dimanche 11 septembre 2011

EXTRAITS - "La République des mallettes" par Pierre Péan




Marianne, no. 751 - Événement, samedi 10 septembre 2011, p. 18

Les extraits du dernier livre de Pierre Péan : L'argent noir qui corrompt la République
Révélations sur le mystérieux M. Djouhri

Pierre Péan retrace l'itinéraire d'un petit loubard qui, à force de "services rendus", s'est imposé dans l'ombre des politiques et des patrons du CAC 40. Sa réussite témoigne de la perte des valeurs républicaines au coeur de l'Etat.

Voici donc le livre tant attendu de Pierre Péan. Ces derniers mois, son enquête avait fini par devenir elle-même objet de rumeurs, d'articles de presse (publiés ou censurés) et de commentaires inquiets en haut lieu. Le célèbre enquêteur s'était donné comme objectif de cerner le rôle de l'un des personnages les plus mystérieux de la France d'aujourd'hui : Alexandre Djouhri. Inconnu du grand public, mais au centre du pouvoir depuis longtemps. Ondulant avec la même aisance et la même assurance, tour à tour, dans les réseaux pasquaïens, chiraquiens, villepinistes et maintenant sarkozystes. On a du mal à définir le métier de cet ancien loubard de banlieue devenu richissime : toujours là où cela se passe. Toujours incognito. Tel un hologramme, cet homme digne d'un scénario de thriller coréen est omniprésent mais aussi insaisissable que silencieux. L'on compte ses photos sur les doigts d'une main, il n'a ni bureau ni agenda, préférant "traiter" dans les palaces, écrit rarement, paye le plus souvent en liquide et réside fiscalement en Suisse.

Ce sujet d'enquête très particulier a entraîné Pierre Péan dans un univers qui lui est apparu nouveau, exotique. Après une longue carrière de scoops (lire le portrait de Judith Perrignon), il est devenu le témoin d'un monde où des sommes d'argent sale d'une ampleur qu'il n'avait jamais connue circulent furtivement, sans laisser de traces écrites. Son dernier livre est une mise en abyme : il enquête et se décrit en train d'enquêter, racontant les difficultés inédites qu'il rencontre. Une forme qui rappelle le nouveau journalisme, l'auteur se mettant lui-même en scène d'autant plus facilement qu'il a fini par devenir un acteur de la chronique française du pouvoir. Pas seulement parce que sa notoriété et sa réputation de discrétion lui ouvrent beaucoup de portes au sommet de l'Etat : il est aussi sollicité - pour ne pas dire supplié, parfois - par des personnages essentiels de la République pour qu'il révèle ce que ces derniers constatent avec effarement.

Mais cette fois l'enquêteur aguerri a pénétré un biotope où il risque l'asphyxie par manque de cet oxygène qui a toujours été à la base de ses scoops : les traces écrites, documents, factures, lettres. Si Pierre Péan occupe aujourd'hui cette place unique dans le journalisme français, c'est parce qu'il a l'habitude d'évoluer au-delà du cercle des journalistes d'investigation, dont beaucoup ne travaillent qu'avec les documents judiciaires distribués par les juges, les avocats et les policiers. S'il a pu sortir des affaires aussi diverses que la bombe nucléaire israélienne, les "avions renifleurs", le passé vichyste de François Mitterrand, les secrets de TF1 ou l'affairisme africain de Bernard Kouchner, c'est parce qu'il enquêtait au large, bien en amont de l'actualité judiciaire, à la recherche de preuves explosives. En suivant le sillage d'Alexandre Djouhri, il s'est vite retrouvé dans des contrées où les juges ne vont pas ou devant lesquelles ils déclarent forfait. Comment, par exemple, s'intéresser encore au mystère non résolu des frégates de Taïwan alors que l'un des plus acharnés des juges, Renaud Van Ruymbeke, a lui-même dû jeter l'éponge ?

Tout en prenant le lecteur à témoin de ses difficultés et de ses lacunes, Pierre Péan a décidé de raconter ce qu'il dit constituer la découverte la plus inquiétante de sa carrière : la formation de vastes "trous noirs" dans l'Etat de droit. On connaît les "zones de non-droit" en banlieue ; il a détecté leurs équivalences au sommet de l'Etat "où, cette fois, n'évolue pas la racaille de banlieue, mais l'élite politique et économique du pays". Péan nous révèle la géographie et l'organigramme d'une véritable oligarchie à la française, mêlant hommes politiques au plus haut niveau, voyous, grands cabinets de com, grands flics et grands patrons se comportant comme des voyous.

Valse des rétrocommissions

La République des mallettes explique la genèse de cette oligarchie, effet paradoxal des lois sur le financement des partis politiques. Celles-là ont mis fin aux bricolages des petits comptables clandestins avec leurs petits carnets à la Urba Gracco. Fini aussi les grenouillages en Berluti de Roland Dumas autour d'Elf ou les petites magouilles pour gratter des commissions sur les constructions de lycées ou de stades municipaux. Seule manière désormais d'échapper à la loi et aux juges : taper les contrats internationaux de sous-marins, navires de guerre, avions, centrales nucléaires, le plus souvent à l'abri du secret-défense. Avec un outil magique, une machine à jackpot : la rétrocommission. Le livre de Pierre Péan est une petite encyclopédie de la "rétro", laquelle consiste à détourner, à des fins politiques et - de plus en plus - personnelles, une partie des commissions secrètes autorisées jusqu'en 2000 pour "faciliter" les marchés internationaux : il suffit de s'entendre à l'avance avec ceux que l'on corrompt en vue d'obtenir un marché militaire ou civil en augmentant leur commission d'une somme que les corrompus s'engagent à rétrocéder discrètement aux corrupteurs. Tout cela, qui se décide au plus haut niveau, nécessite évidemment des intermédiaires fiables, polyglottes, discrets et aptes à manier la fluidité et l'opacité des outils de la finance internationale. Ces "intermédiaires" se sont vite modernisés et ne travaillent plus comme ces émissaires rustiques de chefs d'Etat africains qui apportaient à Dominique de Villepin, dans son bureau de l'Elysée, des liasses de billets dissimulés dans des djembés (gros tam-tams), comme le raconte un chapitre renversant.

Pierre Péan décortique avec un souci du détail qui donne parfois le tournis les circuits des rétrocommissions dans les grandes affaires de ces dernières années (Agosta, Sawari, Miksa). Il montre bien que la plupart d'entre elles, conçues pour rester invisibles - comme bien d'autres le demeurent certainement... - ne doivent leur relative publicité qu'aux violents déchirements au sein de la droite, entre balladuriens et chiraquiens avant la présidentielle de 1995, entre sarkozystes et villepinistes avant celle de 2007. Sur la plupart de ces affaires - dont les circuits de la corruption et l'ampleur des sommes avaient été évalués, mais leurs destinataires restaient inconnus -, Péan affine et complète les scénarios qui mettent presque tous en vedette Alexandre Djouhri. On ne cesse de découvrir, en lisant la République des mallettes, son hyperactivité et son influence : de la libération des infirmières bulgares (dont on comprend avec effarement, derrière la mise en scène élyséenne, une mécanique destinée à générer du cash) à la filière nucléaire en passant par le dossier Clearstream. Sur cette déjà ténébreuse affaire, Péan apporte du nouveau avec la découverte, parmi les 895 faux comptes, d'un vrai, qui a échappé aux juges. Et il propose un nouveau scénario avec Alexandre Djouhri comme probable acteur de la manipulation, contredisant ainsi la décision judiciaire qui a condamné Jean-Louis Gergorin, accusé d'être le corbeau.

