mercredi 27 mai 2015

GRAND DOSSIER - Etudier en Asie

Il est au moins un domaine où les écoles françaises de commerce et d'ingénieurs ont une longueur d'avance : elles ont su, dans leur grande majorité, négocier le tournant de l'internationalisation, depuis une quinzaine d'années pour les pionnières.


Résultat : 90 % des étudiants d'écoles de commerce et 70 % des élèves ingénieurs sont partis à l'étranger dans le cadre de leur scolarité, d'après une enquête Harris Interactive réalisée en 2013. Les universités s'y sont mises plus tardivement mais les plus dynamiques sont aussi de la partie.

Le cap a d'abord été mis sur l'Europe et les Etats-Unis. Mais, depuis le début des années 2000, quantité d'initiatives se sont concrétisées en Asie, le continent en plein boom et aux énormes besoins. L'approche a souvent suivi le même schéma : échanges ou accueil d'étudiants d'abord, puis ouverture d'un bureau sur place, mise sur pied de programmes communs avec une université locale ou d'un double diplôme, voire création d'un campus destiné aussi bien aux étudiants locaux que français.

Plus de 10 000 étudiants quittent chaque année la France pour aller étudier en Chine

L'Insead, l'Essec et l'Edhec sont ainsi implantées à Singapour, le réseau des Ecoles centrales à Pékin et à Hyderabad (Inde), Skema Business School à Suzhou (Chine), l'Ecole de management de Lyon, ParisTech, l'Institut Paul Bocuse et le groupe INSEEC (pour le luxe) à Shanghaï, le groupe Rubika (design industriel) à Pune (Inde), pour ne citer que ces exemples. Sans compter la création d'établissements franco-chinois ou sino-européens comme l'Utseus (technologie) ou l'Ifcen (nucléaire).

La Chine, on le voit, est la première destination des investissements des établissements français en Asie. Plus de 10 000 étudiants quittent chaque année la France pour aller y étudier. En sens inverse, les jeunes Chinois sont cinq fois plus nombreux à fréquenter un établissement français, dans l'Hexagone ou dans leur propre pays. Plus habitués à devoir apprendre par coeur dans des disciplines cloisonnées, ils apprécient les formations à entrepreneuriat et l'ouverture en direction des entreprises des écoles de commerce françaises, ainsi que le type d'apprentissage - du général aux projets de plus en plus complexes - des écoles d'ingénieurs hexagonales.

Sur un marché concurrentiel, cette longueur d'avance des établissements français en Chine est précieuse à un moment où, depuis l'accession au pouvoir du président Xi Jinping en 2013, une campagne devenue virulente auprès des universités, entre autres, cible les « infiltrations idéologiques » en provenance de l'Occident, en vue de protéger la « sécurité culturelle » de la Chine (supplément « Culture et idées »du 2 mai 2015). L'autre grande campagne, lancée contre la corruption, aboutit parfois au limogeage inopiné de hauts responsables de l'enseignement supérieur...

Horizons diversifiés

Tout autre est le climat politique en Inde, deuxième destination préférée des établissements français qui y ont noué, souvent avec des instituts de technologie et des écoles de commerce locales, pas moins de 470 accords de partenariats de tous types. Mais les horizons français se diversifient à grande vitesse : outre l'Australie (326 partenariats), la Corée du Sud, le Japon, le Vietnam, le Laos (depuis son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce en 2013) et même le Kazakhstan deviennent des points de chute pour des étudiants français à l'esprit un tant soit peu aventureux.

Ils ont tout à y gagner : alors que la mondialisation n'a pas effacé, loin de là, les barrières culturelles, les recruteurs internationaux recherchent plus que jamais des candidats à l'aise aussi bien dans un contexte occidental qu'asiatique, qui maîtrisent si possible les langues, de même que les codes culturels propres à chaque pays. A ces « oiseaux » encore rares, l'avenir apparaît des plus radieux.

Martine Jacot


La ruée vers l'Est
Skema, Kedge ou encore Ecole de management de Lyon, ces écoles de commerce françaises ont créé de nouveaux dispositifs pour s'imposer en Chine.

Kedge (Bordeaux, Paris et Marseille), Skema (Lille, Paris et Sophia-Antipolis) et l'Ecole de management (EM) de Lyon ont en commun d'avoir ouvert un campus en Chine et de multiplier les initiatives dans ce pays. Chacune avec sa stratégie propre et ses ambitions. Entretiens parallèles avec leurs directeurs.

Quelles sont vos activités en Chine?

Thomas Froehlicher, directeur général de Kedge Business SchoolA l'université Renmin de Suzhou (est de la Chine), avec les universités Paul-Valéry de Montpellier et Paris-IV-Sorbonne, nous avons créé l'Institut franco-chinois, qui dispose de locaux modernes sur 25 000 mètres carrés. Quelque 270 étudiants chinois peuvent, moyennant 7 500 euros l'an, y obtenir un bachelor puis, après deux années en France, un mastère de Kedge. Soixante élèves français peuvent aussi passer leur troisième année à Suzhou, où ils suivent des cours en anglais.

D'autre part, nous proposons un executive MBA à Shanghaï, avec l'université JiaoTong. Avec une centaine de participants, c'est l'un des principaux MBA de Chine.

