Libération - Économie, vendredi 5 août 2011, p. 13Alimentation . Pékin peine à juguler la forte hausse des prix de la viande la plus populaire du pays.Sur les étals des marchés frais de Chine, le porc ne fait plus recette. Alors qu'il constitue un des aliments de base de la population et représente 65% de la viande consommée, les clients se font rares. En cause, des prix qui affichent une flambée de plus de 70% sur un an, et placent le gouvernement chinois face à un double défi, social et économique. Economique, parce que, le Bureau des statistiques chinois à dû le reconnaître, la hausse du porc entre pour 20% dans la croissance de l'indice des prix à la consommation (CPI), qui atteint 6,4% en juin et 11,7% pour l'alimentation.
Social, car le gouvernement est largement jugé sur sa capacité à juguler l'envolée des prix de la nourriture, et que la chute de 55% des ventes de porc dans certaines villes montre qu'une grande partie de la population ne peut plus se l'offrir. Même si le Premier ministre, Wen Jiabao, s'est engagé à «considérer la stabilisation générale des prix comme la priorité absolue de nos manoeuvres macroéconomiques», il y a urgence : la récente revalorisation des salaires les plus bas a déjà été largement annulée par l'inflation, et la grogne sociale est actuellement un danger bien plus grand que la dissidence politique.
Myriade. En réalité, le prix du porc connaît des flambées et des rechutes cycliques, car cette immense filière est portée par une myriade de très petits éleveurs qui ne disposent chacun que de quelques animaux. Une filière extrêmement sensible aux crises que ce marché a traversées ces dernières années, depuis un pic d'inflation en 2008, suivi par l'épidémie de H1N1, jusqu'aux affaires récentes de porc aux hormones. Or, si beaucoup de producteurs se lancent dans l'élevage porcin pendant l'envolée des cours, nombre d'entre eux ne survivent pas à la chute des prix et préfèrent abandonner l'élevage pour migrer en ville.
Pour apaiser les tensions, le gouvernement avait choisi ces dernières années de jouer sur l'offre en devenant le premier importateur mondial de viande de porc, principalement en provenance des Etats-Unis, du Canada, de l'UE. Mais le problème persiste : la demande croît du fait de la progression démographique, mais aussi de par la consommation individuelle, qui augmente proportionnellement au pouvoir d'achat. En 1990, un Chinois consommait en moyenne 19 kg de porc par an, en 2010, 39 kg.
Après les promesses de Wen Jiabao, les gouvernements provinciaux ont commencé à se délester des 220 000 tonnes de stocks qu'ils avaient constitués. Là encore, le résultat n'est pas à la hauteur des espérances, et les prix restent désespérément hauts. Les spécialistes invoquent la flambée des cours du maïs, qui sert à nourrir les cochons. Décision a donc été prise par le Conseil des affaires d'Etat de donner une subvention de 100 yuans (11 euros) par truie pour susciter des vocations d'éleveurs porcins, augmenter l'offre et mécaniquement faire baisser les prix.
Ambiguïtés. Les critiques pourtant ne désarment pas. Dans le Journal agricole du Sud, Li Changping, expert des questions rurales, explique que «c'est l'intervention de l'Etat qui a amplifié les fluctuations de prix», appelant à laisser le marché se réguler, tandis que Wang Jimin, de l'Académie d'agriculture, écrit qu'il serait temps que l'Etat «tire les leçons de ses erreurs». Ou comment la crise du porc est en train de devenir le révélateur des ambiguïtés du gouvernement, coincé entre son rôle autoproclamé de protecteur du petit peuple et de leader masqué d'une nouvelle économie de marché.
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