"J'ai cherché les fondements de sa puissance. L'explication de son pouvoir pourrait en définitive être bien plus simple. C'est lui-même, avec son langage imagé et brutal, qui la donne : "Je les tiens tous par les couilles !"" conclut Péan qui, pour la première fois, décide de sortir une enquête qu'il considère incomplète, plus fondée sur les confidences de nombreuses "Gorge profonde" de belle extraction que sur des documents - dont l'inexistence assure l'impunité de ces nouveaux circuits d'argent sale. "L'absence de preuves formelles transforme-t-elle pour autant la vérité en erreur ?" s'interroge-t-il. C'est parce que son enquête l'a persuadé du contraire et qu'elle est assez solide pour alerter sur le pourrissement des affaires publiques qu'il sort ce premier livre sur un personnage selon lui "passé du banditisme au consulting avec une fluidité qui résume bien notre époque".

Car, derrière le journaliste à l'affût de scoops, il y a toujours, chez Péan, le militant de gauche soucieux de l'image de son pays et de ce qu'on appelle encore dans sa génération la "morale publique". Or, ce qu'il révèle montre à quel point celle-là est défaite par "un establishment qui trouve tout à fait normal qu'une partie des siens disposent de comptes bancaires hors de France". Il s'inquiète de l'émergence de cette oligarchie dont les membres accaparent un pouvoir que les peuples ne leur ont pas accordé, étendant leur influence sur les Etats pour ponctionner leurs richesses. Il faut savoir, par exemple, que ce sont les contribuables français qui remboursent actuellement à Taïwan les énormes rétrocommissions (630 millions d'euros) du marché des frégates que certains se sont mises dans les poches.

Intérêts privés, influence publique

Péan est ainsi particulièrement choqué de voir que cette oligarchie transcende le clivage droite-gauche et que ses membres, qui ne sont mus que par les ressorts de l'intérêt, ont acquis une influence majeure sur de grandes décisions publiques concernant la diplomatie ou la restructuration des groupes industriels sur lesquels repose l'avenir du pays. L'affaire de la Mnef lui semble exemplaire de ce mélange qui avait vu des affairistes de gauche s'allier avec des patrons balladuriens en compagnie de flics et de voyous pour faire de l'argent noir et vivre la belle vie sur le dos d'une mutuelle étudiante siphonnée au détriment de ses adhérents.

Péan revient sur cette équipe fondatrice parce qu'il a eu la stupéfiante surprise de voir réapparaître dans son enquête son principal animateur, Olivier Spithakis, condamné à plusieurs reprises comme pivot de l'affaire de la Mnef, mais aujourd'hui en affaires avec EDF Energies nouvelles, se retrouvant ainsi auprès de l'un de ses comparses de l'affaire Mnef, l'actuel PDG d'EDF, Henri Proglio - à propos duquel on découvre avec un mélange d'effarement et de tristesse qu'il se laisse traiter comme un loufiat par Djouhri, l'ancien voyou devenu donneur d'ordres aux plus puissants. Qu'un ancien condamné pour détournement de fonds publics comme Spithakis squatte la branche d'avenir de la première entreprise énergétique française et que Djouhri ait contribué à la baisse des exigences en matière de sûreté nucléaire, comme le démontre Péan, en dit long sur l'emprise de cette oligarchie qui se substitue progressivement aux grands commis de l'Etat.

Éric Conan


La République des mallettes. Enquête sur la principauté française de non-droit, de Pierre Péan, Fayard, 486 p., 23 €.

EXTRAITS

Un familier de l'Elysée

Le dimanche 13 janvier 2008, l'Airbus présidentiel vole vers Riyad. Nicolas Sarkozy doit rencontrer Abdallah, le monarque saoudien wahhabite. Après l'Arabie, le président s'arrêtera au Qatar, où il s'entretiendra avec l'émir Al-Thani, et il finira le surlendemain son périple à Abou Dhabi. Les ministres qui l'accompagnent et Jean-David Levitte, conseiller diplomatique et sherpa du président, papotent autour de la grande table. Nicolas Sarkozy les y rejoint. Il est manifestement en forme et a envie de s'épancher sur les coups que lui ont portés les "chiraquiens", notamment Dominique de Villepin. Depuis quelques mois, il sait que l'enquête des juges Pons et d'Huy s'oriente vers une mise en cause de l'ancien Premier ministre, qu'ils "soupçonnent d'avoir participé à une machination visant à [le] déstabiliser". Sarkozy s'était porté partie civile dans l'affaire Clearstream en janvier 2006. Il l'a emporté. Mais il n'oublie rien. Il sait que l'affaire aurait pu le "tuer". La peur rétrospective le pousse à s'épancher et à expliquer les raisons qui l'ont mené à vouloir accrocher Dominique de Villepin et ses prétendus comparses à un "croc de boucher". Il donne alors de l'affaire Clearstream une version différente de celle que la justice établira trois ans plus tard. Il raconte comment et pourquoi, en 2004, le "chantier" monté contre lui aurait pu l'empêcher de prendre la tête de l'UMP et de devenir président. Levitte manifeste bruyamment son admiration : "Comment, monsieur le Président, avez-vous trouvé l'énergie pour résister à pareilles attaques ?"

Le président détaille les secrets du complot, fomenté, selon lui, depuis l'Elysée, mais mis à exécution par un certain Alexandre Djouhri, qui a bien failli avoir sa peau. Et il termine son exposé par : "S'il n'était pas venu à Canossa, il aurait reçu une balle entre les deux yeux !" Hervé Morin, qui m'a confirmé le propos du président sur Djouhri, s'empresse de me faire une explication de texte, pour en atténuer la violence...

Depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Elysée, ce personnage, inconnu du grand public, mais très puissant, a ses habitudes au Château. Il s'y sent comme chez lui. En cette fin d'après-midi du 30 juin 2009 où la salle des fêtes est archipleine, Nicolas Sarkozy doit décorer 10 personnalités autour desquelles gravite du beau monde. Le président tient en cette occasion à réparer l'injustice dont a été victime le Pr Jean-Claude Chermann, l'un des trois codécouvreurs du virus du sida, qui vient d'être privé du prix Nobel de médecine en 2008. Il l'élève aujourd'hui au grade de grand officier de la Légion d'honneur.

Puis c'est l'heure des petits-fours et du champagne. "M. Alexandre", habitué des lieux, qui vient d'assister à la cérémonie, commence à trouver le temps long. Il se tient aux côtés de Philippe Carle, qui fait partie du premier cercle du président ; il déjeune régulièrement avec lui. Il est également proche de Vincent Bolloré et de Martin Bouygues ; joueur de polo, membre du Club des cent, du Maxim's Business Club du golf de Saint-Cloud, il a, entre autres activités, édifié sa fortune dans l'assurance en revendant sa compagnie à Axa, tout en restant l'un des conseillers des dirigeants du groupe. Alexandre Djouhri ayant chuchoté à l'oreille de Philippe Carle, les deux hommes quittent ensemble la salle de réception et foulent les pavés de marbre blanc et rouge du vestibule d'honneur, gravissent l'escalier Murat pour se rendre dans la première antichambre, puis la seconde donnant sur le Salon vert et le Salon doré, soit les bureaux du secrétaire général de l'Elysée et du président de la République. Les gardes républicains qu'ils croisent reconnaissent M. Alexandre, le saluent discrètement et le laissent aller, avec son compagnon, jusqu'à la porte du Salon vert, bureau de Claude Guéant, l'homme que la classe politique s'accorde à tenir pour le numéro deux de la République.

