Le Temps - Economie, mercredi 28 septembre 2011
Chen Jian, vice-ministre chinois du Commerce, invite la zone euro à dire la vérité sur la crise de la dette. Selon lui, tous les pays ou toutes les banques ne sont pas en difficulté.
Vice-ministre chinois du Commerce et dirigeant du Parti communiste, Chen Jian participe ces mardi et mercredi au Bridges China Dialogue 2011 à Genève. Organisée par le Centre international pour le commerce et le développement durable sur le thème «China Inc going global», la manifestation a réuni quelque 200 décideurs politiques et économiques ainsi que des acteurs académiques et sociaux. Dans une interview exclusive au Temps à cette occasion, Chen Jian évoque la crise de la dette souveraine en Europe et le rôle que Pékin pourrait y jouer.
Le Temps: A peine sortie de la crise de 2008-2009, l'économie mondiale traverse à nouveau une nouvelle période d'incertitude.Quelle est votre vision pour 2011 et pour ces prochaines années?
Chen Jian: Il y a des signes de reprise dans certaines parties du monde, mais les incertitudes demeurent. Nous devons avancer avec précaution tout en prenant de mesures concrètes pour lutter contre cette crise. En Europe, la crise de la dette souveraine devient de plus en plus profonde et les dirigeants européens n'ont pas encore mesuré la gravité. J'espère que les récentes décisions au FMI et la visite du premier ministre grec à Berlin donneront des résultats. Mais il faut faire attention: parfois les remèdes peuvent tuer le patient.
- Que peut faire la Chine? La Chine fera-t-elle quelque chose?
- Nous voulons contribuer pour maintenir une croissance constante de l'économie mondiale. Aider la zone euro? Oui, mais seulement au maximum de nos capacités. Si un homme peut porter 100 kilos, on ne peut pas lui demander d'en porter 200, sinon, il va être lui-même en mauvais état! Je ne sais pas ce que vous voulez que nous fassions?
- Achetez les obligations européennes ou encore participez à larecapitalisation des banques fragilisées par la crise...
- (Rires.) C'est au-dessus des 100 kilos que nous pouvons porter.
- Craignez-vous que vos placements dans les obligations de pays européens ou les investissements des entreprises chinoises soient risqués?
- C'est le marché qui décide en fonction de la solidité des pays ou des banques à la recherche des prêts ou du nouveau capital. Dans certains cas, les banques ont effectivement des problèmes, dans d'autres, c'est l'expérience qui fait défaut. Mais ce ne sont pas toutes les banques ou tous les pays qui ont des difficultés. Je reviens de Suède, d'Allemagne et suis maintenant en Suisse. Je n'ai pas l'impression qu'il y a de crise dans ces pays.
- Les dirigeants chinois ont dit à plusieurs reprises que la zone euro doit mettre sa maison en ordre. Qu'attendez-vous d'eux?- Qu'ils nous disent précisément la profondeur du trou; qu'ils nous disent la vérité sur leurs difficultés. C'est à eux de nous dire ce qu'ils attendent de nous. Ça ne sert à rien que nous soignions leur tête alors qu'ils ont mal à leurs pieds. Il ne suffit pas de crier à l'aide sans dire où l'on a mal, Cela est très important pour rétablir la confiance. Nous sommes aussi préoccupés par le fait que les règles budgétaires concernant les déficits ne sont pas respectées. Mais les dirigeants européens doivent assumer leurs responsabilités.
- Seriez-vous disposé à aider l'Europe si elle vous accordait le statut d'économie de marché à l'Organisation mondiale du commerce au lieu d'attendre jusqu'en 2016?
- La Chine mérite ce statut dès maintenant. Je veux savoir comment les pays amis nous traitent. Il n'y a pas de condition, mais nous prenons note.
- C'est une menace?
- La Chine n'est pas une menace pour le monde. Mais c'est utile de savoir l'attitude des pays qui se disent amis.
- Vous faites campagne pour que les entreprises chinoises partent à la conquête du monde. Quel est le rôle de l'Etat dans cette démarche?- Investir à l'étranger n'est pas une décision gouvernementale. Elle est dictée par le marché. Les entreprises font le pas lorsqu'elles estiment qu'il faut investir à l'étranger pour leur propre développement. Elles iront là où l'environnement pour investir est accueillant. Le rôle de l'Etat est defournir des conseils stratégiques aux entreprises. On ne peut pas leur donner des ordres. Les entreprises publiques prennent des décisions sur les mêmes bases. Le marché, les plans de développement et l'environnement pour les investissements dans un pays donné sont déterminants. L'Etat ne dirige pas les entreprises publiques. Il peut tout au plus virer les dirigeants d'une entreprise publique qui ont pris de mauvaises décisions.
- Certaines entreprises chinoises n'ont pu investir en Europe ou aux Etats-Unis. Du protectionnisme?- Non. Nous respectons les décisions des Etats qui ne souhaitent pas des investissements chinois aussi longtemps qu'elles ne sont pas discriminatoires. En Chine aussi, certains secteurs sont fermés aux capitaux étrangers.
Propos recueillis par Ram Etwareea et Valère Gogniat
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