Le Figaro, no. 20918 - Le Figaro, jeudi 3 novembre 2011, p. 4G20 APRÈS G20, le président Hu Jintao semble arriver de plus en plus fort, de mieux en mieux armé face aux grands raouts internationaux. Hier en nouveau partenaire incontournable des grands de ce monde, aujourd'hui en chevalier blanc de l'Europe, et, partant, de l'économie mondiale.
Si la Chine se présente de plus en plus confiante, elle ne se départit pas de sa prudence. Lors de son étape viennoise, sur le chemin de Cannes, le président chinois s'est ainsi déclaré « convaincu » que l'Europe pouvait « surmonter la crise de la dette ». Mais sans prendre pour autant le moindre engagement quant à l'implication de la Chine dans le plan de sauvetage. La Chine « attend les détails techniques pour y voir clair ». Si les conditions fixées par Pékin sont remplies, des experts chinois estiment que son engagement pourrait aller jusqu'à 100 milliards de dollars (lire en page 15).
Le poids de l'opinion publique
Mais au-delà de garanties techniques, la Chine compte bien obtenir des gains politiques de son rôle de Saint-Bernard financier. Avec l'UE - qui est son premier partenaire commercial - Pékin a ainsi deux contentieux. L'embargo sur les armes, que certains Européens souhaiteraient lever et que d'autres veulent maintenir. Mais surtout, l'octroi du statut d'économie de marché, pour lequel les Européens estiment que les Chinois ne remplissent pas encore les conditions. Il y a aussi, bien sûr, les pressions pour une appréciation plus rapide du yuan, que Pékin rejette avec constance. Sur tous ces points, il est clair que la Chine souhaiterait un « minimum de reconnaissance et de gestes », comme on peut le lire dans la presse chinoise. Le mois dernier, lors du « Davos chinois », le premier ministre Wen Jiabao a incité les Européens à « démontrer leur sincérité ».
En coulisses, les dirigeants chinois expliquent qu'ils doivent tenir compte de leur opinion publique. Et l'argument n'est pas une simple dérobade. Contrairement à certaines idées reçues, cette opinion publique s'exprime bel et bien en Chine, et de plus en plus fort. Et aujourd'hui, nombre d'internautes chinois s'insurgent contre cet argent déversé « d'un pays comptant encore des millions de pauvres vers des pays riches et gâtés ». Dans un article du 1er novembre, le Beijing Commerce Daily se penche sur ce paradoxe. Et rappelle que la Chine, qui détient 3 200 milliards de dollars de réserves, a « besoin de son argent pour améliorer la vie des Chinois, le logement, l'éducation, la santé et la sécurité sociale ».
À l'heure où la Chine est engagée dans une sensible période de transition politique, avec le changement l'an prochain de l'équipe au pouvoir depuis une décennie, les rapports avec les Occidentaux doivent être gérés avec la plus extrême prudence. Le moindre faux pas donnerait des armes aux clans adverses, qui jouent un subtil jeu de recherche de compromis et d'affrontements indirects. Pour les protégés du président Hu Jintao ou les « libéraux » proches du discours de Wen Jiabao, un échec des Européens, après que la Chine aura fait son chèque, serait une catastrophe.
Devenir le trésorier de l'Europe, en étant déjà celui des États-Unis, étoffe à l'évidence la carrure chinoise. Encore faut-il ne pas apparaître comme le « prêteur idiot », comme l'écrit sur Weibo - le Twitter chinois -, un blogueur de Canton, « celui à qui l'on prend l'argent du bout des doigts sans lui serrer la main ».
Devenir le trésorier de l'Europe, en étant déjà celui des États-Unis, étoffe à l'évidence la carrure chinoise
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