M. Alexandre entre sans frapper dans le bureau de son ami et en fait les honneurs à Philippe Carle, qu'il invite à s'asseoir. Il se dirige ensuite vers le réfrigérateur, en sort une bouteille de champagne, l'ouvre, emplit deux verres, en tend un à son compagnon, interloqué par une telle assurance en ce haut lieu de la République, et trinque avec lui.

Djouhri continue de se faire le cicérone en ouvrant la porte du Salon doré. Philippe Carle ne se sent pas à l'aise, il préférerait de beaucoup déguster une nouvelle coupe dans la salle des fêtes. Le toupet de son guide l'inquiète : va-t-il aller jusqu'à s'asseoir dans le fauteuil présidentiel, derrière le bureau Louis XV sculpté au XVIIIe siècle par Charles Cressent ? Indifférent à la beauté des meubles, il ne prête pas attention à la cheminée de marbre blanc, ni au "N" de Napoléon III, ni aux objets disposés là par Nicolas Sarkozy : la photo du général de Gaulle à la BBC, une belle icône, la reproduction d'un petit voilier...

M. Alexandre est souvent convié aux réunions officielles. Le 2 mars 2010, il est présent au dîner de gala offert par le président de la République en l'honneur de Dmitri Medvedev, son homologue russe. Il y a emmené son ami Henri Proglio, patron d'EDF, qu'il presse pour que celui-ci s'entende avec le géant russe du nucléaire, Rosatom, contre Areva. Il est encore là une semaine plus tard, quand Nicolas Sarkozy épingle la Légion d'honneur au revers de la veste de Sergueï Chemezov, directeur de l'agence Rosoboronexport, chargée des ventes d'armes à l'exportation, ami de Poutine du temps où les deux fonctionnaires du KGB étaient en poste à Dresde. Toutefois, le plus souvent, il rencontre Claude Guéant au bar du Bristol, voire à dîner au restaurant Le Stresa, ou bien ailleurs : Djouhri et Guéant sont vus en Arabie, en Libye et autres pays du Proche- et du Moyen-Orient pour vendre le TGV, des centrales nucléaires, des Rafale. Son intimité avec le secrétaire général de l'Elysée est renforcée par la proximité dans les affaires, à Londres, entre Germain, le fils d'Alexandre, et Jean-Charles Charki, le gendre de Claude Guéant.

"Faites attention..."

Alexandre Djouhri n'aime pas la lumière et le fait savoir à ceux qui voudraient braquer leur lampe sur lui. Il a de surcroît la menace facile.

En juillet 2010, mes premiers interlocuteurs m'avertissaient du danger que l'on courait à s'intéresser à lui de trop près. L'un d'eux, un important "M. Afrique", m'a d'emblée raconté que, lorsqu'il l'avait connu dans les années 90, Djouhri tenait à montrer qu'il disposait d'un pistolet dans sa boîte à gants et n'hésitait pas à s'en servir. La patronne de la société de communication Image 7, Anne Méaux, ne s'est-elle pas dite menacée, en novembre 2006, au pavillon Gabriel, à Paris, lors d'une réunion de la Fondation Euris, par un émissaire envoyé par Alexandre Djouhri ? Cet épisode désagréable ne l'a-t-elle pas conduite à faire une "main courante" ?

Il ne m'avait pas échappé que Ziad Takieddine, un des concurrents de Djouhri, s'était livré dans le Journal du dimanche (1) et dans le Nouvel Observateur (2) à des attaques graves, savamment relues par ses avocats (3), mais qui ne laissaient planer aucun doute sur la cible : l'homme d'affaires libanais faisait tout simplement état d'une tentative d'assassinat !

Ayant lu dans l'Express (4) que le "M. X" de Ziad Takieddine n'avait pas hésité à menacer Patrick Ouart, alors conseiller en matière de justice de Nicolas Sarkozy, je cherchai à rencontrer celui-ci en septembre 2010. Il me demanda un week-end pour réfléchir avant de me donner sa réponse. Finalement, il m'écrivit pour me signifier qu'une telle rencontre, qui l'amènerait immanquablement à évoquer des questions traitées à l'Elysée, serait contraire à l'idée qu'il se faisait de ses obligations de discrétion et de loyauté. Ce que j'admis volontiers. Toutefois, il me confirma "l'incident [l']ayant mis aux prises avec cet individu" et m'envoya l'attestation qu'il avait rédigée à la demande de l'Express, confirmant qu'en octobre 2009 deux personnes dignes de foi l'avaient avisé que M. Djouhri proférait à son encontre de vifs reproches et des menaces : lui, Patrick Ouart, aurait "fait perdre des milliards à la France" ; il serait "raciste", "afrikaner et soutien de Savimbi" (5) ; et l'imprécateur aurait précisé enfin "qu'en l'état de son embonpoint il serait difficile à rater" ! Propos qui auraient été tenus notamment à l'occasion d'un déjeuner au restaurant du Ritz et semblent liés à l'attitude prêtée à Patrick Ouart dans le dossier dit de l'"Angolagate". Yazid Sabeg, proche d'Alexandre Djouhri et commissaire à la diversité et à l'égalité des chances, est l'une des personnes dignes de foi qui ont acheminé les propos de Djouhri jusqu'à Patrick Ouart.

Le conseiller à la présidence de la République rend alors compte à Nicolas Sarkozy des menaces proférées à son encontre et brosse au président un portrait plutôt sombre du personnage. "On a de quoi le mettre en prison", déclare notamment le conseiller justice. Au beau milieu de l'entretien, le président fait venir Claude Guéant, alors secrétaire général de l'Elysée. Celui-ci, réputé proche de Djouhri, atténue les propos de Patrick Ouart, qu'il s'empresse de répercuter à son ami. Manifestement, le président fait plus confiance à son secrétaire général qu'à son conseiller justice : le 30 novembre 2009, il est mis fin aux fonctions de Patrick Ouart.

Dans le courrier de réponse qu'il m'adresse, Patrick Ouart n'hésite pas à me mettre en garde : "Votre travail sur ce thème semble désormais connu. [...] Compte tenu des protagonistes en cause, de leur mentalité ou de leurs moyens, je ne puis que vous recommander la plus grande prudence. Leur système ne vaut que dans le secret, même si le principal intéressé est souvent ostensible, et vous le mettez en danger."

Quelques jours plus tard, le 8 octobre 2010, je déjeune au restaurant Le Divellec avec un des personnages clés de l'affaire Elf et l'un de ses avocats. Entre huîtres et homard, le premier rapporte quelques bribes d'un déjeuner qu'il a partagé, une quinzaine de jours plus tôt, avec Dominique de Villepin et Alexandre Djouhri. Après avoir évoqué la fascination du second pour le "poète", l'animosité de ce dernier envers Bernadette Chirac, le vieux pétrolier me confie tout de go qu'Alexandre est au courant que je m'intéresse à lui, qu'il n'en est pas content du tout ; il proférerait à mon endroit de graves menaces. Je sens le vieux monsieur perturbé. Il voudrait que j'abandonne mon enquête. Dit qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil et que mes prétendues révélations n'en seront pas. "Faites attention... Le milieu algérien est beaucoup plus dangereux que le milieu corse", conclut mon interlocuteur.