Alice Guilhon, directrice générale de SkemaDepuis 2008, nous avons à Suzhou un campus en propre, qui accueille environ 980 étudiants, pour un semestre ou une année, voire deux. Ils y suivent le cursus grande école, le bachelor ou l'un de nos trois mastères en science. Nous venons également de démarrer un diplôme d'ingénieurs-manageurs. Nous avons créé deux incubateurs pour des projets franco-chinois : l'un consacré à la haute technologie, qui héberge déjà 120 jeunes pousses, l'autre au développement durable et au patrimoine immatériel.

Nous proposons aussi des outils de formation à l'entrepreneuriat. Au total, nous avons investi 10 millions d'euros en Chine.

Bernard Belletante, directeur général d'EM LyonUne centaine de nos élèves suivent une filière asiatique dans le cadre de leur cursus grande école. En fin de deuxième année, ils partent suivre pendant un semestre des cours de culture chinoise et découvrir les pratiques du management de la zone Asie chez différents partenaires, avant d'effectuer un stage en entreprise.

Nous avons aussi créé une business school commune au sein de l'ENS Shanghaï. L'objectif est de former de 500 à 600 Chinois aux niveaux bachelor et mastère. Un de nos trois centres de recherche est basé à Shanghaï. Enfin, avec l'université Zhejiang et celle de Purdue, aux Etats-Unis, nous proposons un double diplôme en entrepreneuriat.

Pourquoi ce dispositif?

T. F.Notre stratégie consiste à créer une " nouvelle Route de la soie ", en interconnectant l'Europe, la Chine et l'Afrique, où nous sommes présents à Dakar, au Sénégal. Nous cherchons à éviter à nos élèves " l'entre-soi " des campus délocalisés, et à augmenter nos effectifs d'étudiants chinois.

A. G.Notre campus permet aux élèves de vivre au contact des Chinois, notamment en participant à la vie associative locale. Les entreprises, chinoises ou internationales, proposent des stages et des projets d'étudiants. Elles participent à notre pédagogie. Cela va donc bien au-delà d'un simple échange d'élèves.

B. B.Nous devons offrir à nos étudiants des parcours aussi riches que possible, pour les aider à devenir des manageurs globaux. Il nous faut aussi recruter dans les pays émergents, car nous accompagnons les entreprises dans le recrutement de leurs collaborateurs dans le monde entier. Les accréditations nous permettent d'être crédibles dans ces pays.

Avez-vous d'autres projets dans le pays?

T. F.A la rentrée, sur le campus de Marseille, nous offrirons à nos étudiants un cursus grande école entièrement en chinois. C'est un programme très attendu, que nous serons les seuls à proposer. Et avec la Chinese Academy of Fine Arts (CAFA) à Pékin, nous allons créer un nouvel institut, dédié au management des arts et du design, qui aura un recrutement très international. Nous avons 800 élèves chinois. Ils seront peut-être 2 000 en 2020, pour un effectif total de 14 000.

A. G.Nous allons ouvrir de nouveaux programmes, notamment des doubles diplômes avec des universités réputées. Un troisième incubateur, consacré aux métiers traditionnels chinois, est aussi en vue. Nous avons en outre formé une quarantaine de formateurs à l'entrepreneuriat, qui vont accompagner d'autres incubateurs dans toute la Chine. Enfin, nous allons ouvrir des bureaux dans les grandes villes, toujours avec le prisme de l'innovation et de la création de jeunes pousses. Vers 2020, nous allons arriver à 2 000 étudiants et 200 collaborateurs en Chine.

B. B.En janvier 2016, nous aurons un campus de 5 000 mètres carrés tout neuf, à Shanghaï. Nous allons aussi lancer des cursus en blended learning (cours en présentiel et à distance) en Chine et dans d'autres pays du continent. Notre base de Shanghaï va nous servir de plaque tournante pour l'Asie. Dans cinq à sept ans, les marchés émergents pèseront autant que notre activité française.

Quelle est votre vision du marché chinois de l'éducation supérieure?

T. F.Les Chinois restent très attirés par les Etats-Unis, mais souhaitent développer leurs relations avec l'Europe. La France possède une belle carte à jouer dans le secteur de la tradition française - le vin, la gastronomie, le luxe... C'est une façon d'amorcer les échanges. On commence par l'art et on embraye sur la technologie...

A. G.Beaucoup d'institutions se précipitent en Chine, mais toujours avec la même stratégie consistant à ouvrir des MBA ou des mastères. Les Chinois attendent autre chose, qui ne soit pas l'américanisation. La question de l'innovation et de l'entrepreneuriat les intéresse beaucoup. Ils apprécient notre ouverture en direction des entreprises. Et nos incubateurs de Suzhou nous procurent une grande visibilité dans tout le pays. Ce que nous apportons est vraiment différent.

B. B.C'est un marché qui arrive à maturité et qui est de plus en plus concurrentiel. La Chine cherche à attirer des étudiants du monde entier. Par ailleurs, l'entrepreneuriat est un sujet qui intéresse beaucoup les Chinois. Notre expertise reconnue dans ce domaine est un atout-clé.

