Les Echos, no. 21034 - International, lundi 10 octobre 2011, p. 8
Les craintes sur les faiblesses de leur économie poussent parlementaires et gouvernement américains à attaquer la Chine pour des pratiques jugées inéquitables.
Après un essai avorté la semaine dernière, c'est finalement demain que le Sénat américain doit voter un texte visant à punir les pays qui maintiennent leur devise sous-évaluée. La croisade est menée par le sénateur de New York, Charles Schummer, qui vise ostensiblement la Chine. « Nous sommes dans une guerre commerciale et on se fait nettoyer tous les jours, et on perd des jobs tous les jours à cause des pratiques inéquitables de la Chine », a-t-il expliqué. Sa proposition de loi a pour objectif de créer des taxes supplémentaires sur les biens importés de pays dont les devises sont mal alignées.
Si Barack Obama n'a pas apporté son soutien au texte, il a en revanche, lors d'une conférence de presse, jeudi dernier, porté une rare attaque frontale contre le deuxième partenaire commercial des Etats-Unis après le Canada. « La Chine a été très agressive en jouant les échanges commerciaux à son avantage et au détriment d'autres pays, particulièrement les Etats-Unis », a déclaré le président. Mitigé sur une législation qui risque d'avoir des difficultés à passer la Chambre des représentants, le président a précisé que sa « préoccupation est que quels que soient les outils que nous mettons en place, il faut qu'ils soient efficaces et cohérents avec nos obligations et les traités internationaux ». Il n'est en effet pas évident que le texte passe, les dirigeants républicains de la chambre y étant opposés, mais cela ne préjuge pas du vote des parlementaires, beaucoup -des Etats industriels en particulier -étant très motivés pour soutenir des rétorsions contre la Chine.
Les tirs nourris contre le premier exportateur mondial s'accentuent avec les craintes d'une nouvelle récession aux Etats-Unis. Ron Kirk, le représentant américain au commerce a demandé officiellement à l'OMC que la Chine dévoile les subventions accordées par l'Etat chinois. Les Américains en ont identifié 200.
Colère de la Chine
La Chine, de son côté, n'a pas manqué de faire part de sa colère. Elle rappelle régulièrement que, depuis 2005, sa monnaie s'est appréciée de 30 % face au dollar. Et tandis que l'excédent commercial chinois a fortement augmenté avec les Etats-Unis au cours des dix dernières années, il tend plutôt à diminuer vis-à-vis du reste du monde, ce que Pékin interprète comme un signe que le cours du yuan est en voie de normalisation.
La banque centrale chinoise a donc invité Washington à la retenue, maniant à la fois l'argumentation et la menace. Elle dresse ainsi son propre diagnostic des causes du déséquilibre commercial entre les deux pays, citant, pêle-mêle, les différences de « structure d'investissement et de commerce, de taux d'épargne et de consommation, de positionnement dans la chaîne industrielle mondiale », mais ne cache pas qu'une telle loi pourrait « perturber la réforme du taux de change en cours ». Une façon de dire qu'il n'y aurait rien de tel pour brusquer Pékin, stopper le mouvement d'appréciation du yuan, « provoquer une guerre commerciale » et avoir des « conséquences négatives sur la reprise économique mondiale ». Au ministère des Affaires étrangères, on a également réagi vivement. Ma Zhaoxu, un porte-parole, a estimé que le texte débattu à Washington « viole sérieusement les règles de l'OMC ».
Virginie Robert à New York et Gabriel Grésillon
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