Le Monde - Economie, vendredi 19 août 2011, p. 12
Après les chaussures en cuir, les bougies ou le papier d'imprimerie, la guerre des bicyclettes risque-t-elle d'être relancée entre l'Union européenne (UE) et la Chine ? Bruxelles pourrait se prononcer, fin août, sur la reconduction de ses mesures anti-dumping, taxant à nouveau à 48,5 %, et pour cinq ans, les vélos et les composants de vélos chinois. Un affront de plus, redoute la Chine, première usine mondiale de vélos, soumise à ces taxes depuis 1993.
A l'origine de ce contentieux : l'Association européenne de fabricants de bicyclettes (EBMA) et le Comité de liaison des fabricants de pièces et équipements de deux-roues (Coliped) de l'UE, représentant des fabricants en majorité italiens, allemands et français. Ils s'étaient inquiétés, dès juillet 2010, de l'expiration programmée des mesures de restriction et en avaient demandé le renouvellement.
L'heure est, selon eux, toujours aussi grave. Les Chinois leur font une concurrence agressive sur le sol européen, n'hésitant pas à contourner les taxes en exportant via d'autres pays d'Asie. Elle menace directement ses 250 usines de fabrication, ses 300 usines de composants et ses 60 000 emplois directs et indirects. La France en comptait 12 000 en 2010, selon le Conseil national des professions du cycle (CNPC). " L'invasion de 13 millions de bicyclettes en Europe, si ces mesures sont levées ", n'arrangera pas les choses, s'inquiète Moreno Fioravanti, président du Coliped.
La petite reine européenne a le nez dans le guidon, concédait la Commission européenne, fin juillet. Elle notait, depuis 2007, une baisse de la production de 11 % et des ventes de 13 %, amplifiée par la crise. L'emploi a lui aussi décliné de 9 % sur cette période, en dépit des mesures anti-dumping et de la baisse des importations chinoises (626 000 unités en 2010 contre plus de 980 000 en 2007).
L'affaire est assez sérieuse pour que Paris soit directement " intervenu auprès de la Commission pour reconduire ces mesures de défense commerciale ", indique une source française à Bruxelles. Il le fera chaque fois que les pratiques des concurrents seront " susceptibles de générer des destructions importantes d'emplois pour l'économie française et européenne ", prévient-elle. Il s'agit de mesures de " défense commerciale " et " non de protectionnisme ". Car ces taxes, prévues notamment par les accords du GATT (ancêtre de l'Organisation mondiale du commerce), " sont tout à fait légales ", se défend la Commission.
Vote secret
La requête des producteurs de vélos européens a été soutenue, le 28 juillet, par un vote secret des Etats membres, qui ont appuyé le principe de la reconduction des mesures sur cinq ans, contre trois proposés initialement par Bruxelles. Une durée nécessaire pour les fabricants de l'UE, qui continueront de bénéficier d'exemptions aux règles anti-dumping sur les pièces de vélos qu'ils importent de Chine pour les assembler.
Sans cet arsenal, " c'est toute l'industrie du vélo qui va disparaître ", dit M. Fioravanti, alors qu'elle multiplie ses efforts pour rester dans l'UE, ou y revenir pour Decathlon. " Que faire face à des bicyclettes vendues en moyenne 30 dollars - 21 euros - " quand les vélos " made in EU " sont au moins trois fois plus chers ? Le professionnel italien estime que les mesures anti-dumping restent la " seule pierre possible face à Goliath ". - (Intérim)
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