Propos recueillis par Jean-Claude Lewandowski


Quand la création numérique s'exporte
La French touch est aussi appréciée dans le domaine du numérique et de la création. Le groupe Rubika, qui regroupe trois écoles de design industriel, d'animation et de création vidéo à Valenciennes (Nord), sous l'égide de la chambre de commerce et d'industrie du Grand Hainaut, dispose depuis 2011 d'un campus ultramoderne à Pune, dans l'ouest de l'Inde. Le campus, financé par le magnat indien de l'immobilier Deepak Sakharam Kulkarni, accueille 600 élèves, dont soixante venus de France, pour six mois ou un an. Autre percée française, celle de l'Ecole de design Nantes-Atlantique en Inde et en Chine : depuis 2007, 70 élèves en master passent deux ans au Fine Arts College de l'université de Shanghaï. La plupart n'ont aucun mal à décrocher un emploi, partout dans le monde. " Nous avons une culture des relations avec l'industrie qui fait défaut aux institutions chinoises, observe Christian Guellerin, le directeur. Et le design français est très apprécié en Chine. "



Centrale renforce sa stratégie en Inde
Déjà implanté en Chine, le groupement d'écoles d'ingénieurs confirme son ambition internationale en ouvrant un campus indien
Un pied en Chine, un autre en Inde. Les deux implantations asiatiques du groupe des Ecoles centrales (Paris, Lille, Lyon, Marseille et Nantes) présentent peu de points communs. L'une et l'autre participent pourtant de la même vision de l'international.

Le projet de Centrale Pékin est ancien : les premiers contacts avec la partie chinoise, encouragés par le Quai d'Orsay, remontent à 2003. A la demande des Chinois, les Ecoles centrales étudient alors la faisabilité d'une formation d'ingénieurs avec l'université Beihang de Pékin. Le cursus, en français, reprend le modèle hexagonal : parcours en cinq ans avec un cycle de classes préparatoires intégrées, précédé d'une année de formation intensive au français et de mise à niveau en maths-physique. Centrale Pékin ouvre dès 2005, avec une centaine d'élèves.

L'enseignement est assuré par des professeurs venus de France et des vacataires, Beihang fournissant les locaux et certains personnels. Six ans plus tard, la première promotion reçoit avec faste son diplôme, au Palais du Peuple, à Pékin. Depuis, chaque année, les diplômés se placent sans difficulté, tant auprès de firmes chinoises que d'entreprises françaises comme Total ou Safran.

Dans un premier temps, la partie française a supporté l'essentiel du coût - 12 millions d'euros sur six ans - surtout grâce à l'aide de la Fondation Nicole Bru, et à une dizaine d'entreprises. Les frais de scolarité restent à un niveau très bas - de l'ordre de 800 euros l'an.

Depuis 2012, après de difficiles négociations, les Chinois ont accru leur contribution. " Désormais, l'opération est neutre financièrement, indique Gérard Creuzet, responsable des campus internationaux du réseau centralien. Centrale Pékin ne nous rapporte pas d'argent, mais ne nous coûte rien. " Hervé Biausser, directeur de Centrale-Supélec, à Paris, se montre satisfait de la tournure de l'affaire : " Avec Pékin, nous avons acquis une expérience précieuse à l'international et renforcé notre visibilité. Il est temps de passer à une nouvelle phase, celle du développement de l'école. " Au programme, lancement d'activités de recherche et de cycles pour dirigeants. Une première chaire vient d'être signée avec Airbus et le chinois Avic (Aviation Industry Corporation of China).

Cadres " à la française "Tout autre est l'implantation indienne, démarrée à l'automne 2014. Cette fois, le partenaire est une entreprise : Mahindra, un des principaux industriels du pays, qui fournit notamment des locaux entièrement rénovés à Hyderabad (Etat du Télangana, centre de l'Inde). De son côté, Centrale apporte l'ingénierie de formation et une partie des enseignants. Les élèves, eux, acquittent des frais de scolarité d'environ 4 500 euros par an, pour un cursus de cinq ans, en anglais - avec toutefois trois heures par semaine obligatoires de français.

La première promotion compte 230 étudiants. Par la suite, il est prévu de monter à 420. Les diplômés ont vocation à travailler pour toutes les entreprises, qu'elles soient indiennes, françaises ou autres. Peu à peu, le groupe des Ecoles centrales est aussi associé à l'opération.

A Pékin comme à Hyderabad, le réseau centralien poursuit la même stratégie. " L'international est une priorité pour nos écoles, explique Hervé Biausser. Nos élèves ont une vocation globale, ils doivent pouvoir s'immerger dans des contextes culturels différents. Ces deux campus hors de France vont le leur permettre. Nous participons à la formation des élites chinoises et indiennes. Ce faisant, nous contribuons aussi à l'essor de nos entreprises en formant des cadres locaux "à la française". "

Le réseau centralien ne compte pas s'en tenir là : très bientôt, élèves et professeurs pourront circuler entre les différents campus et travailler ensemble à des projets internationaux. Le groupe envisage aussi de créer un centre de formation des enseignants, pour les différents pays dans lesquels il sera présent. Parmi ceux-ci, le Maroc et sans doute demain le Brésil.

