Le Monde - International, mardi 30 août 2011, p. 8
C'est un libéral, partisan de la rigueur, méfiant à l'égard de la Chine et mal connu du public qui va devenir premier ministre du Japon. Yoshihiko Noda, ministre des finances du gouvernement sortant, a remporté, lundi 29 août, le scrutin pour la présidence du Parti démocrate du Japon (PDJ). Dans ce pays, le dirigeant de la formation politique majoritaire devient chef du gouvernement. Il a été élu au deuxième tour du vote des quelque 400 parlementaires d'un parti divisé, au pouvoir depuis deux ans.
Il a devancé son collègue de l'économie, du commerce et de l'industrie, Banri Kaieda. Il devrait être nommé premier ministre mardi 30 août. Il succède à Naoto Kan, resté en poste quinze mois.
Réagissant à sa victoire, M. Noda, sixième premier ministre en cinq ans, a repris le slogan de son parti : mener une politique " pour le bien de la population ". Evoquant l'appréciation du yen - contre laquelle il a lutté au ministère des finances - et la catastrophe du 11 mars, il a appelé les membres du parti " à avancer dans la même direction ". Il souhaite également " redresser l'image de la politique ".
Agé de 54 ans, orateur de talent même s'il reste économe de ses interventions. Diplômé de l'université de Waseda et passé par l'institut Matsushita pour la gestion et le gouvernement, qui forme " à la dure " les politiciens du futur, M. Noda s'engage en politique en 1987 et devient membre de l'assemblée préfectorale de Chiba.
Député en 1993 du défunt Nouveau Parti du Japon, il rejoint le PDJ à la fin des années 1990. En juin 2010, il devient ministre des finances. M. Noda appartient à l'aile droite du PDJ. Dans le domaine économique, il est favorable à une hausse des impôts pour améliorer les finances publiques. Cet engagement, rappelé pendant la campagne qui a précédé le vote de lundi, a fait dire qu'il était " le candidat officiel du ministère des finances ".
Il est par ailleurs connu pour être favorable à une révision de la Constitution japonaise, notamment de l'article 9 sur le renoncement à la guerre, afin de permettre à l'Archipel de participer à des alliances de défense. Sur le plan diplomatique, Yoshihiko Noda reste un défenseur de l'alliance avec les Etats-Unis et a fait part de ses inquiétudes sur le développement militaire chinois.
Peu de soutien populaire
Ses idées pourraient faciliter un rapprochement avec le Parti libéral-démocrate (PLD, conservateurs) - dans l'opposition, mais majoritaire à la Chambre haute - pour une éventuelle coalition. Elle pourrait être déterminante pour l'adoption d'un troisième budget supplémentaire pour la reconstruction, un projet qui devrait occuper le début de son mandat.
La tâche du nouveau premier ministre s'annonce néanmoins délicate. Sur le plan politique, il va devoir gérer le cas d'Ichiro Ozawa. Le " faiseur de roi " du parti soutenait Banri Kaieda et enregistre un revers qui semble indiqué une perte d'influence. Mais il dirige toujours la faction la plus puissante du PDJ et peut compter sur son allié, l'ancien premier ministre Yukio Hatoyama, pour saper l'autorité de M. Noda, comme il l'a fait pour Naoto Kan.
Yoshihiko Noda souffre également d'un manque de soutien populaire. Or, il arrive à la tête d'un pays en récession, surendetté, en pleine reconstruction. Le monde politique apparaît plus que jamais déconnecté des réalités d'une population désabusée, qui a à peine suivi la campagne. Beaucoup prédisent même qu'il ne tiendra pas beaucoup plus longtemps que ses cinq prédécesseurs.
Philippe Mesmer
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