"Il était mentalement très fort"

Ahmed Djouhri est né le 18 février 1959 à Saint-Denis. Ses parents louent un trois pièces à Sarcelles, où il grandit parmi ses soeurs et frères ; il n'est proche que de l'un d'entre eux, Balam. Devenu adolescent, tout le monde l'appelle "Méda", son prénom en verlan. Il est toujours en survêtement, avec des Stan Smith aux pieds. Son pote le plus proche est Billy, un grand Black d'origine centrafricaine, figure charismatique, souvent accompagné de deux de ses frères, Mato et Riquet. Méda compense sa petite taille par un entraînement physique intense. Il a le coup de poing facile et efficace, mais c'est déjà en même temps un grand séducteur : il impressionne ses copains par sa capacité à approcher les gens qui ne sont pas de son milieu ni de son âge. Mida, un autre membre de la bande de Sarcelles, se souvient : "Il savait aborder les "vieux", leur parler, avec une façon de leur toucher familièrement le lobe d'une oreille qui leur enlevait toute prévention à son égard. Il parlait un français beaucoup plus châtié que le nôtre. Je me souviens d'une soirée dans une sorte de château, à côté de Chantilly, je ne sais plus comment nous étions arrivés là. Les jeunes filles de la maison se sont interrogées tout haut sur la présence de loubards. Méda est allé vers elles, leur a demandé pour qui elles se prenaient et, au bout de quelques minutes, elles s'excusaient de nous avoir pris pour des loubards... Il était plus mûr que nous, il comprenait les choses, il était mentalement très fort."

Avant même leurs 18 ans, Méda et ses copains ne rêvent que grosses cylindrées, costumes griffés, belles pépées et liasses de billets dans les poches. Ils écoutent les histoires de ceux qui montent des "coups" à Paris et ont l'argent facile. Il existe quelques passerelles entre Sarcelles et le milieu, dont les figures emblématiques sont à l'époque les frères Zemour, appelés les "Z" par le milieu. "David les Yeux-Bleus", un gars de Sarcelles qui roule en Jaguar, et son frère, dit "Jojo le Fou", qui conduit sans permis ladite Jaguar, ainsi que d'autres voitures volées, vont introduire la bande de Méda et Billy dans le faubourg Montmartre, terrain de jeu favori des frères Zemour et du milieu juif pied-noir.

David les Yeux-Bleus est un homme respecté. C'est le beau-frère de Prosper Elbaz, un nom chez les malfrats, dont le frère, Jojo, garde du corps de William Zemour, a été abattu dans le bar Le Thélème, le 28 février 1975, lors d'un violent règlement de comptes. David les Yeux-Bleus traîne aussi avec une autre figure du grand banditisme, Claude Pieto, dit "Petit Claude", un ancien du gang des Lyonnais.

Méda, Billy, Mida, Balam, Riga, Mato, La Cerise et compagnie se mettent à fréquenter plusieurs établissements du faubourg Montmartre. Le restaurant Chez Freddy, près des Folies-Bergère, mais surtout le Cercle central des lettres et des arts, un nom bizarre pour désigner un cercle de jeux situé 5, boulevard Montmartre, appartenant aux frères Zemour. C'est là que Petit Claude va prendre sous son aile le jeune Méda, qui se fait de plus en plus appeler Alexandre.

Petit Claude a une trentaine d'années quand il rencontre Djouhri. Il a fait son service militaire comme parachutiste dans l'infanterie de marine. Libéré, il enchaîne les inculpations : le 25 avril 1970, pour "port d'armes et tentative d'extorsion de fonds" ; le 14 mai 1970, pour "coups et blessures volontaires" ; le 4 septembre 1972, pour "tentative de vol" ; le 11 septembre 1973, pour "vol qualifié, recel, association de malfaiteurs". Claude Pieto est soupçonné un temps d'être l'un des auteurs du meurtre du juge Renaud perpétré à Lyon dans la nuit du 2 au 3 juillet 1975. Le 12 janvier 1976, il est mis en cause pour un vol à main armée commis à Barcelone ; le 3 juin 1977, mis en cause dans une affaire de tentative d'homicide sur agent de la force publique ; le 29 septembre 1979, pour tentative d'extorsion de fonds et menace de mort ; son nom est évoqué dans le cadre d'un vol à main armée commis le 30 septembre 1980 à Montrouge, au cours duquel les malfaiteurs ont mortellement blessé deux gendarmes avant de prendre la fuite... Claude Pieto va continuer à collectionner les mises en cause dans des braquages et rackets au début des années 80. A ce stade de l'évocation du milieu dans lequel évolue Ahmed-Méda, il est important de souligner que, après la plongée de la bande dans le milieu du faubourg Montmartre, l'argent s'est mis à couler à flots. "On faisait souvent deux coups par jour", me raconte un ancien copain de Méda. Par "coup", il faut entendre surtout des braquages à main armée, mais aussi du racket. Deux des anciennes relations d'Ahmed m'ont assuré que celui-ci ne serait "monté" qu'une fois : pour le vol, dans l'escalier d'un immeuble, d'une sacoche d'un agent de sécurité, en compagnie de David les Yeux-Bleus.

La bande autour de Méda et de Billy va bientôt être affublée par les policiers d'un nom : le "gang de la banlieue nord". Il s'est spécialisé dans le vol de bijouteries, de caisses de magasin, de sacoches, de coffres, etc. Le butin est composé de diamants, de lingots, de pièces d'or et d'espèces facilement convertibles. Les lieux de pérégrination nocturne de Méda changent au fil des ans. Il délaisse Le 78 pour Le Privé, rue de Ponthieu, et L'Apocalypse, rue du Colisée... Dans ces boîtes où se côtoient gens du show-biz et de la publicité, jeunes gens de bonne famille, flambeurs, voyous et aigrefins venus de tous les horizons, mais notamment d'Afrique et du Moyen-Orient, Djouhri, tout en entretenant ses relations avec des figures notoires du grand banditisme, met les pieds dans un monde on ne peut plus éloigné de Sarcelles.

"Méda, c'est celui, parmi nous, qui avait le plus faim", me confie un de ses amis de l'époque. Il veut réussir, grimper socialement, gagner beaucoup d'argent. C'est un charmeur dont la compagnie est recherchée.

S'il côtoie déjà des personnalités du Tout-Paris ou de la Tout-Afrique, ce ne sont pas ces relations-là qui intéressent les policiers du Val-d'Oise. A compter du 25 février 1981, ceux-ci surveillent la petite bande de Billy et Méda quand elle évolue dans Sarcelles. Un rapport de police résume prosaïquement : "Les fonctionnaires ont suivi les faits et gestes de cinq individus n'ayant pas d'activité déclarée et menant un train de vie important qui ne semblait pouvoir s'expliquer que par des activités délictueuses." Les cinq circulent à bord de grosses cylindrées : Mercedes, BMW, Golf GTI. Méda figure parmi eux.