Jean-Claude Lewandowski


Ces ingénieurs chinois formés à la française
Les écoles multiplient les initiatives à destination des étudiants de Chine, qui apprécient notre système

Centrale à Pékin, ParisTech à Shanghaï, Institut franco-chinois de l'énergie nucléaire à Canton, Institut sino-européen d'ingénierie aéronautique à Tianjin... Les écoles françaises d'ingénieurs multiplient les initiatives en Chine, pour les étudiants de ce pays. Souvent en partenariat et sur le même schéma d'un cursus en six ans, dont deux années de classes préparatoires intégrées.

" Les Chinois connaissent bien notre système de formation, et ils l'apprécient ", constate Alain Storck, président de l'Université de technologie de Compiègne (UTC), engagée avec les deux autres UT (Belfort-Montbéliard et Troyes) au sein de l'Université de technologie sino-européenne de Shanghaï (Utseus). Déjà, dans les années 1980, des dizaines de Chinois ont effectué un doctorat en France. Nombre d'entre eux occupent maintenant des postes à responsabilités dans l'industrie ou dans les universités chinoises, d'où ils accueillent favorablement les partenariats avec les écoles françaises.

" Ce qui intéresse nos interlocuteurs, c'est d'abord notre enseignement généraliste, qui permet d'acquérir une vue d'ensemble des problèmes, et de piloter ensuite des projets complexes, poursuit Alain Storck. Autre point fort, à leurs yeux, nos liens étroits avec l'industrie, notamment sous forme de stages ou de projets d'étudiants. Enfin, ils sont très attirés par notre ouverture sur les sciences humaines et sociales, le management, et aussi par la dimension culturelle de nos cursus. " Récemment, les réussites françaises en matière d'innovation - notamment avec l'initiative French Tech - ont encore accru cet attrait pour la formation " à la française ". D'autant qu'à l'inverse l'enseignement chinois se caractérise encore par les cours magistraux, l'apprentissage " par coeur " et un fort cloisonnement entre les disciplines.

En termes de rayonnement, l'enjeu est donc important pour les écoles françaises. Mais le gros millier de diplômés qu'elles forment chaque année dans le pays ne pèse pas bien lourd face aux 350 000 ingénieurs annuels issus des universités chinoises. " La stratégie chinoise de partenariat peut varier selon les universités ou en fonction des rivalités locales, et évoluer au fil du temps ", note Christopher Cripps, directeur du développement international de Centrale-Supélec.Les Chinois s'intéressent aussi à d'autres modèles, comme celui de l'Allemagne, pour en reprendre le meilleur. La compétition est donc la règle.

Qui finance ces formations franco-chinoises? Sur ce sujet, les négociations sont souvent délicates. S'ils sont demandeurs, les Chinois se montrent aussi redoutables négociateurs...

Jean-Claude Lewandowski


Les grandes écoles prises par la fièvre asiatique
Les établissements français veulent assurer leur rayonnement dans cette région à l'économie la plus dynamique au monde

Elles n'y vont pas toutes, mais la plupart des grandes écoles et des universités ont les yeux tournés vers l'Asie, et beaucoup choisissent d'y tenter leur chance. La Chine très souvent, l'Inde de plus en plus, le Japon, Singapour et la Corée du Sud dans une moindre mesure, ou même le Vietnam : autant de destinations qui " aimantent " les institutions et leurs étudiants.

Pourquoi cette fièvre asiatique? Parce qu'il s'agit de la région à l'économie la plus dynamique du monde. Parce que sa culture, son mode de vie, son rayonnement fascinent. Et parce que des millions de Chinois ou d'Indiens rêvent d'acquérir un diplôme reconnu, offrant ainsi d'énormes débouchés potentiels pour les établissements français.

Le plus souvent, ceux-ci procèdent par étape : échange ou accueil d'étudiants, puis ouverture de bureaux de représentation, création de programmes avec une université locale, et mise en place d'un double diplôme. Beaucoup finissent par se doter de locaux sur place - voire d'un campus, comme Skema Business School à Suzhou, en Chine, depuis 2009, ou l'Ecole supérieure des sciences économiques et sociales (Essec) de Cergy-Pontoise, qui vient d'inaugurer ses nouveaux bâtiments à Singapour où elle est implantée depuis 2006. " Ce projet marque notre volonté de devenir une institution multipolaire, présente dans différentes régions du monde, souligne Jean-Michel Blanquer, le directeur général de l'Essec. Il nous permet d'attirer des étudiants de tout le Sud-Est asiatique, et d'y accueillir aussi nos élèves de Cergy. " Peu à peu, les écoles étoffent leurs programmes et diversifient leurs activités : recherche (EM Lyon, Centrale Pékin, Edhec), incubation de jeunes pousses (Skema) ou formation continue.

Si les business schools françaises ont très tôt joué la carte asiatique, les écoles d'ingénieurs ne sont pas en reste. Les premières se sont lancées seules. Les secondes ont tendance à jouer collectif - à l'instar, en Chine, de l'Ecole nationale de l'aviation civile de Toulouse avec l'Institut supérieur de l'aéronautique et de l'espace, des trois universités de technologie (Compiègne, Belfort-Montbéliard, Troyes) au sein d'Utseus, l'université sino-européenne créée en 2005 à Shanghaï, de Polytechnique dans le cadre de ParisTech ou de l'Institut franco-chinois d'énergie nucléaire de Zhuhai, ouvert en 2010. Même des petites écoles s'y mettent, comme l'International Fashion Academy Paris, qui dispose de locaux à Shanghaï pour son MBA.

