mardi 1 novembre 2011

Pourquoi la Chine n'a pas encore donné le feu vert au fonds de secours européen

Les Echos, no. 21049 - International, lundi 31 octobre 2011, p. 8

La Chine pourrait venir au secours de l'Europe en abondant le Fonds européen de stabilité financière de 50 à 100 milliards de dollars. Mais aucun officiel chinois ne confirme. Le directeur général du FESF n'ose même pas parler de négociation, tant les enjeux sont lourds.

Klaus Regling n'a dupé personne en affirmant, vendredi, qu'il n'y avait « pas de négociations en cours » sur des investissements chinois dans le Fonds européen de stabilité financière (FESF). Le directeur général du FESF cherche à gagner du temps dans une négociationdélicate.

« Sur le plan stratégique, les Chinois sont d'accord pour intervenir, avance Yves Tiberghien, professeur associé du département de sciences politiques à l'université de Columbia (UBC). Il y a un intérêt mutuel de la Chine et de l'Europe à ce que la zone euro ne s'écroule pas. » Il serait difficile, pour la Chine, de laisser tomber son premier marché , alors qu'elle en subirait directement les conséquences sur sa propre croissance, déjà touchée par un ralentissement.

Clarification

Des diplomates européens affirmaient en fin de semaine dernière que la Chine était prête à abonder le FESF. Mais aucun officiel chinois n'a confirmé un tel engagement. Et encore moins le montant avancé vendredi par le « Financial Times » de 50 à 100 milliards de dollars pour une intervention directe ou via un fonds nouveau placé sous la houlette du FMI. Le quotidien britannique citait une source proche du gouvernement chinois. Pourquoi la Chine n'a-t-elle encore rien annoncé ?

D'abord, elle a besoin de clarifications sur l'accord européen conclu la semaine dernière. La Chine « attend les détails techniques pour y voir clair », a déclaré vendredi son vice-ministre des Finances, Zhu Guangyao. « Comment demander à la Chine d'intervenir alors qu'elle ne sait pas dans quel entonnoir elle va entrer ?, explique le président d'Asia Centre, Jean-François Di Meglio. C'est pour elle légitime de savoir ce qui sera effectivement émis, comment ce sera garanti et quelle sera la qualité de la dette avant que de se prononcer sur le montant à acheter. »

Deuxième raison : l'Union européenne ne veut pas d'une appréciation de l'euro. Or, si la Chine achète de la dette en euros, l'euro risque de se renchérir. D'où la proposition de Klaus Regling, à Pékin, que le FESF émette des obligations libellées en yuans si les autorités chinoises donnent leur accord en ce sens. « Accepter cela pour les Chinois reviendrait de fait à perdre le contrôle de ce qui peut arriver à leur devise, la dette achetée en yuans pouvant s'apprécier ou se déprécier et échapper ainsi au contrôle de la Chine, poursuit Jean-François Di Meglio. Cela équivaudrait à déclencher une libéralisation des changes. Or la Chine veut contrôler son taux de change. Si la Chine acceptait cela, ce serait un geste énorme. »

Enjeux

Troisième raison : les exigences de la Chine. Elle préférerait intervenir via le Fonds monétaire international (FMI) pour peser davantage sur une institution où elle s'estime sous-représentée « et peut-être édicter de nouvelles règles monétaires mondiales », ajoute encore Jean-François Di Meglio. De son côté, l'Europe cherche à gérer seule ce qui relève de la zone euro. La Chine a d'autres exigences, comme celles d'« un investissement mixte comprenant non seulement des obligations via le FESF mais aussi des participations directes dans des banques ou des entreprises européennes », croit savoir Yves Tiberghien.

La quatrième raison est commerciale et déterminante. En plein débat sur la réciprocité, on voit mal comment les Européens vont continuer à tenir un discours ferme face à des marchés chinois qu'ils jugent trop peu ouverts aux intérêts européens. On comprend que, avec tous ces enjeux, la négociation entre l'Europe et la Chine ne soit pas encore bouclée.

MARIE-CHRISTINE CORBIER

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