La Tribune (France), no. 4825 - Éditoriaux et opinions, lundi 10 octobre 2011, p. 22
Nous sommes tous tellement concentrés depuis quelques mois, et en particulier ces derniers jours, sur la Grèce et l'Europe que nous n'avons presque pas remarqué un tournant majeur dans les relations géo-économiques mondiales. Barack Obama est confronté à une situation économique tellement désastreuse qu'il n'a plus d'autre choix que de s'attaquer, enfin, à de vrais sujets, des sujets que ces prédécesseurs avaient choisi eux aussi d'étouffer régulièrement.
Il va falloir également, au fur et à mesure qu'on s'approche des élections présidentielles, que le gouvernement américain trouve des coupables. Wall Street bien sûr. C'est une cible simple et qui mérite d'être attaquée. Obama devait mettre Wall Street à genoux, c'est Wall Street qui l'a dompté. Mais les " indignés " américains vont peut-être remettre le sujet sur la table. Après Wall Street, l'autre coupable idéal, c'est la Chine.
Et c'est le grand changement de ces derniers jours. L'administration américaine s'est enfin décidée à s'attaquer au problème de la sous-évaluation chronique de la monnaie chinoise, le yuan. Une sous-évaluation qui a une part majeure de responsabilité dans la crise économique et sociale mondiale que nous vivons à travers les déséquilibres commerciaux et de balances des paiements monstrueux que nous subissons. Personne n'a obligé l'Europe et les États-Unis à déléguer leur production industrielle à la Chine et à surconsommer des produits chinois; mais rien ne se serait produit dans les mêmes conditions si la Chine avait une monnaie évaluée à sa juste valeur et avait respecté les règles du commerce international. Passons. C'est du passé. On ne va pas refaire l'histoire. Mais les Américains pensent qu'on peut agir sur l'avenir.
Est-ce le premier signe de faiblesse de la croissance chinoise qui les a encouragés ou la situation critique de l'emploi aux États-Unis? Probablement une combinaison des deux. Mais l'heure a sonné. On ne tourne plus autour du pot et on ne joue plus avec les mots. Le mot " manipulation " des changes fait son entrée par la grande porte au Congrès américain. Un mot lourd de conséquences car qui dit manipulation des changes dit droits de douane imposés sur les produits chinois. C'est automatique. C'est le Sénat qui a ouvert la brèche et la Chambre des représentants doit décider si elle veut suivre cette voie. Mais ce qui a été surprenant, c'est que Ben Bernanke lui-même, le patron de la Fed - qui s'est rarement exprimé sur le sujet -, a enfoncé violemment le clou. Il a accusé la Chine de saper tout rebond de la croissance mondiale en maintenant sa monnaie artificiellement bas.
Les Chinois ont réagi. Comme à leur habitude. En s'indignant du non-respect par les Américains des règles de libre-échange, ce qui prouve finalement leur extrême sens de l'humour... Mais la Chine et les États-Unis sont arrivés à un point non pas de rupture, car la rupture entre deux pays interdépendants est impossible, mais à un point de conflit majeur. L'Europe devrait profiter de l'occasion pour joindre sa voix à celle des États-Unis.
La crise actuelle présente un avantage important : elle oblige les politiques à s'attaquer aux vrais problèmes. Dans tous les pays. Espérons que la Chine entendra le message.
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