mercredi 10 août 2011

Pékin n'est pas en position de faire pression sur Washington - Wei Gu


Le Monde - Economie, mercredi 10 août 2011, p. 12

Au lendemain de la dégradation de la note américaine, la diatribe lancée par la Chine sur la politique économique des Etats-Unis pourrait se retourner contre elle. En pointant du doigt les problèmes américains, les dirigeants chinois comptaient sans doute faire diversion après la catastrophe du 23 juillet, quand deux trains à grande vitesse étaient entrés en collision. Mais ils risquent d'en payer le prix sous forme de pressions accrues de la part des Etats-Unis sur des dossiers comme la monnaie et le commerce bilatéral.

Xinhua (Chine nouvelle), l'agence de presse considérée comme le porte-parole du Parti communiste chinois, a formulé deux exigences après que Standard & Poor's eut privé les Etats-Unis de leur AAA. Elle a réclamé un contrôle international de la dette américaine et des garanties pour la Chine sur son exposition à ces emprunts; on est là en terrain familier. Mais la deuxième demande - une réduction des dépenses militaires des Etats-Unis pour réduire leur déficit budgétaire - est nouvelle. Elle traduit les inquiétudes de Pékin, suscitées par les récentes manoeuvres militaires américaines en mer de Chine méridionale et de nouvelles ventes d'armes à Taïwan.

A l'évidence, la Chine a de bonnes raisons pour prendre de haut les Etats-Unis. Elle a beau laisser sa devise, le yuan, s'apprécier, certes lentement, face au billet vert, elle trouve quelques avantages au dollar faible, même si le ralentissement de la demande américaine finira par affecter ses exportations. Sa politique de change rigoureuse explique la hausse de 20 % du déséquilibre commercial avec les Etats-Unis, à 273 milliards de dollars (192 milliards d'euros) en 2010. Alors que la reprise de l'économie mondiale est plus que jamais douteuse, Pékin sera plus enclin à contrôler sa monnaie pour soutenir ses exportations.

Gare à la réaction

Mais ses mises en garde tombent à plat. La Chine est en effet le principal détenteur étranger de bons du Trésor américain, et elle n'a pas d'autre solution que... de continuer à en acheter. Car il n'existe aucun autre marché assez important pour y investir la majorité de ses 3 200 milliards de dollars de réserves.

Les autorités chinoises espéreront, en vain, que Washington leur prêtera une oreille attentive sur la question des dépenses militaires. Mais la prétention des médias chinois à dicter aux Etats-Unis la conduite de leur politique militaire apporteront de l'eau au moulin des parlementaires américains qui voudraient présenter la Chine comme une menace pour l'Amérique. En réaction, les législateurs pourraient proposer des sanctions commerciales et intensifier leurs critiques à l'encontre de la " rigidité " du yuan. Les enjeux sont tels pour la Chine qu'elle a intérêt à peser ses mots.

Wei Gu

(Traduction de Ngoc-Dung Phan)

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