jeudi 18 août 2011

En Allemagne, le secteur du solaire photovoltaïque pâtit de la concurrence chinoise

Le Monde - Economie, vendredi 19 août 2011, p. 12

En Allemagne, le secteur du solaire photovoltaïque pâtit de la baisse des aides et de la concurrence chinoise

Le secteur photovoltaïque allemand pourrait être le grand perdant du tournant énergétique décidé par Berlin à la suite de l'accident nucléaire de Fukushima, le 11 mars.

La branche solaire, un des symboles de l'énergie verte dont le développement est encouragé par le gouvernement fédéral, subit actuellement une crise que l'annonce de la faillite du constructeur américain Evergreen Solar, mardi 16 août, a rendue plus tangible encore. L'ÖkoDAX, l'indice boursier des valeurs du secteur des énergies renouvelables, a accusé le jour même un repli de 2,8 %. Signe que les investisseurs craignent un effet de contagion sur le marché allemand.

L'un après l'autre, les constructeurs de technologies photovoltaïques ont en effet annoncé des résultats désastreux au deuxième trimestre. Notamment Q-Cells. Il y a quelques mois encore, cette entreprise basée en Saxe-Anhalt, dans l'est du pays, était considérée comme l'un des piliers de la branche, sacrée en 2009 " business de l'année ". Aujourd'hui, le groupe s'enfonce dans le rouge avec une perte de 335 millions d'euros entre avril et juin. Il a annoncé une réduction de 50 % de ses capacités de production en Allemagne et une délocalisation en Malaisie.

Ses concurrents ne se portent guère mieux. Le constructeur de modules solaires SOLON a accusé une perte de 63 millions au premier semestre. Phoenix Solar, dont les entrepôts débordent de marchandise invendue, a vu son chiffre d'affaires reculer de 60 % par rapport à 2010. Conergy, basé à Hambourg, a certes vu son chiffre d'affaires progresser de 40 %, mais il affiche une perte nette de 13,5 millions d'euros. Seul le groupe de Bonn, SolarWorld, revendique un bénéfice de 22,4 millions, mais encaisse une nette réduction de son volume d'affaires au premier semestre, passant de 608 à 535 millions d'euros.

Les fabricants invoquent une série de facteurs pour justifier ces mauvais résultats, eux qui devaient être les héros de la révolution verte allemande : hausse du coût des matières premières comme le silicium; baisse des subventions. Comme en France, les compagnies d'électricité allemandes sont tenues de racheter l'électricité produite par toutes les installations photovoltaïques à un prix fixé par l'Etat, le surcoût étant répercuté sur la facture du consommateur. Au début de l'année, Berlin a ramené ce tarif de rachat de l'électricité solaire de 33 à 28,74 centimes le kilowattheure.

Mais les constructeurs de panneaux solaires subissent surtout la concurrence venue de Chine, dans un contexte de ralentissement de la demande. L'Allemagne, premier marché photovoltaïque du monde, avec près de 54 % du total des panneaux installés, n'a pas pu résister à la pression des prix. Aujourd'hui, un panneau solaire sur deux installé en Allemagne est chinois. Selon une étude du cabinet IMS Research, d'ici à la fin de l'année, 85 % des cellules photovoltaïques fabriquées dans le monde devraient l'être en Asie.

Ce phénomène ne touche pas seulement l'Allemagne. Partout en Europe, les subventions accordées au secteur se révèlent trop coûteuses. La France a ainsi décidé une baisse du tarif de rachat de l'électricité d'origine solaire et un plafonnement des nouvelles capacités installées à 500 mégawatts (MW) par an jusqu'en 2020. Même chose en Espagne, qui a réduit en janvier de 30 % les primes accordées à l'industrie. L'Italie a également limité les aides.

Pour les experts, les entreprises allemandes, en crise, n'ont pas su anticiper les développements actuels. Grâce aux subventions et à la forte demande intérieure, elles ont pendant longtemps retardé la baisse de leurs coûts de production. Aujourd'hui, la restructuration forcée de la branche solaire pourrait bien perturber l'image du secteur des énergies renouvelables, considéré jusqu'ici comme un réservoir d'emplois dans le pays.

Une étude de l'Ecole supérieure de technique et d'économie de Berlin (HTW) a récemment douché les espoirs politiques de voir les emplois dans cette branche compenser les pertes du secteur des énergies conventionnelles.

Selon le professeur Wolfgang Hummel, auteur de l'étude, de plus en plus d'emplois liés aux énergies vertes sont transférés à l'étranger, alors que ceux de la filière conventionnelle ont commencé leur décrue à la suite de l'abandon programmé du nucléaire : jusqu'à 11 000 postes doivent être supprimés chez E.ON, le premier électricien allemand.

Cécile Boutelet

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