lundi 15 août 2011

Li Chengpeng : Le sport sans tabou en Chine


Le Monde - 24 heures dans le monde, mardi 16 août 2011, p. 2

Longtemps journaliste dans une revue consacrée au ballon rond, Li Chengpeng a mis fin à sa carrière de commentateur sportif après avoir écrit en 2010 un livre qui dénonçait les tricheries dans le monde du football chinois. Il se retrouva avec des menaces de mort, un procès sur le dos, et de telles pressions au sein de son journal qu'il préféra se consacrer à l'écriture. De son blog, mais aussi de fictions qui dérangent. Comme Li Kele contre les démolitions, son dernier livre, paru début 2011 : il s'inspire de l'immolation par le feu, un an plus tôt, d'une femme dont la maison était cernée par les démolisseurs, à dix minutes du domicile de Li Chengpeng, dans la ville de Chengdu. Il avait entrepris de raconter la tragédie sur son blog, mais le billet fut à chaque fois supprimé par la censure. Il décida alors d'écrire un roman. Qui s'est vendu à 200 000 exemplaires.

Citoyen-actionnaire de la Chine

Hébergé par le portail Sina et ouvert en 2000, le blog de Li Chengpeng compte à ce jour 286 millions de visites cumulées. Tandis que 3,5 millions de personnes le suivent sur Weibo, le Twitter chinois. De quoi ne pas passer inaperçu. Comme par exemple quand il annonça, en mai dernier, qu'il se présenterait aux élections locales de députés du peuple en candidat indépendant. Le 2 juin, il sondait ses motivations dans un long billet, concluant ainsi : "... Ça me rappelle la question tordue des journalistes : comment définir l'identité de Li Chengpeng ? Je ne suis même pas sûr de connaître la réponse. Mère patrie, maman, qui suis-je, en vérité ? Ma mère est entrée à ce moment, et d'une voix calme, elle m'a dit : "Tu es mon fils, et tu es actionnaire de ce pays, tu en détiens 1,3 milliardième." Elle est géniale, ma mère ! Malgré toutes les critiques à mon égard, comme quoi je suis un investisseur raté qui ne reçoit jamais aucun dividende, je réalise maintenant, et j'aimerais vous le faire comprendre à tous, que nous sommes tous actionnaires de notre pays ! "

L'aventure de la participation citoyenne est semée d'embûches : les autorités tentent de dissuader les candidats indépendants par tous les moyens. Ainsi, a-t-il raconté, le 18 juin sur son blog, l'entreprise qui sponsorisait son fiston de 10 ans dans le tennis professionnel, s'est rétractée à la suite de pressions. Or, elle avait déjà fait publier une série de photos autour du thème de l'éducation familiale, où l'on voit Li Chengpeng et son fils étendus côte à côte sur une pelouse jonchée de balles de tennis. " Je leur ai suggéré d'utiliser Photoshop et d'effacer mon image ", explique-t-il sur son blog. Il montre la série de photos truquées qu'il a proposée au sponsor : on y voit son fils étendu seul dans l'herbe à côté d'une pompe à incendie, puis d'une raquette de tennis, d'un tronc d'arbre...

L'entreprise a refusé tout net, lui disant qu'aucune photo ni texte ayant le moindre lien avec lui ne pouvait plus être publiés. L'affaire a ému Han Han, un autre blogueur célèbre, par ailleurs pilote de rallye, qui a convaincu une société de sport automobile de soutenir le jeune tennisman. Par solidarité entre blogueurs.

Brice Pedroletti (à Pékin)

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