Charente Libre - Toutes Actualités, jeudi 3 novembre 2011, p. 40
Dans une interview exclusive, l'ancien ministre socialiste des Affaires étrangères Hubert Védrine défend l'initiative du Premier ministre Grec et met en garde contre «l'arrogance» des dirigeants européens. Hubert Védrine donne ce soir une conférence à Poitiers sur le thème: «L'Europe face à la crise».Le coup d'éclat de Papandreou est-il légitime ?
Hubert Védrine. Sa démarche est aussi légitime que celle du Bundestag qui exige de prendre sa part à la décision européenne. Jusqu'ici, Papandreou a fait preuve d'un courage extraordinaire. Personne n'aurait pu assumer des mesures aussi impopulaires en Grèce où il y a déjà eu treize grèves générales. Il faut avoir une légitimité politique forte pour pouvoir convaincre les gens d'accepter des mesures aussi rigoureuses, même si elles sont totalement justifiées. Avec sa très courte majorité, Papandreou a pris l'initiative du référendum pour se sortir d'un piège politique total. Si on veut que le «oui» l'emporte, il faut que les dirigeants européens arrêtent de prendre un ton arrogant et paternaliste pour «convoquer» Papandreou et affirmer qu'il est «déloyal». Les nations et les peuples d'Europe sont encore souverains, même s'ils ont délégué une part de leur souveraineté. Et il serait inacceptable que les Etats-membres de l'UE perdent le pouvoir de voter leurs budgets au profit d'une gestion technocratique au niveau supranational. Face à la révolte grecque, les fameux ministres des Finances d'une virtuelle Europe «fédérale» n'auraient pas tenu quinze jours. Il faut respecter le peuple grec et trouver des arguments dans le calme pour que les Grecs puissent comparer les conséquences du oui et du non au référendum.
Existe-t-il néanmoins un risque réel que la Grèce sorte de la zone euro ? Quelles seraient les conséquences pour les autres membres ?
Oui, bien sûr. Si c'est «non», cela signifiera qu'il n'y a plus personne capable de faire accepter par le peuple grec les sacrifices que les pays européens demandent en échange de leur aide. La Grèce est un petit pays et son retrait ne serait pas de nature à mettre en péril l'ensemble de la zone Euro. Les pays les plus importants, à commencer par l'Allemagne, ne peuvent pas prendre le risque de voir disparaître l'Euro. Si l'Allemagne se retrouvait avec un Mark qui serait alors énormément réévalué, ses exportations s'effondreraient.
Il y a un intérêt vital des uns et des autres à trouver une solution. Et si on est obligé finalement de gérer la sortie de la Grèce il faut le faire sans tomber dans des convulsions verbales.
Les craintes soulevées par la participation de la Chine au sauvetage de l'Euro sont-elles justifiées ?
Elles sont très exagérées. Nous sommes contents que la Chine investisse à l'extérieur et que nos entreprises trouvent des marchés en Chine. On ne peut pas être horrifiés a priori que la Chine entre, avec d'autres pays émergents, dans le fonds annexe au Fonds de soutien européen. La question et savoir comment fonctionnera ce Fonds.
Propos recueillis par Dominique Garraud
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