Le 15 septembre, les flics débarquent chez les parents Djouhri et placent leurs deux fils Méda et Balam en garde à vue. Dans la cave de l'appartement, les policiers trouvent deux gros ballots de "fripes", un masque souple de carnaval représentant un émir, un sac publicitaire marqué "Adria", duquel ils sortent : un revolver Smith & Wesson de calibre 38 spécial approvisionné de six cartouches ; un autre revolver du même type, également approvisionné de six cartouches ; douze cartouches de 38 spécial ; et, en vrac, dans une pochette de plastique marron, une cagoule de motocycliste, un gant gauche en tissu élastique de couleur vert pâle et deux paires de menottes de marque La Pegy. Interrogés sur la présence de ces armes dans leur cave, les deux frères ne tiennent pas à s'expliquer sur le moment : ils verront "ultérieurement"... Ultérieurement, La Cerise, admirateur inconditionnel de Méda, au point de prénommer plus tard son fils Alexandre, dédouanera Méda et Balam en affirmant que les deux Smith & Wesson lui appartiennent. Le soir même de la perquisition, Méda et son frère, après avoir été présentés, dans le cadre de la procédure pour association de malfaiteurs, au substitut du procureur de Pontoise, sont remis en liberté, aucune charge n'ayant été retenue contre eux.

C'est un peu plus tard, à l'époque de son association avec Anthony Delon, le fils de la grande star (qui s'en est beaucoup inquiété), dans une affaire de vêtements en cuir de marque AD, qu'Alexandre Djouhri fait l'objet d'une tentative d'assassinat, en 1986, ses comparses le déposant, grièvement blessé d'une balle de 11,3 dans le dos, dans la cour de l'hôpital Saint-Louis, à Paris.

Entrée dans la "zone grise"

C'est sa rencontre avec François Antona, un flic corse de la "mouvance Pasqua" et proche de Bernard Squarcini (alors directeur régional des Renseignements généraux en Corse) qui sera déterminante dans la carrière de Djouhri. Antona dit encore aujourd'hui que c'est lui qui a fabriqué Djouhri, après l'avoir sorti du ruisseau. Un ancien cadre de la Direction de la surveillance du territoire (DST), actif au début des années 90, m'a confirmé qu'Alexandre Djouhri, piloté par François Antona, a noué d'étroites relations avec la Place Beauvau, alors dirigée par Charles Pasqua (1986-1988), quand, dans le même temps, il se rapprochait grandement d'Elf, plus précisément d'André Tarallo. Les réseaux africains d'Elf et de Pasqua se recoupent largement.

"Indic" n'est pas le bon terme pour désigner le rôle que quelques hommes de l'ombre, grands flics et responsables politiques, entendent faire jouer à ce personnage atypique qui dispose d'un grand entregent et approche de nombreuses personnalités. Compte tenu de son curriculum vitæ, l'homme peut à la fois être "tenu" et rendre des services dans la "zone grise" de la vie publique. Les appareils d'Etat, comme ceux des partis, ont toujours besoin de personnages n'ayant pas froid aux yeux, qui peuvent se faire les porteurs de messages ou de valises en toute discrétion ; mais aussi qui sachent mettre de l'huile (ou du feu) dans les rouages de négociations, voire graisser la patte des uns et des autres, bousculer ou calmer un interlocuteur - bref, faire tout ce qui est censé n'avoir jamais existé, en sorte que l'Etat, ou toute autre institution, ne soit jamais impliqué.

C'est pendant la première cohabitation (1986-1988) que la carrière d'Alexandre Djouhri prend son envol. Ce n'est pas un hasard si c'est au cours de cette période, le 2 avril 1987, qu'il est naturalisé français. Compte tenu de son passé récent, connu évidemment des autorités policières, cette naturalisation est la preuve par neuf de l'incroyable protection dont il bénéficie au ministère de l'Intérieur : un an après avoir été blessé par balle, à l'occasion d'un règlement de comptes entre grands voyous, l'enquête policière préalable à l'obtention de la nationalité française aurait dû être un obstacle à sa naturalisation... Désormais, officiellement, il porte le prénom d'Alexandre. Pour reprendre l'expression de Billy, il a, comme son héros Alexandre le Grand, "cassé toutes les marches" avec son ancien milieu, il peut s'employer à bâtir son empire. Sur les conseils de François Antona et de ses nouveaux amis, il crée, en 1987, sa première société en Suisse, pays dont il deviendra le résident fiscal.

Si proche de Dominique de Villepin

"C'est Villepin qui l'a fait changer de dimension, à partir de 1995. Alexandre était encore un "petit", qui avait l'argent facile, mais il ne roulait pas sur l'or. Il est alors devenu un familier du bureau du secrétaire général de l'Elysée..." m'a indiqué, au début de mon enquête, l'ancien directeur des affaires générales d'Elf, André Tarallo, qui connaît bien Djouhri. Ce qui est certain, c'est que, grâce à sa relation avec le secrétaire général de l'Elysée, Djouhri a changé de statut. Rapidement, ses proches, comme André Tarallo, ont constaté qu'il avait beaucoup plus de moyens financiers à sa disposition.

On sait également qu'Alexandre Djouhri a suivi de près, à ses côtés, le déroulement du premier procès Clearstream, donnant même l'impression de le "coacher", l'aidant à se détendre, à la veille des audiences : ainsi, à l'hôtel de Paris, à Monaco. C'est d'ailleurs au cours de ce séjour que fut prise et publiée la première photo du "duo" dans Point de vue, qui sera reproduite ensuite fréquemment pour montrer la proximité entre l'ex-Premier ministre, en pantalon couleur framboise, et son ami, en chemise et pantalon blancs.

Depuis, Dominique de Villepin s'affiche très fréquemment au côté d'Alexandre Djouhri, l'intermédiaire tout-puissant. Les liens naguère noués semblent s'être intensifiés. On les voit ensemble dans des restaurants et hôtels très chers, dans des lieux de vacances hors de prix, et dans des avions mis à la disposition du premier par le second, nourrissant de nombreux soupçons. Cette proximité constante est encore renforcée par l'adhésion d'Hervé Séveno, le factotum de Djouhri et président du cabinet d'intelligence économique I2F, à République solidaire, le mouvement de Dominique de Villepin. Il n'y entre pas par la petite porte puisque, le 7 juillet 2011, il en a été nommé secrétaire général adjoint, c'est-à-dire numéro trois du mouvement.

Blanchi par Bernard Squarcini

Alexandre Djouhri était gratifié, le 19 décembre 2005, d'un incroyable certificat de bonne vie et de bonnes moeurs par Bernard Squarcini, numéro deux des Renseignements généraux et aujourd'hui directeur central du renseignement intérieur. Pourtant, à cette date, non seulement Djourhi a été mis en examen pour violences, début décembre 2005, après avoir boxé l'homme d'affaires Mohamed Ajroudi dans une chambre du palace George-V, mais son passé commence à remonter et à être évoqué dans les gazettes. Son nom n'a-t-il pas été cité dans des affaires de grand banditisme dans les années 80 ? Un rapport de 18 pages, établi en août 1989 par la brigade criminelle et circulant dans les rédactions, ne le met-il pas gravement en cause ? N'est-il pas aussi soupçonné par Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur, d'avoir été à la manoeuvre dans l'affaire Clearstream ? Toujours est-il que le haut fonctionnaire de la République pose par là un acte unique dans les annales du pays en prenant officiellement fait et cause pour un personnage qui, pour le moins, n'est pas "blanc-bleu".

Cette attestation aurait déjà posé problème si elle avait été un reflet exact de la réalité, mais elle prend des libertés avec celle-ci.

