Libération - Monde, mercredi 8 juin 2011, p. 8Décryptage par Arnaud VaulerinDans un pays où les manifestations sont très rares, le rassemblement, dimanche au Vietnam, de plusieurs centaines de personnes pour vilipender la politique chinoise en
mer de Chine méridionale est un événement. Au moins 300 manifestants arborant le drapeau vietnamien et clamant des slogans antichinois («Stop à l'invasion chinoise des îles vietnamiennes») ont défilé devant l'ambassade de Chine à Hanoï. A Hô Chi Minh-Ville, la «capitale» commerciale du sud du pays, ils étaient au moins 1 000.
Pourquoi ces manifs ont-elles lieu maintenant ?
Fin mai, Hanoï a accusé Pékin d'avoir détruit des équipements pétrolier et géologique de l'un de ses bateaux d'exploration. Ces derniers jours, d'autres navires chinois auraient attaqué en mer de Chine des embarcations de pêche vietnamiennes. Les manifestants ont défilé au moment où se tenait à Singapour un sommet de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) sur la sécurité régionale. Le ministre chinois de la Défense y a déclaré que son pays ne recherchait pas une «hégémonie» dans la région et «ne menacerait aucun pays».
Qu'est-ce qui oppose Pékin et Hanoï ?
Sans remonter aux mille ans de domination chinoise, ressentis comme un traumatisme dans la conscience vietnamienne, l'histoire entre les deux voisins reste conflictuelle. Les frères ennemis communistes se disputent la souveraineté de l'archipel des Paracels et, plus au sud, de celui des Spratleys, supposés riches en ressources halieutiques et pétrolières, et traversés par d'importantes voies de navigation. Pékin a fait main basse sur le premier groupe d'îlots en 1974. En 1988, les deux pays se sont livrés à une brève guerre navale autour du second archipel, au terme de laquelle 70 Vietnamiens ont trouvé la mort. En plus de ce litige territorial, la participation chinoise au projet d'exploitation de mines de bauxite dans les provinces de Lam Dong et de Dak Nong (sud-ouest) a provoqué une levée de boucliers nationalistes au sein de la population, qui a maintes fois alerté sur les risques environnementaux et sécuritaires.
Pourquoi Pékin inquiète-t-il ses voisins ?
Les ambitions territoriales en mer de Chine orientale mobilisent une dizaine de pays qui tous revendiquent une influence sur une zone de 1,7 million de km2. Mais c'est la Chine qui cristallise les rancoeurs. Le Vietnam, mais aussi les Philippines, se sont alarmés des prétentions chinoises : Pékin a augmenté son budget militaire de 12,7% cette année, dont une part pourrait être consacrée à la base de sous-marins nucléaires sur l'île de Hainan. Le régime entend défendre sa «zone économique exclusive» et affirme que le trafic des navires américains dans la région n'est pas «innocent».
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