S'implanter durablementLes universités, en revanche, sont nettement moins présentes en Chine : l'Institut d'administration des entreprises de Paris-I, y a installé son MBA. Les universités Paris-X en droit, Lyon-II (sciences de l'éducation; microéconomie) et Aix-Marseille (banques et affaires internationales; commerce) ont instauré des échanges d'étudiants ou des doubles diplômes avec de nombreux établissement chinois et indiens, tandis que Lyon-III a récemment créé un double diplôme avec l'université nationale du Laos.

Mais toutes les écoles n'adoptent pas la même stratégie. Certaines choisissent de s'implanter durablement, et même d'installer en Asie une part significative de leurs activités. Skema, les Ecoles centrales, l'Ecole de management de Lyon sont dans cette logique. D'autres cherchent surtout à recruter des étudiants, éventuellement pour les accueillir ensuite en France. " Notre politique est de créer des antennes dans les principales régions du monde, et de les mettre en réseau ", explique pour sa part Alain Storck, président de l'UT Compiègne. Quelques-unes, enfin, optent pour une stratégie de " plaque tournante ", susceptible de capter des étudiants de toute la zone, à l'instar de l'Essec, de l'Edhec ou de l'Insead à Singapour.

L'expérience asiatique a tout pour séduire les étudiants. Difficile, à 20 ou 22 ans, de rester insensible au dépaysement, au parfum d'aventure qui en émane. L'Asie permet en outre une coupure avec le cocon familial, qui tient presque du rite de passage à l'âge adulte. " Elle constitue un excellent terrain d'apprentissage, qui intéresse de plus en plus nos élèves, estime Olivier Aptel, directeur général de l'ESC Rennes, une école qui offre des doubles diplômes en Inde et en Chine, ainsi qu'un doctorat en administration des affaires à Pékin, et qui reçoit chaque année plus de 200 Asiatiques en mastère. " A l'embauche, le profil "internation" fait souvent la différence, rappelle Alain Storck. Un séjour long - au moins six mois - en Asie est un atout important sur un CV. " Les diplômés, en général, sont emballés par leur expérience. Nombre d'entre eux prolongent leur séjour avec un premier poste sur place, et, parfois, créé leur propre société.

J.-C. L.


L'Asie-Pacifique, une vaste zone d'attractivité
Outre la Chine, l'Inde et le Japon, de nombreux pays de la région offrent des opportunités

Qui cherche trouve. Ainsi pourrait-on résumer l'expérience des jeunes Français partis se former en Asie-Pacifique, où l'éventail des possibles est large.

L'Australie très priséeEn 2013, plus de 4 000 Français y étudiaient. " Partir là-bas, c'était un rêve de gosse, celui d'admirer des paysages époustouflants, de profiter de l'océan, mais surtout l'assurance d'un enseignement de qualité en anglais ", dit Pierre Lallier. Une fois diplômé de l'Ecole supérieure d'ingénieurs des travaux de la construction de Caen, il a intégré un master en gestion de projet à la Sydney Business School en 2013. Il existe 326 accords d'échanges entre établissements français et australiens, dans tous les domaines, mais il est aussi possible de partir de sa propre initiative.

La Corée du Sud, un autre cap en vogue En 2013, on y trouvait plus de 800 étudiants français, quatre fois plus qu'en 2008. " Des marques comme Samsung ou LG, mondialement connues, attestent de l'excellence du pays dans le secteur des nouvelles technologies ", se réjouit Woo-Suck Han, chargé des partenariats avec la Corée du Sud pour les Mines de Saint-Etienne. L'école envoie chaque année une vingtaine d'étudiants à la Korean Advanced Institute of Science and Technnology ou à la Seoul National University, dans le cadre de doubles diplômes ou d'échanges.

Hongkong et ses incontestables atouts Parmi eux : des établissements prestigieux. Comme l'université de Hongkong (3e en Asie selon le classement QS 2014), avec laquelle Sciences Po travaille à la mise en place d'un double diplôme de premier cycle (deux ans en France, deux ans à Hongkong). " Cette implantation donnera aux étudiants une double culture et permettra de recruter dans le monde entier car la ville présente l'avantage d'être un hub ", estime Francis Vérillaud, directeur des affaires internationales de Sciences Po.

Singapour, la plus cosmopoliteElle compte plus d'un tiers d'étrangers et les écoles de commerce françaises y sont très présentes : l'Insead de Fontainebleau y possède un campus, comme l'Edhec de Lille ou l'Essec de Cergy, qui vient d'y inaugurer un nouveau campus. " Au carrefour de l'Asie, Singapour jouit d'une position idéale qui nous permet de travailler étroitement avec des entreprises de toute la zone ", assure Kevyn Yong, doyen de l'Essec Asie-Pacifique, dont l'ambition est de former des managers de haut niveau ayant les codes pour travailler en Asie.

Le Vietnam et sa longue coopération avec la France Créé en 1992, le centre franco-vietnamien de formation à la gestion est aujourd'hui la meilleure école de management du pays. Nombre de ses homologues françaises - l'ESCP de Paris, Audiencia Nantes, Skema (Lille, Paris, Sophia-Antipolis) - n'hésitent d'ailleurs pas à envoyer leurs étudiants sur ses deux campus de Hanoï et Ho Chi Minh-Ville.