Squarcini écrit que, à l'occasion des enquêtes effectuées sur Djouhri, "rien de défavorable n'a pu être démontré concernant l'intéressé, et aucun élément lié au terrorisme, grand banditisme ou blanchiment n'a pu être mis en exergue". Or, si Ahmed Djouhri, sous son prénom d'origine, n'a en effet jamais été condamné, il a été lié au grand banditisme. Je me limiterai ici à relever que le rapport adressé par l'inspecteur divisionnaire Sylvestre Grisoli, le 21 août 1989, à Jacques Poinas, commissaire principal, chef adjoint de la brigade criminelle, fournit de nombreux détails sur la proximité d'Alexandre Djouhri avec de nombreux individus fichés au grand banditisme. Une note de l'inspecteur principal Yves Etrillard, du groupe criminel du SRPJ de Versailles, datée du 26 avril 1990, et transmise au tribunal de grande instance de Versailles, présente de son côté Alexandre Djouhri comme "une figure montante du milieu parisien".

Bernard Squarcini écrit ensuite : "En ce qui concerne plus spécialement les liens entre le banditisme corse, à travers la personne d'Andreani, ancien policier de la Préfecture de police, reconverti dans la société de gardiennage qui traite de la sûreté de l'aéroport de Figari [Corse du Sud], aucun lien n'a jamais été démontré ni à titre d'investissements financiers, ni à titre de relation physique."

Autrement dit, le futur patron de la DCRI va jusqu'à nier l'existence d'une simple relation entre Jean-Baptiste Andreani et Alexandre Djouhri, et demande à celui qui le contesterait d'en apporter la preuve. Renaud Lecadre, le premier journaliste à avoir braqué la lumière sur Djouhri en 2004 et qui a révélé ensuite au fil de ses articles les traits de cet homme niché dans l'ombre des pouvoirs, évoque comme une évidence "sa proximité avec Jean-Baptiste Andreani, ancien policier corse reconverti dans la sécurité privée" (6). Rappelons qu'Andreani, comme Djouhri, était dans l'entourage d'André Tarallo dans les années 90. Andreani dirigeait une société de gardiennage corse, Kalliste, qui s'occupait de la sécurité de l'aéroport de Figari, mais aussi de la grande villa corse d'André Tarallo, ex-"M. Afrique" d'Elf.

Au-delà de la négation de la relation Djouhri-Andreani, Bernard Squarcini a, de par l'exercice de son métier, une connaissance certaine des milieux corses les plus divers, de la mouvance nationaliste au grand banditisme, en passant par les mondes de la police, de la politique et des affaires ; et il ne peut ignorer que son ami Djouhri a noué, depuis longtemps, des relations dans ces mêmes milieux. Il serait bien hasardeux que des connaissances de l'un, qui se trouvent aussi souvent être celles de l'autre, ne sachent pas que les deux hommes sont en relation. Bernard Squarcini ne tient peut-être pas à ce qu'on vienne examiner de trop près des noeuds qui pourraient se révéler vipérins.

Rappelons ici que c'est près de six années auparavant que les deux hommes se sont rapprochés dans les circonstances d'une affaire corse, celle de l'attentat revendiqué par le FLNC-canal historique contre la mairie de Bordeaux dans la nuit du 5 au 6 octobre 1996. Le Premier ministre Alain Juppé avait demandé que Squarcini soit démis de ses fonctions. C'est Alexandre Djouhri qui sauva sa tête en intervenant auprès de son ami Dominique de Villepin, alors secrétaire général de l'Elysée. Les termes de l'attestation que donne Squarcini en 2005 montrent la force des liens qui unissent Bernard Squarcini et Djouhri.

Il est donc impossible de ne pas se poser de questions sur les vraies raisons de la protection accordée à Djouhri par celui qui est devenu le grand patron des services secrets intérieurs. Non seulement le directeur de la DCRI délivre à son ami des brevets de patriotisme et de bonne vie et de bonnes moeurs, mais il s'affiche avec lui. Au fil de mon enquête, j'ai été souvent informé de leurs fréquentes rencontres au Bristol, au Plaza-Athénée ou quelque autre restaurant huppé. Les témoins visuels de ces rencontres disent la même chose : Djouhri donne l'impression de se comporter en supérieur hiérarchique du patron de la DCRI, parfois même de le convoquer, comme le jour de la chute de Ben Ali, en janvier 2011 : d'abord seul, au Bristol, Djouhri suit en direct les événements en téléphonant alternativement à l'Elysée et quelque part en Tunisie, jusqu'à l'arrivée de Bernard Squarcini, de la conversation des deux hommes il semble ressortir que ce dernier lui rende compte de la situation tunisienne. Les deux hommes voyagent d'ailleurs ensemble à l'étranger, comme ce 12 octobre 2010 où ils partent passer quelques heures à Damas dans le Falcon 7X de "Sergio" (Dassault)...

En affaires avec Veolia

"Tais-toi : tu es le soldat, je suis le général..." Qui s'exprime ainsi au restaurant du George-V, ce 3 juin 2004 ? Le tout-puissant Alexandre Djouhri, champion du clan chiraquien dans le duel que se livrent les deux camps ennemis de la droite. Qui baisse les yeux, le regard rivé sur son assiette ? Henri Proglio, alors président du groupe Veolia et futur président d'EDF. Autour de la table, outre Djouhri et Proglio, sont assis l'ancien magistrat et député de la Haute-Vienne Alain Marsaud, Emmanuel Petit, un cadre de Veolia, et Mohamed Ayachi Ajroudi, président de la société Aquatraitements Energies Services (AES).

A l'ordre du jour de ce déjeuner, la constitution d'une société, Veolia Middle East, qui permettrait au groupe français d'"être sur place" et de s'implanter plus aisément en Arabie saoudite ainsi que dans l'ensemble du Moyen-Orient. C'est Alain Marsaud qui, lors d'un déjeuner à l'Assemblée nationale, le 20 mai précédent, avait suggéré à Ajroudi de créer une telle société. Ajroudi n'avait-il pas été à l'origine d'un contrat juteux portant sur un réseau tout-à-l'égout à La Mecque, remporté en 2001 par la société Safege, filiale du groupe Suez ? Ajroudi avait alors été étonné d'entendre Marsaud dire qu'il allait contacter Proglio par l'intermédiaire d'Alexandre Djouhri, "sans lequel M. Proglio n'est rien".

Au déjeuner du George-V, Ajroudi propose donc de constituer Veolia Middle East, sur la base de 49 % du capital détenu par lui et 51 % par le groupe Veolia. De but en blanc, Alexandre Djouhri demande à Ajroudi de lui rétrocéder gratuitement 20 % des actions. Interloqué, Ajroudi s'enquiert des raisons d'une telle demande. M. Alexandre assène alors qu'il est incontournable, que rien ne peut se faire sans lui chez Veolia, parce qu'il détient déjà 8 % du capital du groupe : "Je maîtrise tout : j'ai 8 %, sans moi rien n'est possible..." Ajroudi proteste haut et fort qu'il n'est pas question de lui céder gratuitement ces 20 %. C'est dans ce contexte qu'Henri Proglio, estimant qu'Alexandre va décidément trop loin, tente d'intervenir et de reprendre la parole, mais se fait remettre à sa place. Henri Proglio conteste la scène, mais Emmanuel Petit, lui, confirme cette version...

