortement taxer les importations et la banque centrale d'augmenter ses taux - hausse qui devrait se poursuivre dans les mois à venir -, cela n'a pas provoqué de ralentissement de l'activité et le taux de chômage continue de diminuer. Ce dernier devrait bientôt passer sous la barre des 5%. La conjoncture reste donc globalement favorable même si l'inflation reste à un niveau élevé.

- Hormis le Brésil, quels autres pays vous paraissent intéressants?

- La Chine, sur laquelle les pressions inflationnistes se détendent, nous paraît au début d'un nouveau cycle économique. En effet, ce pays semble approcher un point d'inflexion, puisqu'il y a eu un rationnement du crédit et un resserrement monétaire qui ont permis au gouvernement de ralentir la croissance. Celle-ci devrait, selon nous, se stabiliser aux alentours de 8% annuels à l'avenir. L'Inde présente également de nombreuses opportunités d'investissement. Ce pays a dû aussi faire face à des tensions inflationnistes assez fortes, notamment au niveau du prix des denrées alimentaires. Mais cela a généré une réponse très forte du côté de l'offre, car il ne faut pas oublier que l'Inde demeure avant tout un pays agricole. Ce qui laisse entrevoir de nombreuses possibilités de développement de ce secteur. D'ailleurs, depuis quelques mois les prix des denrées alimentaires semblent avoir atteint un pic, ce qui devrait réduire ces tensions inflationnistes.

- Comment sélectionnez-vous les titres qui vont entrer dans votre portefeuille?

- Nous nous concentrons sur les sociétés de qualité, pour lesquelles la bonne gouvernance d'entreprise et l'intégrité de gestion représentent une priorité. Nous privilégions les compagnies qui génèrent des cash-flows importants et une bonne croissance bénéficiaire, et qui sont disposées à rétribuer de manière adéquate leurs actionnaires. Mais, il s'agit avant tout de bien comprendre le potentiel de leur activité, car une mauvaise appréciation de ce qui génère leur croissance peut amener l'investisseur à payer trop cher pour cette croissance.

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