Le Monde - Sports, mardi 2 août 2011, p. 23
Bonne et mauvaise nouvelle pour la natation chinoise : Sun Yang a confirmé, dimanche 31 juillet à Shanghaï, qu'il faudrait le compter désormais parmi les stars de la discipline. La victoire du nageur de 19 ans au 1 500 m, doublée d'un record historique sur cette distance, consolide la place de la Chine aux Mondiaux de natation. Avec 14 médailles, dont 5 en or, elle se classe deuxième derrière les Etats-Unis (29 médailles, dont 16 en or). Mais cette nouvelle breloque en or pourrait permettre au jeune homme de s'émanciper de la fédération chinoise de natation, peu décidée à le laisser nager dans le grand bain de la notoriété.
Dans un Oriental Sports Center surchauffé pour le dernier jour des épreuves, Sun Yang a assuré le spectacle : une course dominée dès les premières longueurs, un chrono jamais réalisé sur la distance, une médaille d'or qui vient s'ajouter à ses trois autres podiums (or au 800 m, argent au 400 m, bronze au relais 4×200 m). Le public a adoré. Les spectateurs ont aussi aimé le comportement détendu de l'athlète, qui jette dans les tribunes la mascotte remise avec son titre ou porte un casque audio digne d'une star du rap !
Ces petits gestes tranchent avec la retenue des filles de l'équipe nationale de natation, elles aussi couvertes d'or. Lundi 25 juillet, Ye Shiwen, 15 ans, plus ado donc que Sun Yang, a ouvert la série en s'imposant sur 200 m quatre nages. Le lendemain, Zhao Jing décrochait sa première médaille d'or sur 100 m dos. Deux jours après, Jiao Liuyang gagnait la finale du 200 m papillon. Sun Yang est le seul à s'être réellement illustré côté garçons. " Les filles obtiennent en effet de meilleurs résultats. Mais pourquoi ? C'est un sujet d'interrogation ", confie Xu Qi, manager de l'équipe chinoise de natation. " Elles sont très assidues à l'entraînement, très solides mentalement ", argumente le responsable, qui déplore le manque de maturité du quadruple médaillé. " S'il se comporte en star, cela donnerait un mauvais signal à l'équipe, menace Xu Qi. Ce qui compte, c'est l'émulation qu'il peut créer à l'intérieur de l'équipe, pas ce qui se passe à l'extérieur. "
La politique d'ouverture vers l'extérieur n'a pas eu que des effets néfastes. Elle a permis à la natation chinoise de rattraper une partie de son retard sur les sports les plus populaires du pays, le badminton, le tennis de table ou la gymnastique. Xu Qi en convient : " L'organisation des Jeux de Pékin en 2008 a donné un coup d'accélérateur à la natation chinoise. Mais les progrès de nos nageurs sont dus aussi aux échanges que nous entretenons avec l'étranger, plus précisément l'Australie, les Etats-Unis et l'Angleterre. " Filles et garçons partent régulièrement s'entraîner dans ces pays et bénéficient en Chine de l'expérience de cinq coaches occidentaux, deux Australiens, deux Britanniques et un Américain.
Sun Yang est encadré par Denis Cotterell, l'entraîneur le plus expérimenté d'Australie, dont l'un des disciples a été Grant Hackett, qui détenait, jusqu'à dimanche, la marque mondiale sur 1 500 m. Cette année, la star chinoise a participé à un stage de préparation de deux mois, avec Cotterell, sur le sol australien. " L'atmosphère là-bas est totalement différente de celle que je connais à la maison. Les séances ont porté notamment sur la musculation. J'y retourne en décembre ", expliquait récemment l'athlète. " Des gens comme Sun Yang ou Zhang Lin - champion du monde 2009 du 800 m - vont en Australie, d'autres aux Etats-Unis. Ils y apprennent une foule de choses qu'ils ne connaissaient pas avant ", racontait au China Daily, avant le début des Mondiaux, David Lyles, l'entraîneur britannique chargé de l'équipe de natation de Shanghaï.
La natation chinoise, portée par un millier d'athlètes et près de 40 000 jeunes, n'est pas pour autant un phénomène nouveau. " Elle était déjà populaire dans les années 1950, rappelle Wen Yuhong, professeur à l'université des sports de Pékin. La Chine avait obtenu en 1992 quatre médailles d'or dans cette discipline. " Soit le premier gros effort d'organisation d'une filière de haut niveau, autour des villes de Pékin et Shanghaï et de la province du Zhejiang, dont Sun Yang est natif.
Les allers-retours autorisés aujourd'hui entre ces sites et les bases d'entraînement à l'étranger permettent à la Chine d'envisager sereinement l'avenir. L'entraîneur national chinois Yao Zhengjie avait fait des Mondiaux de Shanghaï " une bonne occasion de préparer les nageurs " avant les Jeux de Londres en 2012. La deuxième place de la Chine au tableau des médailles doit pleinement le satisfaire. La popularité planétaire de Sun Yang un peu moins.
Simon Roger
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