La Croix, no. 39064 - Economie, lundi 5 septembre 2011
Depuis quelques années, la Chine multiplie les investissements dans la région. Elle cherche notamment à sécuriser ses approvisionnements en matières premières. Cette influence grandissante pose la question de la dépendance d'un certain nombre de petits pays de la zone vis-à-vis de la Chine.
Dans sa course effrénée aux matières premières, la Chine ne néglige aucune piste. Après l'Afrique et les pays du Sud-Est asiatique, l'Océanie attise à son tour les convoitises. Minerais et produits agricoles australiens, forêts papoues ou néo-zélandaises, thons des Samoa ou des Tonga remontent ces dernières années à pleines cales vers le marché chinois, pendant que Pékin renforce son influence en multipliant les initiatives économiques et diplomatiques dans la région.
Au rang des priorités chinoises figure ainsi, depuis deux ans, le sous-sol australien, qui regorge des matières premières nécessaires au développement du géant asiatique. En cinq ans, la Chine a détrôné les États-Unis et le Japon en devenant le premier partenaire économique de l'Australie. Un quart des exportations australiennes prend dorénavant la direction des ports chinois, contre moins de 2,5 % dans les années 1990. Composées à 85 % de minerais et de produits agricoles, elles ont rapporté l'an dernier près de 45 milliards d'euros à la balance commerciale plus que jamais bénéficiaire du pays. Dopées par les cours au plus haut du charbon et du minerai de fer, les exportations australiennes pourraient peser 15 milliards d'euros de plus cette année, d'après les calculs du cabinet Deloitte.
Cette tendance est prévue pour durer, les appétits chinois ne devant pas être rassasiés « avant quinze ans au moins », selon Marius Kloppers, le patron de BHP-Billiton, la première compagnie minière d'Australie et du monde. Le FMI s'inquiète bien un peu « de la dépendance de plus en plus grande de l'économie australienne envers l'Asie », mais promet « une croissance de 20 % » du PIB australien durant la prochaine décennie.
Bien décidée à sécuriser ses approvisionnements sans être à la merci des cours mondiaux de minerais, la Chine veut aujourd'hui s'investir en propre dans le domaine minier australien. Ses compagnies cherchent à entrer dans le capital des gisements en même temps qu'elles signent des contrats de fourniture dans le gaz, le charbon ou le minerai de fer. Elles rêvent même de pouvoir importer à terme leur propre main-d'oeuvre en Australie, mais les dirigeants chinois se sont heurtés à une fin de non-recevoir de la part de Julia Gillard, lors de la visite officielle à Pékin du premier ministre fédéral en avril. « Le problème des autorités australiennes est d'arriver à contenir les ambitions chinoises, en évitant surtout de froisser les susceptibilités d'un partenaire qui assure la prospérité économique du pays », souligne l'économiste Stephen Joske.
En plus de son intérêt pour l'Australie, la Chine mène également l'offensive vers les autres pays de la zone Pacifique. Présent dans la région depuis les années 1970, Pékin est devenu ces cinq dernières années le troisième bailleur de fonds de l'Océanie, derrière l'Australie et les États-Unis, mais désormais devant le Japon et l'Union européenne. En 2005, le montant annuel des aides chinoises représentait 23 millions d'euros, il dépasse les 140 millions d'euros par an depuis 2007. Une goutte d'eau dans l'océan des 20 milliards distribués chaque année par la Chine dans le monde, mais suffisante pour réaffirmer son statut de grande puissance dans la région.
Huit (1) des quatorze pays membres du Forum du Pacifique profitent de cette manne, qui porte essentiellement sur des projets d'infrastructures et pèse très lourd sur les économies en voie de développement des petits États insulaires. Surtout que, ces dernières années, la Chine favorise davantage les prêts à taux préférentiels plutôt que les dons. Ces derniers représentaient encore un quart de l'aide en 2007, contre moins de 15 % l'an dernier. En cinq ans, la Chine a engagé pour plus de 425 millions d'euros de crédits, les Tonga empruntant l'équivalent d'un tiers de leur PIB, les Îles Cook et les Salomon 16 % et Fidji 9 %. « Jamais ces pays n'auront les capacités financières de rembourser leurs dettes », prévient le Lowy Institute, dans une étude publiée en début d'année. Ce centre de réflexion australien remet également en cause les conditions imposées aux créanciers, obligés de faire appel à des entreprises et à une main-d'oeuvre chinoise. En jouant la diplomatie du chéquier, la Chine se paye, selon l'institut de Melbourne, « un moyen de pression énorme sur les pays » en même temps qu'elle assure à bon compte la protection de ses 150 000 ressortissants tout en mettant la main sur les ressources naturelles de la région.
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