Alors que je cherche désespérément à comprendre d'où vient la puissance d'Alexandre Djouhri, cette scène est peut-être un début de réponse. Voilà un homme inconnu du grand public, au curriculum incertain, qui se dit homme d'affaires et se permet d'humilier un patron du CAC 40 en le traitant devant témoins comme un loufiat et qui affirme posséder 8 % du capital de Veolia. Examinons le cas de plus près.

Il faut se souvenir que la Compagnie générale des eaux, ancêtre de Veolia, a été l'un des grands fournisseurs d'"argent noir" pour des élus locaux, de tout bord et de toute la France, avec toutefois une prédilection pour ceux du RPR. Henri Proglio, cadre de la compagnie, était au début des années 90 un habitué de la Mairie de Paris via Michel Roussin, le directeur de cabinet de Jacques Chirac, dont il est un familier depuis le début des années 80. Il est également familier de Louise-Yvonne Casetta, dite "La Cassette", considérée comme la trésorière occulte du RPR. Le nom de Proglio est d'ailleurs cité dans l'affaire des fausses factures des HLM de Paris. Dans les années 90, il évolue dans la nébuleuse RPR qui s'occupe du financement du parti chiraquien ; il devient proche de Chirac lui-même, tout en disposant aussi de solides appuis au-delà du RPR, comme ceux de Laurent Fabius, alors ministre de l'Economie, et d'André Santini, alors premier vice-président du conseil général des Hauts-de-Seine.

En 2001, ces appuis sauvent Proglio, devenu un des patrons de Vivendi Environnement, qui était menacé d'être débarqué de son poste. Pour désendetter le groupe Vivendi Universal, Jean-Marie Messier envisage alors de vendre Vivendi Environnement au groupe allemand RWE. Or, Jacques Chirac s'oppose à cette vente, et il officialise son soutien à Henri Proglio en le nommant officier dans l'ordre du Mérite, à la fin 2001. Quelque temps plus tard, Messier convoque Proglio à New York. Ce dernier comprend que son patron va lui annoncer qu'il est remercié.

Proglio en parle à son ami Alexandre Djouhri, déjà en cour à l'Elysée, qui en parle à Dominique de Villepin, secrétaire général, lequel convainc le président de téléphoner à Messier. Chirac explique à "J2M" qu'Henri Proglio est un homme indispensable dans Vivendi Environnement. "Je veux que vous me compreniez bien..." aurait-il insisté. Déjà en grande difficulté, Messier ne tient pas à se mettre encore plus mal avec le chef de l'Etat, et quand Proglio pénètre dans le bureau new-yorkais du président de Vivendi Universal, c'est pour s'entendre dire : "Je te confirme dans tes fonctions."

Les 8 % de Veolia censés être possédés par Djouhri ont empoisonné mon enquête et m'ont fait perdre beaucoup de temps. Me parvenaient aux oreilles des rumeurs sur l'origine des fonds qui auraient permis à Djouhri d'acquérir un tel paquet d'actions de Veolia. Des grands patrons et d'anciens responsables des services secrets me glissèrent que l'argent proviendrait de rétrocommissions générées par plusieurs grands contrats de l'ère chiraquienne obtenus grâce au patronage de Dominique de Villepin et de Maurice Gourdault-Montagne ; et que ces actions Veolia constitueraient tout ou partie d'un "trésor de guerre" du clan chiraquien.

Faute d'avancer un début de commencement de preuve, j'ai remisé ces "on-dit" dans le tiroir à ragots... Et j'ai rencontré Henri Proglio, actuel président d'EDF, le premier intéressé en tant qu'ancien président de Veolia et ami de Djouhri. Il n'a pas hésité une seconde à me marteler que l'histoire de ces 8 % est une "gigantesque plaisanterie".

"Pourquoi alors rester ami avec quelqu'un qui a soutenu cela aussi effrontément et aurait pu causer des dégâts à Veolia ?

- Si je m'occupais de toutes les rumeurs..."

Et Henri Proglio de me raconter que Nicolas Sarkozy lui a demandé de venir le voir en 2005, Place Beauvau. Il l'a reçu en présence de Claude Guéant.

Rappelons-nous que la bataille entre les deux clans de la droite est toujours aussi violente et qu'Alexandre Djouhri est dans le clan villepino-chiraquien.

"Qu'est-ce que tu branles avec Djouhri ? l'interpelle le président. Ce type qui est dangereux...

- Qu'est-ce que tu me racontes ?

- Mais il a 8 % du capital de Veolia !

- De quoi tu me parles ? Tu as fumé la moquette !" lui rétorque Proglio.

Et, selon le président d'EDF, Nicolas Sarkozy est parti ensuite dans une grande diatribe contre Villepin, son "cabinet noir", les "saloperies" montées contre lui et le rôle de Djouhri dans tout cela...

Réalignement sarkozyste

Au printemps 2006, Alexandre Djouhri n'a pas eu d'autre issue que d'"aller à Canossa", pour reprendre la formule qui sera celle de Nicolas Sarkozy président, devant ses ministres, en janvier 2008. Dix-huit mois plus tôt, le ministre de l'Intérieur souhaitait rencontrer "l'intermédiaire" qui passait pour être un chiraquien pur sucre, proche du conseiller à l'Elysée Maurice Gourdault-Montagne.

"Dites-lui que ce n'est pas une invitation mais une convocation", aurait lancé Sarkozy, si l'on en croit la version d'un membre de la "Firme" (7).

Un proche de Djouhri affirme, de son côté, que l'intéressé aurait d'abord répondu : "Vous direz à M. Sarkozy que je ne suis pas disponible."

A un deuxième appel, toujours selon la même source, il aurait fait la même réponse. C'est Maurice Gourdault-Montagne qui aurait calmé le jeu en disant à Djouhri : "Comment peux-tu refuser d'entrer en contact avec le futur président de la République ?"

Après l'échec de Villepin, contraint de retirer son projet de loi sur le CPE, Nicolas Sarkozy dispose désormais d'un boulevard devant lui, à condition de régler quelques problèmes d'intendance. Même Gourdault-Montagne ne voit pas d'autre issue que de faire la paix avec le ministre de l'Intérieur. Le rendez-vous est pris, mi-avril, au Bristol, l'hôtel de luxe situé à quelques mètres de la Place Beauvau et de... l'Elysée.

Intelligence Online est le seul média à avoir relaté ce rendez-vous important (8), organisé par Bernard Squarcini, préfet délégué à la sécurité à Marseille et homme de confiance de Nicolas Sarkozy pour les questions de renseignement, tout en étant depuis longtemps l'ami d'Alexandre Djouhri. Y assistent Claude Guéant, directeur de cabinet du ministre, Alexandre Djouhri et Nicolas Sarkozy. Il semble que Maurice Gourdault-Montagne ait été également présent. Depuis, on dit qu'Alexandre Djouhri aurait commandé du petrus, mais que Nicolas Sarkozy n'aurait bu que du jus d'orange et ne serait arrivé qu'à la fin de la rencontre. "Suite aux bouleversements politiques en cours, l'intermédiaire a-t-il voulu donner des gages à Nicolas Sarkozy ?" interogeait Intelligence Online.

Ce rendez-vous a pour objectif de jeter les bases d'une sorte de pacte de non-agression. A-t-il été évoqué de nouvelles clés de répartition dans le financement occulte tiré des marchés en cours ? Faut-il établir un lien entre cette rencontre au Bristol et une découverte faite par les services suisses : ceux-là se sont en effet beaucoup interrogés sur la destination de 6 millions d'euros qu'Alexandre Djouhri aurait retirés au printemps 2006 au guichet d'une filiale d'une banque irlandaise à Genève...

