Ouest-France - Toutes éditions - Une, vendredi 19 août 2011
L'Histoire retiendra certainement cet été 2011 comme le moment où la Chine a fait la leçon aux États-Unis, rappelant à l'« oncle Sam » qu'il faut « vivre selon ses moyens ». Que peut-on en penser?
D'abord, il y a là le résultat d'un fait simple : jusqu'à présent, la Chine a mieux géré que les deux Occidents les conséquences de la crise économique qui a commencé en 2008. Il faut en faire compliment aux dirigeants et au peuple chinois. Les premiers ont su manier tous les leviers de la politique économique pour relancer leur appareil de production, tout en contrôlant à peu près l'inflation. Et leurs administrés admettent en majorité une politique autoritaire mais efficace, qui vise à investir plus qu'à distribuer.
Ensuite, il faut oser dire aux Chinois qu'ils ont bien tort de montrer autant d'arrogance car, en politique internationale comme dans les relations entre les individus, il ne sert à rien d'humilier autrui, surtout quand - et c'est le cas de la Chine - on a un besoin absolu de l'autre. Sans nos inventions qu'elle achève de piller et nos marchés qu'elle envahit, le miracle économique de la Chine aurait été impossible.
Mais pourquoi se gênerait-elle quand nous-mêmes sommes aussi faibles à son égard? Le statut nouveau de la Chine populaire dans le monde et les prétentions qu'elle affiche appellent de toute évidence une réévaluation de notre politique à son égard. Il ne s'agit pas, bien entendu, de la traiter en ennemie, mais en partenaire, en fonction de nos intérêts propres et des moyens de pression dont nous disposons à son égard.
Une telle approche implique, en tout premier lieu, une harmonisation européenne beaucoup plus forte des politiques nationales en direction de Pékin. Elle seule permettrait, en effet, d'utiliser le meilleur argument que nous ayons : elle a beaucoup plus besoin du marché européen que nous n'avons besoin du marché chinois.
À l'heure où le marché américain devient plus difficile pour elle, la Chine ne peut pas se passer du nôtre. La meilleure façon de répondre à l'arrogance chinoise et de sauvegarder le respect que la majorité des Chinois nous portent, c'est encore d'être forts, et de le montrer.
Jean-Luc Domenach, Directeur de recherches au Ceri (Centre d'études et de recherches internationales).
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