Le Monde.fr - Jeudi 18 août 2011
Depuis la dégradation par Standard & Poor's de la note souveraine des Etats-Unis, la finance mondiale est dans tous ses états. Cette sanction qui touche la première puissance du monde n'est pas l'unique indice de la crise économique qui dure depuis bientôt quatre ans. Un certain nombre de pays, dont des Etats membres de la zone euro comme la Grèce, l'Espagne ou le Portugal, sont touchés par la crise et l'explosion de leur dette souveraine.
Dans ce contexte, la Chine, deuxième puissance mondiale, premier créancier des Etats-Unis - elle détient 1 160 milliards de dollars de bons du Trésor américain, soit 813 milliards d'euros - et propriétaire d'une partie de la dette de plusieurs Etats européens - 630 milliards de dette de la zone euro environ - "contraste avec la situation des pays occidentaux", observe Antoine Brunet, économiste à Lazard frères gestion. Il est l'auteur d'un tribune publiée dans Le Monde sous le titre : "La stratégie chinoise du yuan ruine les finances de l'occident"
M. Brunet ne se fait pas de souci quant à la santé économique de la République populaire : "Si nous repartons dans une période de récession, la Chine connaîtra un léger effet boomerang, car ses exportations ralentiront, mais ce ralentissement sera compensé par des exportations de biens manufacturés en direction de la Russie, le Moyen-Orient ou les pays africains." En outre, le pays, selon lui, pourra toujours jouer sur "la relance budgétaire afin de ne pas marquer un trop fort ralentissement de sa croissance", qui a atteint 10,3 % en 2010.
TAPER DU POING SUR LA TABLE
Mais la Chine n'encourt-elle pas un risque en détenant quelque mille milliards de dollars de la dette américaine? A priori non, car il faudrait que les Etats-Unis se retrouvent en défaut de paiement pour que le gouvernement chinois s'inquiète, ce qui est encore loin d'être le cas. Mais cette dégradation de la note américaine permet à la Chine de taper du poing sur la table. Symboliquement et publiquement.
Samedi 6 août, l'agence de presse Chine nouvelle, connue pour ne pas bouger d'un cil sans l'accord des plus hautes autorités du parti au pouvoir, déclarait que"la Chine a désormais tous les droits d'exiger des Etats-Unis qu'ils s'attaquent à leur problème structurel de dette". C'était dans la foulée de l'annonce de l'abaissement de la note américaine par Standard & Poor's.
"MONNAIE DE SINGE"
Le message n'a rien d'anodin. Cette piqûre de rappel fait office de pression à l'égard de Washington. Une pression que l'agence Chine nouvelle réaffirme dans le même communiqué: "Il faut mettre en place une surveillance internationale sur la question du dollar américain et une nouvelle monnaie de réserve, stable et sûre, peut aussi être une option pour éviter qu'une catastrophe soit provoquée par un seul pays."
Derrière cette déclaration, Antoine Brunet croit déceler une stratégie chinoise consistant à transformer le dollar en"monnaie de singe"afin que le yuan s'empare du statut de monnaie de réserve. "La Chine continuera de sous-évaluer sa monnaie autant que nécessaire pour doper sa croissance et favoriser ses exportations. Quand elle sera certaine d'avoir pris l'ascendant sur les Etats-Unis, elle fera tout le nécessaire pour imposer le yuan comme la monnaie des échanges mondiaux et la partie de Monopoly sera gagnée," ajoute-t-il. Mais avant que ces prédictions se réalisent, il faudrait déjà que le yuan devienne une monnaie internationale.
LA FIN D'UN CYCLE
Gunther Cappel Blancard, directeur adjoint du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII) et professeur à l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, se veut plus nuancé. Loin du scénario catastrophe esquissé par Antoine Brunet, l'économiste trouve difficile de savoir ce que sera l'avenir du yuan. "C'est la grande question que tout les économistes se posent. Mais vu le poids de la Chine, on peut imaginer que la monnaie chinoise aura une place non négligeable d'ici 2050."
En attendant ce tournant historique, M. Cappel Blancard rappelle que la crise"marque un changement d'époque". La fin d'un cycle "commencé il y a cinquante ans, au moment où les Etats-Unis régnaient sur l'économie mondiale". Désormais, Pékin s'efforce d'utiliser son poids économique croissant pour peser davantage face aux pays membres du G8.
Mercredi 3 août, la banque centrale chinoise a indiqué, à nouveau, son intention de "diversifier" ses achats de devises étrangères de façon à diminuer les risques auxquels elle est exposée.
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