jeudi 22 septembre 2011

Les BRICS, aux intérêts divergents, ont peu de raisons d'aider la zone euro

Le Monde - Economie, jeudi 22 septembre 2011, p. 16

A l'initiative du Brésil, les cinq pays émergents regroupés sous l'acronyme anglais " BRICS " (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) se retrouveront, jeudi 22 septembre, pour discuter du principe et des modalités d'une aide financière à la zone euro. Au-delà de l'autosatisfaction qu'ils peuvent tirer d'une telle posture, les BRICS tiennent sans doute à éviter l'effondrement de leurs exportations. Quant à l'économie européenne, qui croule sous les dettes, elle pourrait trouver chez ces pays émergents le soutien dont elle a besoin pour éviter une nouvelle récession.

Pour autant, l'initiative suscite le scepticisme, d'abord en raison des intérêts divergents de chacun des BRICS.

L'Afrique du Sud Pretoria aimerait faire quelque chose pour l'Europe, afin de s'attirer ses bonnes grâces dans la perspective de la création hypothétique d'un siège permanent pour l'Afrique au Conseil de sécurité des Nations unies. Mais, avec une balance commerciale structurellement déficitaire, elle n'a pas de réserves pour acquérir des obligations -souveraines.

Le Brésil Brasilia a, pour sa part, les réserves nécessaires, de l'ordre de 360 milliards de dollars. Bien que son commerce soit déficitaire, les capitaux affluent vers cette économie en pleine expansion. le Brésil aimerait, lui aussi, s'assurer les voix européennes pour obtenir le siège permanent qu'il réclame au Conseil de sécurité. Il n'est pas étonnant que le maître d'oeuvre du projet de coup de main à l'Europe soit Guido Mantega, le ministre brésilien des finances.

La Russie Le Kremlin est d'accord pour acheter des titres de dettes européennes, mais uniquement des titres sûrs comme la dette -allemande ou française. Ce qui ne stabiliserait ni la dette des pays -fragiles ni la zone euro.L'Inde Avec 320 milliards de dollars de réserves, l'Inde n'est pas bien riche et ne cache pas qu'elle n'entend pas investir dans la dette européenne. Par tradition, elle est beaucoup plus intéressée par l'achat d'or.

La Chine Pékin dispose de réserves colossales qui atteindront 2 400 milliards de dollars à la fin de l'année. Selon un article de Yao Yang, directeur du Centre chinois de recherche économique à Pékin, mis en ligne lundi 19 septembre par le Financial Times, " investir dans des obligations des Etats grec, portugais, irlandais et même italien est aujourd'hui un pari hasardeux ".

Selon lui, " le plus vraisemblable est que la Chine achètera des quantités symboliques d'obligations des pays d'Europe du Sud, en guise d'ersatz d'engagement en faveur de l'Union européenne ". Le problème de l'Europe n'est pas financier, poursuit-il, " c'est la volonté politique " de dépasser leurs intérêts à courte vue qui fait défaut à ses dirigeants.

Les experts aussi sont sceptiques Jörg Decressin, directeur du département de la recherche du Fonds monétaire international (FMI), juge, lui aussi, que les pays européens en difficulté doivent d'abord compter sur eux-mêmes et se réformer. Si une aide devait leur être prodiguée, elle devrait venir en priorité de leurs voisins ou du FMI.

Dans le même ordre d'idée, le président de la Banque mondiale, Robert Zoellick, a estimé dans le Wall Street Journal du 19 septembre que " le principal devoir des pays émergents est de maintenir leur propre croissance " et que l'Europe ne peut compter que sur elle-même, car " personne ne viendra avec un grand sac d'argent pour lui racheter son fardeau ".

En tout état de cause, le secours que les émergents peuvent apporter à la zone euro n'est pas à l'échelle des risques. Pour renforcer les moyens de secours du FMI, ils avaient apporté leur écot à partir de 2009 : la Chine a fourni 50 milliards de dollars, le Brésil, l'Inde et la Russie, 10 milliards, l'Afrique du Sud, rien, alors que l'Europe fournissait 178 milliards de dollars, les Etats-Unis et le Japon 100 milliards chacun. A titre de comparaison, les deux plans de sauvetage grec totaliseront 230 milliards d'euros.

Le FMI a essayé d'évaluer les sommes qui seraient nécessaires pour voler au secours de l'Italie. Le résultat donne le vertige : il dépasse les 1 000 milliards de dollars et excède les capacités restantes du FMI lui-même, soit 350 milliards de dollars environ.

Alain Faujas

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