Le Laos s'ouvre peu à peu" Depuis son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce en 2013, le pays a besoin d'experts en droit international ", explique Laurent Eck, chargé du double diplôme de master que l'université Jean-Moulin-Lyon-III a créé dans cette spécialité avec l'Université nationale, fin 2014. Si la première promotion est quasi exclusivement laotienne, plusieurs candidats français, qui ont des projets professionnels dans la zone, ont postulé pour la rentrée prochaine.

Le Kazakhstan, une destination à envisager Les cours sont dispensés en anglais, mais le pays est russophone. " Ça a été dur, mais je m'y suis mise et j'ai adoré l'accueil de ce peuple de nomades ", raconte Thuy-An Dang, 21 ans, en quatrième année à l'Iéseg de Lille. En 2013, elle a passé un an à l'université Kimep d'Almaty, l'ancienne capitale. " Il y a peu d'expatriés, il est donc plus facile de trouver des stages dans les entreprises françaises de la région ", souligne l'étudiante, qui a rempilé pour un semestre dans une autre université de la ville. Seule une douzaine de ses compatriotes étudient au Kazakhstan, mais ce chiffre pourrait augmenter : Sorbonne-Paris-Cité a inauguré en décembre 2014 un campus à Almaty, au recrutement local. Des accords d'échanges devraient voir le jour dans le sillage de cette installation.

Françoise Marmouyet


L'Inde à l'heure du boom éducatif
Deuxième destination préférée des étudiants français en Asie, le pays a passé plus de 450 accords avec les établissements de l'Hexagone
Lorsque, en 2010, l'Ecole de design de Nantes a proposé à Olivia Meillassoux (25 ans aujourd'hui) de terminer ses études par deux années en Inde, elle n'a pas hésité une seconde. Le partenariat avec une école de Bangalore, dans le sud du pays, venait tout juste d'être lancé : " On était un peu des pionniers, des aventuriers, et c'est ce qui me motivait. " Depuis, une quinzaine d'étudiants partent chaque année terminer leur master à l'India Studio de l'école, transféré depuis 2014 à New Delhi. Actuellement designer à Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), Olivia Meillassoux n'a qu'une idée en tête : " Repartir ".

Avec 417 élèves français accueillis en Inde en 2011-2012, d'après les derniers chiffres de la Conférence des grandes écoles (CGE), et 1 785 au total en 2012-2013 selon le Quai d'Orsay, le sous-continent est leur deuxième destination préférée en Asie. La Chine caracole toujours loin devant, avec plus de 1 370 Français en séjour d'études, mais la CGE note pour l'Inde une augmentation de 37 % entre 2008 et 2012. Au ministère des affaires étrangères, on constate aussi des chiffres " à la hausse, de pair avec l'augmentation du nombre d'accords d'échanges entre institutions françaises et indiennes ", privées et publiques : 470 partenariats actifs sont répertoriés aujourd'hui, allant du simple échange d'étudiants à l'implantation d'une antenne sur place, en passant par des doubles diplômes. La majorité des 1 300 visas étudiants (séjours et stages) délivrés par l'ambassade d'Inde en France en 2014 l'ont été pour des élèves d'écoles de commerce - surtout - et d'ingénieurs, mais les universités ne sont pas en reste, de même que des filières comme le réseau Polytech, des IUT ou Sciences Po.

Passé les difficultés liées à l'accent local dans la langue de Shakespeare, Olivia Meillassoux a découvert que " le design, pensé de manière industrielle chez nous, peut l'être d'une façon très artisanale sur place ". Elle a appris une " culture du système D et du fait main où l'on se doit d'être polyvalent dans la création d'un produit et innovant ". Pour qualifier " ce mélange de débrouillardise et d'ingéniosité qui caractérise l'Inde d'aujourd'hui ", selon les termes du Quai d'Orsay, un même mot revient souvent : jugaad. Une qualité primordiale dans ce qu'Olivia ose appeler un " bazar permanent ", où " il y a toujours 90 % de chances que rien ne se passe comme on l'avait imaginé ".

Face à un business de l'enseignement supérieur en plein boom en Inde, " trop d'écoles indiennes ne sont pas au niveau, estime Christopher Kripps, responsable des affaires internationales à Centrale Paris. Nous travaillons donc avec les meilleures. " Excepté cinq ou six universités au rayonnement national - le pays en compte plusieurs centaines -, ce sont souvent vers les IIT (Indian Institute of Technology) et les IIM (Indian Institute of Management) que se tournent les formations françaises. Ils sont les équivalents des grandes écoles de commerce et d'ingénieurs françaises. L'ultra-sélection à l'entrée de ces formations en fait des établissements d'élite.

Sarah Lemaire, 25 ans, a obtenu en 2014 le double diplôme liant l'Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) de Cergy-Pontoise à l'IIM d'Ahmedabad, dans le nord-ouest de l'Inde. Comme elle l'espérait, Sarah Lemaire y a découvert un " marché prometteur ", mais surtout " un enseignement centré sur les pays en développement " pas assez présent dans les formations françaises, selon elle. Au contact de cette " élite étudiante poussée à l'extrême par les familles sur fond de méritocratie, on comprend mieux les aspirations de la société indienne, son évolution ", remarque-t-elle.

