La Croix, no. 38991 - Religion, mercredi 8 juin 2011Le P. Joseph Shen Guao'an, 50 ans, devait être ordonné jeudi évêque du diocèse de Wuhan (Hubei). Selon l'agence Asianews, cette ordination aurait été repoussée in extremis, devant l'hostilité des fidèles.Pourquoi cette ordination posait-elle problème ?
Ordonné prêtre en 1988, le P. Shen, 50 ans, fait partie de la première génération de prêtres formés après la réouverture des séminaires en Chine en 1983. Il aurait été choisi par l'Association patriotique des catholiques chinois (APC) depuis 2008, pour devenir le futur évêque de Wuhan (20 000 catholiques, 25 prêtres « officiels » et 40 prêtres « clandestins »), mais il ne dispose pas du mandat pontifical et ne souhaiterait même pas devenir évêque du diocèse. Selon des sources catholiques du diocèse, qui désapprouvent cette ordination, les autorités politiques de l'APC font pression sur le P. Shen depuis des mois afin qu'il accepte ce poste sensible. L'ordination, qui devait avoir lieu jeudi, aurait été repoussée in extremis, a-t-on appris hier de l'agence de presse catholique Asianews. L'information provient d'un prêtre local, sans précision sur une éventuelle nouvelle date.
Quel est le contexte politique ?
À un mois des célébrations du 90e anniversaire de la naissance du Parti communiste chinois (PCC), une grande « vague rouge » submerge tous les secteurs de la société, qui doivent réaffirmer leur patriotisme. L'Église patriotique chinoise n'y échappe pas, même si de profondes dissensions internes montrent aussi une grande fidélité à Rome, difficile à afficher. Une nouvelle ordination illégitime illustrerait ainsi la volonté profonde du régime de Pékin de s'écarter d'un dialogue avec le Saint-Siège, jugé peu prioritaire par rapport aux autres enjeux politiques et économiques du pays.
Que dit Rome ?
À Rome, l'homme clé est MgrSavio Hon-Tai-Fai. Salésien chinois, il a été nommé par Benoît XVI secrétaire (numéro deux) de la puissante Congrégation pour l'évangélisation des peuples. Dans le quotidien Avvenire du 25 mai, il a précisé la position du Saint-Siège : « Tant que les consécrations illégitimes n'auront pas eu lieu, il y a toujours un espace de réflexion. » Prenant acte de la dégradation de la situation, il affirme : « Le coeur du véritable fidèle chinois ne se laisse pas diviser entre son amour pour la patrie et la fidélité à l'Église. La Chine est assez grande pour qu'existe aussi un espace pour l'Église catholique. » Mais il restait confiant jusqu'au bout dans la fidélité des catholiques chinois : « Les fidèles ont réagi face aux autorités avec le code de droit canonique en main, demandant au gouvernement de ne pas faire ce geste, d'éviter cette ordination, a-t-il également confié à l'agence Asianews. Il semble également que le P. Shen, qui doit être ordonné, ne veut pas l'être. Entre frères, je veux lui dire : J'ai confiance en toi, parce que tu sauras agir justement, et il n'existe pas d'autre façon d'agir justement que de refuser. »
MOUNIER Frédéric; MALOVIC Dorian
PHOTO - A priest leads worshippers as they attend Christmas Eve mass at a Catholic church in Wuhan, central China's Hubei province on December 24, 2010. Pope Benedict XVI rapped China for its curbs on religion and freedom of conscience in his Christmas message on December 25, reflecting the tense relations between the Vatican and Beijing.
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