mercredi 28 septembre 2011

En Chine, des épargnants retirent leurs dépôts... pour prêter à leur tour

Les Echos, no. 21026 - Finance, mercredi 28 septembre 2011, p. 27

Rémunérés 3,5 % par un an malgré une inflation de plus de 6 %, les dépôts bancaires peinent à concurrencer le secteur informel. Les inquiétudes sur la santé des banques grandissent.

Certains ménages chinois en ont manifestement assez de perdre de l'argent en épargnant. Au cours des quinze premiers jours de septembre, les quatre principales banques commerciales chinoises ont vu le montant de leurs dépôts fondre de 420 milliards de yuans, soit près de 50 milliards d'euros. Lassés de voir leur argent rapporter seulement 3,5 % par an, alors que l'inflation est supérieure à 6 % sur un an, certains cherchent manifestement des placements plus rémunérateurs.

Les particuliers sont ainsi de plus en plus nombreux à se substituer aux banques pour prêter de l'argent, avec un taux d'intérêt plus élevé, aux entreprises ne pouvant emprunter auprès des grands établissements. La plupart des PME chinoises n'ont en effet pas accès au crédit bancaire. Elles se tournent donc vers des prêteurs informels, particuliers ou même grandes entreprises. Ces derniers empruntent à faible taux auprès des banques avant de reprêter à des taux environ quatre fois supérieurs. Une pratique dont l'ampleur est difficile à évaluer, mais qui semble, à l'évidence, risquée.

Toutefois, comme l'analyse un bon connaisseur des banques chinoises, « cette baisse des dépôts est trop limitée pour représenter un risque systémique ». Elle n'en traduit pas moins l'ardente nécessité de réformer le secteur financier chinois pour l'orienter vers des mécanismes de marché. Aujourd'hui, les taux de dépôts et de prêts sont encore administrés.

Le président d'une grande banque chinoise reconnaissait récemment, en petit comité, que « les écarts de taux ont constitué jusqu'à présent l'essentiel des rémunérations des banques chinoises ». C'est en partie ce différentiel de taux qui a financé la croissance chinoise depuis trois décennies : en rémunérant peu les épargnants, les banques finançaient à bas coûts l'investissement des entreprises. Mais, désormais, note le même président d'une banque chinoise, il va falloir « se jeter à l'eau avant d'avoir appris à nager ». Autrement dit, proposer des taux de marché pour résister à la concurrence du secteur informel.

Exposition à l'immobilier

Un autre défi attend les banques chinoises : les conséquences du serrage de vis monétaire en cours. Pékin veut endiguer la bulle immobilière, et limite fortement la production de crédits dans ce secteur. Les promoteurs voient se fermer progressivement l'accès aux financements des trusts, auquel ils s'étaient accrochés depuis que les banques avaient pour consigne de ne plus leur prêter. Du coup, la situation des promoteurs inquiète. Le scénario qui se dessine est clair. Les promoteurs vont devoir céder une partie de leur stock de logements, y compris en baissant les prix.

En retour, se pose la question de l'exposition des banques au marché immobilier. Quel degré de correction de celui-ci peuvent-elles encaisser ? Pour Ken Peng, économiste chez BNP Paribas, il ne faut pas dramatiser la situation : « les prêts au secteur immobilier ne représentent pas plus de 5 % de leur portefeuille », estime-t-il.Il reste, note l'économiste, que les appartements sont souvent utilisés comme collatéraux adossés à des prêts bancaires. Leur forte dépréciation ne serait donc pas sans conséquence pour les banques chinoises.

Si l'on ajoute à ce tableau les interrogations persistantes sur le montant des créances douteuses accumulées par les gouvernements locaux chinois, la situation des banques chinoises incite à la prudence. D'après l'agence Bloomberg, les cours de Bourse des grandes banques chinoises - rapportés à leurs résultats -n'ont jamais été aussi bas depuis 2004.

Gabriel Grésillon

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