" L'Inde est un pays qu'on a du mal à s'imaginer avant d'y être ", estime Marie Azuelos, chargée de mission Asie-Pacifique au service des relations internationales de Sciences Po. Afin de préparer la vingtaine d'étudiants candidats au départ chaque année, l'institution organise des rencontres avec les anciens ayant déjà fait le voyage, durant lesquelles sont abordées les difficultés que l'on peut rencontrer sur place. L'hygiène d'abord, avec un " temps d'adaptation nécessaire avec l'eau ou la nourriture ". La place des femmes interroge aussi beaucoup. " On leur explique que non, l'Inde n'est pas un pays "à risques", mais qu'il faut être prudent et faire preuve de bon sens sur place, notamment parce que la femme occidentale fascine les Indiens. " Cette préparation permet aussi d'anticiper le " syndrome de l'Inde ", état de trouble psychique lié au choc culturel et à la perte de repères.

" On ne peut pas, sur place, être indifférent à la pauvreté, le tout est de se distancier et ne pas se laisser submerger ", explique Marie Azuelos. De son côté, Olivia Meillassoux insiste sur un point, primordial à ses yeux : " Ne surtout pas partir avec des préjugés. "

Séverin Graveleau

Le Japon, une destination méconnue
A peine un millier de Français partent y étudier chaque année. Une tendance que le ministère de l'enseignement supérieur s'efforce d'inverser

Etudiant en premier cycle à Sciences Po Paris, Martin Devaux ne reviendrait " pour rien au monde " sur son choix de suivre le double diplôme proposé par son école avec l'université de Keio (Tokyo). " C'est en intégrant le campus du Havre, après le concours, que j'en ai entendu parler. Le Japon, son histoire et ses auteurs me fascinent depuis le collège. " Au lieu d'un an à l'étranger dans le cursus classique, il va passer deux ans dans l'archipel nippon. Au-delà des progrès linguistiques, il compte sur la formation d'excellence de Keio en économie pour renforcer ses futurs dossiers de candidature auprès " de masters renommés, en France ou au Royaume-Uni ".

Comme Martin Devaux, beaucoup de jeunes ont approché la culture japonaise à travers les mangas. Mais le pays du Soleil-Levant peut compter sur d'autres arguments que sa littérature et son cinéma pour attirer un public international vers ses universités : il constitue un poste d'observation privilégié des innovations technologiques. " Véritable laboratoire des marchés informatiques et domotiques, le Japon a aussi beaucoup d'avance en génie civil et dans l'accompagnement des seniors ", résume Karine Picot-Coupey, responsable du centre franco-japonais de management (CFJM) de Rennes.

Pourtant, malgré ce dynamisme, rares sont les Français qui choisissent d'étudier au Japon. Créé en 1992 à l'initiative du ministère du commerce extérieur, le master du CFJM a été très demandé durant sa première décennie d'existence. Puis, " la concurrence de la Corée du Sud s'est fait sentir dans les années 2000 ", note Karine Picot-Coupey. A l'échelle nationale, le nombre de départs serait quand même passé de 195 par an au tout début de ce siècle à 740 en 2012, d'après la Japan Student Services Organization.

Un mouvement que le ministère de l'enseignement supérieur compte amplifier. Une convention de reconnaissance mutuelle des diplômes a été signée le 5 mai 2014 entre les écoles d'ingénieurs, les universités françaises et leurs homologues au Japon. Avec cet accord, " il est désormais beaucoup plus facile d'organiser des doubles cursus. Certes, les universités n'avaient pas attendu que les freins administratifs soient levés pour se rapprocher des établissements japonais. Mais les projets étaient alors beaucoup plus avancés dans le champ de la recherche que de l'enseignement ", constate Jacques Comby, responsable des questions internationales pour la Conférence des présidents d'université.

Reste qu'il est nécessaire d'être bien accompagné en amont pour surmonter le choc culturel et réussir son séjour. Si quelques universités comme Keio proposent un riche catalogue de cours en anglais, la langue des affaires " est moins pratiquée qu'on ne le pense, précise Karine Picot-Coupey. Il faut avoir atteint un bon niveau en japonais pour se repérer au quotidien ". Sa formation prévoit ainsi un enseignement intensif et personnalisé de la langue durant l'année qui précède le départ. Sur place, le réseau des diplômés prend le relais pour aider chaque nouvelle promotion à décrocher un stage.

Si la plupart des jeunes Japonais inscrits dans l'enseignement supérieur ont des jobs d'étudiant pour financer leur parcours, les stages au sens où on l'entend en France ne sont pas si courants. " Là-bas, les stagiaires circulent dans les entreprises et assistent à des présentations, mais ils ne se voient pas confier de missions longues ", explique Hoël Goisbault, diplômé en 2013 du CFJM. Embauché comme volontaire international dans une entreprise française du secteur pharmaceutique dès la fin de ses études, il y a ensuite obtenu un CDI.

