Le Monde - Economie, mercredi 8 juin 2011, p. 17En 2011, les compagnies aériennes resteront tout juste rentables en raison de l'envolée des prix des carburantsLes compagnies aériennes doivent-elles se féliciter d'être parvenues à rester profitables - même a minima - malgré les vents contraires ou se poser en victimes de la hausse des cours du pétrole, des événements géopolitiques ou des catastrophes naturelles ? L'Association internationale du transport aérien (IATA) a choisi la seconde option. Cette organisation, dont les membres représentent 90 % du trafic aérien mondial, a consacré sa réunion annuelle, qui a pris fin, mardi 7 juin, à Singapour, à dresser l'inventaire de ses difficultés.
" Les catastrophes naturelles au Japon, les troubles au Moyen-Orient et en Afrique, auxquels s'ajoute la forte hausse des prix du pétrole, ont réduit considérablement les prévisions de profit ", a martelé le directeur général de l'IATA, Giovanni Bisignani. Pour l'ensemble des compagnies, les bénéficies attendus en 2011 ne devraient pas dépasser 4 milliards de dollars (2,7 milliards d'euros). Début mars, avant le tremblement de terre et la catastrophe nucléaire de Fukushima, au Japon, l'IATA tablait sur 8,6 milliards de dollars (5,9 milliards d'euros).
En fait, cette dégradation tient surtout au renchérissement des cours du pétrole. L'Association a revu à la hausse de 15 % (de 96 à 110 dollars) son estimation relative au prix moyen du baril pour l'année 2011. Dans ces conditions, la facture de carburant de l'ensemble des compagnies aériennes devrait s'alourdir de 10 milliards de dollars (6,8 milliards d'euros) à 176 milliards. Soit près de 30 % de l'ensemble des coûts du transport aérien, plus du double de ce que la facture énergétique représentait il y a dix ans. Jamais à court d'un chiffre choc, l'IATA souligne que 1 dollar supplémentaire enregistré sur le cours du brent engendre une dépense supplémentaire de 1,6 milliard de dollars (1 milliard d'euros).
Pourtant, le secteur aérien fait preuve d'une réelle capacité de résistance. " Les gains de rentabilité réalisés au cours de la décennie passée et l'amélioration de la situation économique permettent de contrebalancer le coût élevé du pétrole ", a admis Giovanni Bisignani. Le directeur général de -l'IATA, qui cédera sa place à Tony Tyler, ex-dirigeant de Cathay Pacific, le 1er juillet, préfère insister sur l'insuffisante profitabilité d'un secteur qui, " avec des marges limitées à 0,7 % ", dispose " de peu de protection contre des chocs éventuels ".
Alors que les compagnies avaient beaucoup plus difficilement supporté les précédents emballements des cours de l'or noir, ce discours - qui relègue au second plan les effets des plans d'économies mais aussi la persistance d'un niveau de croissance non négligeable - permet à l'IATA de mettre en valeur ses revendications. A l'encontre des grandes firmes pétrolières, coupables de facturer beaucoup trop cher les biocarburants dont les compagnies cherchent à développer l'utilisation. Ou à l'endroit des pouvoirs publics, accusés d'entraver la croissance et l'activité du secteur. Très remontée contre le projet de l'Union européenne visant à fixer des quotas de CO2 établissant des " permis de polluer " (Le Monde du 7 juin), l'IATA se plaint également des taxes instaurées ces derniers temps par de nombreux gouvernements en Europe (Royaume-Uni, Allemagne, Autriche), mais aussi en Inde.
Enfin, pour les représentants du transport aérien, il s'agit également de tenir un discours unificateur face aux fortunes diverses que rencontrent les compagnies en fonction de leur région d'origine. En 2011, les opérateurs de la zone Asie-Pacifique devraient être relativement épargnés, avec des bénéfices prévus de 2,1 milliards de dollars (1,4 milliard d'euros), grâce à la forte croissance du trafic en Inde et en Chine. En revanche, les autres compagnies devraient être plus exposées, y compris celles du Moyen-Orient. Mais il n'y a qu'en Afrique que le secteur aérien devrait enregistrer des pertes sèches en 2011.
Jean-Michel Normand
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