Le pactole du nucléaire

Le 30 juin 2009, l'Etat décide d'augmenter le capital d'Areva et de réserver l'augmentation à trois investisseurs : Mitsubishi Heavy Industries (MHI), Kuwait Investment Authority (KIA) et Qatar Investment Authority (QIA) - l'Elysée marquant là une nouvelle fois son tropisme pour les émirats et notamment celui du Qatar. Il est intéressant de noter que QIA est conseillé par le Crédit suisse, banque d'affaires dont le fonds souverain qatari est l'actionnaire de référence et dont le vice-président Europe est François Roussely.

Les différentes pièces du puzzle vont rapidement commencer à s'assembler. Un petit groupe de personnes a décidé, seul, de placer sous sa coupe la filière nucléaire française. A la manoeuvre, Henri Proglio, Alexandre Djouhri, Claude Guéant, François Roussely, assistés de l'agence de stratégie et communication Euro RSCG appuyée par un nouveau et puissant personnage, Ramzy Khiroun, conseiller spécial d'Arnaud Lagardère et ami de Dominique Strauss-Kahn. Meilleur relais politique de ce groupe : Jean-Louis Borloo, numéro deux du gouvernement, ministre de l'Ecologie et de l'Energie. Ses relations avec Henri Proglio sont intimes. Ils se donnent du "mon frère". Proglio a embauché la fille de Borloo à Veolia, à Hongkong. Le projet commun prend rapidement forme : Henri Proglio doit être nommé patron d'EDF en lieu et place de Pierre Gadonneix ; le nucléaire doit être ensuite placé sous la dépendance d'EDF ; enfin, il faut faire éclater le géant Areva, séparer l'activité minière proprement dite (et donner aux Qataris, qui en rêvent, la possibilité de devenir un actionnaire significatif) et laisser à EDF la possibilité de reprendre telle ou telle de ses branches (très rentables).

Nicolas Sarkozy a endossé à cent pour cent les vues du lobby, lequel irrite au plus haut point le Premier ministre François Fillon, non seulement parce qu'il s'en prend sauvagement à Anne Lauvergeon, qu'il apprécie, mais aussi parce qu'il déteste l'irruption d'un personnage comme Alexandre Djouhri dans un dossier aussi stratégique et sensible que le nucléaire. L'analyse de la bataille sanglante autour d'Areva, qui se termine, le 16 juin 2011, par la défaite d'"Atomic Anne", permet de voir ou en tout cas d'apercevoir l'équipe de ce lobby à l'oeuvre.

Alexandre Djouhri organise un travail de sape contre Anne Lauvergeon et fonctionne en équipe avec son ami Yazid Sabeg, le commissaire à la diversité et à l'égalité des chances.

Yazid Sabeg a fait part, en novembre 2009, de son analyse à Claude Guéant. Tout en se positionnant comme le remplaçant potentiel d'Anne Lauvergeon, il envoie, le 8 mars 2010, une note à Nicolas Sarkozy insistant sur l'inefficacité du modèle intégré d'Areva, sur les erreurs du groupe et sur la nécessité de reconstituer une équipe de France en faisant éclater Areva. Le 19 mars, le site Mediapart annonce la nomination de Yazid Sabeg au poste d'Anne Lauvergeon : la nomination serait faite à la mi-avril. Mi-juin 2010, le rapport Roussely intitulé "Avenir de la filière française du nucléaire civil" est classé secret-défense. Son contenu est explosif. La camarilla autour de M. Alexandre y expose toutes ses thèses. Entre autres perles, il y est dit grosso modo que l'autorité de sûreté française est allée trop loin ; qu'il faut revenir sur les exigences de sûreté concernant les nouveaux réacteurs ; que l'EPR est beaucoup trop sûr ; qu'il faut revenir à des réacteurs plus rustiques, moins chers, qui seront compétitifs face aux réacteurs produits par les Chinois !

L'objectif du lobby affairo-nucléaire, outre les satisfactions d'ego, semble bien être de mettre la main sur le géant nucléaire. Avec 9 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, dont 75 % à l'exportation, assurément Areva pourrait se muer en l'un des plus gros producteurs de commissions potentielles au cours des prochaines années.

(1) Le Journal du dimanche du 30 mai 2010.
(2) "J'accuse les chiraquiens et Dominique de Villepin", le Nouvel Observateur du 20 mai 2010 ; puis sur le site du journal : "Karachi : Ziad Takieddine attaque les chiraquiens", le 30 mai 2010.
(3) Attaques qui font néanmoins l'objet d'une plainte d'Alexandre Djouhri.
(4) L'Express du 9 mars 2010.
(5) L'insulte - supposée telle - de "soutien de Savimbi" renvoie à la figure de Jonas Savimbi, tué en 2002, leader historique du mouvement nationaliste angolais Unita, opposé, dans les années 90, du temps de la guerre civile, à José Eduardo Dos Santos du MPLA. Savimbi, soutenu par les Américains, n'a pas accepté la victoire électorale de Dos Santos en 1992 et a rompu la paix. Dans l'Angolagate, Pierre Falcone et Arcadi Gaydamak sont venus à l'aide de Dos Santos, contre Savimbi, sur lequel les Français misaient, pour qu'il parvienne à conquérir le pouvoir. Voir mon livre Carnages (2010).
(6) "Djouhri, l'agent trouble du pouvoir", de Renaud Lecadre, Libération du 29-30 janvier 2011.
(7) Surnom donné aux cinq proches de Sarkozy qui n'étaient guère appréciés par son épouse Cécilia : Pierre Charon, Brice Hortefeux, Frédéric Lefebvre, Franck Louvrier et Laurent Solly.
(8) Le 12 mai 2006.




LES CONNEXIONS DE M. DJOUHRI

Les politiques
- Nicolas Sarkozy
- Dominique de Villepin, ex-Premier ministre
- Claude Guéant, ministre de l'Intérieur
- Jean-Louis Borloo, ancien ministre Maurice Gourdault-Montagne, ambassadeur, ancien conseiller diplomatique de Jacques Chirac à l'Elysée
- Jean-Pierre Bechter, maire de Corbeil-Essonnes et proche de Serge Dassault
- Alain Marsaud, ex-juge antiterroriste et ex-député

A l'étranger
- Hamad Bin Khalifa Al-Thani, émir du Qatar
- Bachir Salah, ex-directeur de cabinet de Mouammar Kadhafi
- Sergueï Chemezov, ex-agent du KGB, ami de trente ans de Poutine, homme clé du contrat Mistral

Les industriels
- Henri Proglio, président-directeur général d'EDF
- Antoine Frérot, président-directeur général de Veolia
- Yazid Sabeg, président de Communication et Systèmes et commissaire à la diversité
- Pierre Falcone, PDG de la holding Pierson, marchand d'armes, condamné à six ans de prison dans le cadre de l'"Angolagate"
- Serge Dassault
- Arnaud Lagardère
- Hervé Séveno, président d'I2F

Le flic
- Bernard Squarcini, directeur de la Direction centrale du renseignement intérieur



La République des mallettes. Enquête sur la principauté française de non-droit, de Pierre Péan, Fayard, 486 p., 23 €.

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