La Tribune (France), no. 4803 - Industrie financière, jeudi 8 septembre 2011, p. 16
Cette ville phare de l'industrie légère du sud de la Chine compte désormais 320 entreprises qui pratiquent cette forme de crédit dérégulé. Deux tiers des 200.000 PME locales y ont recours.
Shisheng Cheng fournit à travers son entreprise Sinorich la moitié des équipements de police de la Chine. Sa PME marche bien. Elle connaît des taux de croissance de 20 % par an et emploie 900 salariés. Cependant depuis trois ans ce chef d'entreprise de la ville de Wenzhou développe une tout autre activité : celle de prêter aux PME en difficulté à des taux entre trois et quatre fois supérieurs à ceux des banques commerciales. " Une activité très rentable " selon l'intéressé qui assure que son entreprise appelée " entreprise de garantie de crédit " est totalement légale. Elle est effectivement bien enregistrée avec la municipalité.
Shisheng Cheng a monté cette structure avec 20 autres entreprises et même si pour l'instant elle ne prête que 1,2 million de yuans par an, ce capital va sensiblement augmenter cette année. Administrativement son entreprise de crédit est soumise à très peu de règles. La décision de prêter ou non dépend de son évaluation propre. Il est sans obligation de soumettre l'entreprise ou la personne qui cherche à emprunter à une étude des risques. Il ne prête d'ailleurs qu'à ses connaissances et demande la garantie d'un tiers - habituellement une relation commune des deux parties - si ce n'est pas le cas. Ses seules contraintes légales : il n'a pas le droit de prêter à plus de quatre fois les taux officiels et seulement aux habitants et entreprises inscrits dans la ville. Wenzhou, un des hubs de l'industrie légère du sud de la Chine, compte désormais 320 de ces entreprises de crédit. La plupart ont vu le jour avec la crise financière de 2008-2009. Elles sont venues en aide aux quelque 200.000 PME de la ville, dont la grande majorité, tournée vers l'export, a particulièrement souffert du ralentissement économique général. Depuis, leur situation ne s'est guère améliorée. Le gouvernement, après avoir poussé les banques à prêter jusqu'en 2009, a serré la vis sur le crédit. Depuis janvier, le taux de réserve obligatoire a été augmenté cinq fois pour atteindre 21 %. Résultat : les PME de Wenzhou se voient obligées de recourir au crédit informel pour leur survie. Selon l'association des PME de la ville, deux tiers de ses membres font actuellement appel à cette forme de crédit et souffrent d'un manque de liquidité.
La survie des PME
En 2010, les investissements privés qui ont circulé au sein de Wenzhou ont atteint 800 milliards de yuans dont environ la moitié provient du crédit informel. Cette année, l'association des PME de Wenzhou estime que ce pourcentage augmentera sensiblement. " Une partie des investissements allait vers des secteurs traditionnellement rentables : immobilier, acier, énergie, etc. Mais désormais la réglementation concernant les domaines d'investissement a changé et il est plus facile et rentable d'investir dans le marché du crédit informel ", explique Cai Zhaijun vice-président de l'association. Ce secteur attire de plus en plus d'hommes d'affaires. L'argent vient des profits des entreprises et aussi de revenus rapatriés par les habitants qui ont fait fortune à l'étranger ou dans d'autres parties de la Chine.
Mais ce sont surtout les banques elles-mêmes qui désormais alimentent le marché. Elles préfèrent faire porter le poids d'un possible prêt non-performant à ces entreprises de crédit en leur prêtant à très faible taux. " C'est très simple. Si vous étiez une banque pourquoi prendre le risque de vous faire mal voir par la hiérarchie? Autant adopter la politique du zéro risque, zéro souci ", explique Shisheng Cheng.
C'est bien là l'un des problèmes de ce système loué par beaucoup pour avoir permis la survie de milliers de PME : ces dernières sont désormais complètement exclues du système légal et ne peuvent plus s'adresser qu'à ces sociétés de crédit informel. " Sur le long terme, c'est la mort des PME ", se désole Cai Zhaijun, de l'association, qui estime que le système est devenu victime de son succès et nécessite davantage de réglementation.
(c) 2011 La Tribune. Tous droits réservés.
Hygiene Vs Grooming
Il y a 1 an
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire