mardi 4 octobre 2011

Prix de l'immobilier et pénurie de logements font de l'accession à la propriété un casse-tête

Le Monde - Economie, mardi 4 octobre 2011, p. MDE4

Assis sur son lit, dans une chambre d'une dizaine de mètres carrés dont les murs ne sont pas peints et qui n'est meublée que d'une simple étagère métallique, Wang Xin constate : " J'ai eu de la chance. "

Ce professeur vit dans la résidence exiguë de l'Institut des langues étrangères de Pékin, à une dizaine de kilomètres du centre-ville. Mais il s'estime heureux, car il pourra bientôt dormir dans son propre appartement. Et cela grâce à la politique de développement des logements sociaux, présentée par Pékin comme un remède à la flambée des prix de l'immobilier dans les grandes villes chinoises; cette envolée mécontente la petite classe moyenne.

Il faut, pour obtenir ce type d'appartement, remplir de multiples critères " ou avoir les relations nécessaires ", précise Wang Xin. A 39 ans, célibataire, sans enfants, il n'était pas en tête de liste, même si son salaire est inférieur au plafond de 88 000 yuans annuels (10 100 euros) fixé pour bénéficier dans ce quartier de la politique de " logement abordable ".

Il devra certes faire chaque jour l'aller-retour jusqu'à Tongzhou, une banlieue située à plus d'une heure en transports en commun. Mais accéder à la propriété est déjà une victoire en soi. A Pékin, le prix du mètre carré dans l'immobilier résidentiel s'élève en effet à 13 874 yuans en moyenne, selon le gouvernement. Pour Wang Xin, c'est inabordable : " Peu d'enseignants peuvent s'offrir un logement à l'intérieur du quatrième périphérique. " A Tongzhou, le prix de marché est de 8 000 yuans par mètre carré, mais les subventions d'Etat lui permettent de ne payer que 5 000 yuans.

Forte demande

Le gouvernement chinois avait annoncé en mars que 36 millions d'appartements à des prix inférieurs au cours du marché seraient construits avant 2015, dont 10 millions en 2011. Cette mesure est un des piliers du douzième plan quinquennal chinois, qui promet d'oeuvrer au " bonheur " du peuple et à l'issue duquel 20 % des logements du pays doivent relever de programmes d'accessibilité. Mais Pékin a déjà réévalué ses ambitions et espère désormais que la construction de 4 millions d'appartements sera achevée à la fin du mois d'octobre.

Mais confrontés à des difficultés de financement en période d'inflation - ce qui a entraîné davantage de rigueur monétaire -, les promoteurs immobiliers traînent les pieds. La Chine a certes annoncé qu'elle dépensera 1 300 milliards de yuans dans le logement subventionné en 2011, mais le gouvernement central et les collectivités locales ne donneront que 500 milliards sur cette somme. Le reste est à la charge des banques, des promoteurs et des particuliers. Ce qui explique pour Wang Xin que " la qualité n'est pas garantie. Comme les constructeurs gagnent peu sur ces projets, ils ne font pas toujours de leur mieux. "

Les banques disposent de moins de crédits en période de resserrement monétaire et sont donc réticentes à prêter. Quant aux gouvernements locaux, ils préfèrent souvent mettre la terre à disposition de résidences plus rentables pour leur budget.

Pékin a déjà expliqué en mars que les officiels qui n'oeuvreraient pas à ce bien commun en subiraient les conséquences. Le ministre du logement, Jiang Jianxin, a dû insister en juin, déclarant que le logement à prix réduit " n'est pas qu'une mission économique, mais une charge politique ".

La demande du public est pourtant forte pour ces appartements subventionnés. L'administration doit, après avoir trié les dossiers, tirer les bénéficiaires au sort. Les gagnants se rendent alors au bureau des ventes, où ils sélectionnent leur appartement " dans l'ordre des vainqueurs, donc le choix est limité ", dit M. Wang.

Bien qu'il enseigne habituellement la langue française, Wang Xin a aussi son opinion sur l'économie : " Le marché ne règle pas tout et, même s'il a été bon pour la Chine ces dernières décennies, le gouvernement doit aider ceux qui sont laissés de côté par le marché afin qu'il soit bénéfique à l'ensemble de la population. "

Harold Thibault

BULLE
La dette publique de la Chine est évaluée par les économistes de la banque britannique Standard Chartered à 28 000 milliards de yuans (3 200 milliards d'euros), soit 68 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. La plus grande part de cette dette provient des gouvernements locaux (37 % du PIB), qui représentent les trois quarts des dépenses publiques chinoises, dont une grande part concerne l'immobilier et le foncier, ce qui contribue à la hausse du coût du logement, composante importante de l'inflation. Cependant, la flambée immobilière, encore forte jusqu'en mars, s'est ralentie ou stabilisée depuis à Pékin et Shanghaï, tout en restant à des niveaux élevés dans les villes du centre du pays en pleine expansion (comme Chongqing). Mais ce ralentissement aggrave la situation financière des gouvernements locaux, dont la solvabilité est indexée sur la hausse continue des prix des biens fonciers et des programmes immobiliers qu'ils développent. Une telle situation pourrait contraindre Pékin à puiser dans ses réserves de change pour voler au secours des provinces en difficulté.


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