" Nos élèves, reconnus comme des diplômés à part entière de Keio, verront s'ouvrir à eux deux marchés du travail ", assure Florent Bonaventure, directeur du campus de Sciences Po du Havre. Ouvert en 2013, ce programme franco-japonais était resté jusque-là plutôt confidentiel. Mais, depuis qu'il a été intégré au portail général Admission postbac, les demandes d'informations auraient " explosé ". Il faudra attendre septembre pour savoir si elles se traduiront en inscriptions effectives.

Aurélie Djavadi


Des bourses de recherche pour l'Archipel
Mener un travail de recherche pendant un à trois ans dans un laboratoire japonais grâce à des bourses : telle est la possibilité qu'offre la Société japonaise pour la promotion de la science (JSPS), basée à Tokyo et représentée en France à la Maison universitaire France-Japon, structure de l'université de Strasbourg.

Chaque année, quinze bourses de recherches postdoctorales (un à deux ans) ainsi que seize pour les doctorants (un à douze mois) sont attribuées à des candidats ayant obtenu leur doctorat depuis moins de six ans ou en cours de thèse. Treize autres bourses pour un séjour de deux mois l'été sont en outre réservées à des candidats titulaires d'un master 2 recherche, pour découvrir la culture japonaise et lancer une coopération scientifique. La JSPS propose enfin d'autres types de bourses pour les chercheurs expérimentés.

Excellence académiqueLe Centre national de la recherche scientifique (CNRS) centralise les candidatures françaises et effectue, avec la JSPS France, une présélection envoyée à Tokyo pour un choix final. " L'excellence académique et le domaine de recherche font partie des critères. Il faut démarrer les démarches au moins un an à l'avance ", recommande Hiroyuki Miyamoto, directeur de la JSPS France. Le candidat doit trouver son laboratoire d'accueil. " Le plus souvent, il se tourne vers son directeur de recherche ou des collègues qui ont déjà des liens avec le Japon ",explique Gulnara Le Torrivellec, chargée des programmes internationaux et responsable des bourses JSPS au CNRS.

" Les chercheurs en sciences exactes sont plus nombreux à partir mais les chercheurs en sciences humaines et sociales sont encouragés à candidater ",souligne Hiroyuki Miyamoto. Les bourses couvrent le voyage, une allocation mensuelle jusqu'à 362 000 yens (environ 2 600 euros) et une prime d'installation.

Coralie Donas


En Mongolie aussi!
Coincée entre la Russie et la Chine, la République de Mongolie, grande comme trois fois la France, attire aussi les étudiants français, par sa culture et ses traditions.

" La culture, la relation à la nature, le -nomadisme m'ont donné envie d'y aller " Camille Prouharam, 28 ans, a réalisé un travail sur les contes et légendes en master.

" Pendant mon master en langue et civilisation chinoises à l'université Bordeaux-III, je me suis intéressée aux mêmes contes et légendes racontés différemment en Chine et en Mongolie. La culture des Mongols, leur gentillesse, leur relation à la nature, le nomadisme m'ont attirée, et j'ai eu envie d'y aller. Quand je suis arrivée dans la capitale, Oulan-Bator, à la fin de l'hiver dernier, le choc a été rude. La température peut passer de 20 °C à -15 °C du jour au lendemain. La langue est très difficile. Je l'apprends à l'université nationale de Mongolie, grâce à une convention signée avec l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) de Paris.

J'aimerais poursuivre mes études en Mongolie. J'ai trouvé ma directrice de thèse à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE) à Paris, mais encore faut-il que je décroche une bourse doctorale pour pouvoir rester dans ce pays... "

" Mon voyage a été une vraie révélation " Steve Morel, 29 ans, a quitté son métier de graphiste à Paris pour reprendre des études à Oulan-Bator.

" Je suis des cours de langue et de culture mongoles à l'université Choi Lubsanjav d'Oulan-Bator et je m'initie à la pratique d'un instrument traditionnel, le morin khuur, une vièle à tête de cheval. Je voudrais devenir professeur de musique.

Il y a trois ans, j'étais graphiste indépendant à Paris, mais je n'étais pas très heureux, j'étais seul, timide, renfermé. Un jour, j'ai découvert par hasard le chant diphonique mongol et j'ai eu un déclic. Alors que je n'avais jamais quitté la France, je suis parti seul en Mongolie avec un visa touristique. Je ne parlais que le français, j'étais perdu, parfois je ne savais pas où dormir le soir même. Ce voyage a été une vraie révélation. Je suis rentré en France deux mois plus tard, j'ai vendu tout ce que j'avais et je suis reparti grâce à un visa étudiant cette fois, qui me permet de poursuivre mes études actuelles. "

Propos recueillis par Laura Buratti


Choisir le bon moment pour partir
Préparer un départ pour étudier en Asie après le bac ou à l'issue d'un cycle court n'est pas aisé. La licence ou le master laissent davantage de possibilités
Intégrer un séjour en Asie dans son cursus ne s'improvise pas, et une expérience réussie est aussi une question de timing. Les programmes d'échange facilitent les démarches à certains moments de la scolarité, de même que les ponts offerts par certaines écoles ou certaines universités permettent d'éviter un parcours d'obstacles administratifs.

Juste après le bacLes programmes de mobilité comme Erasmus+ et les bourses qui vont avec ne sont proposés qu'à partir de bac +2. " Nous avons besoin d'une année entière pour connaître, sélectionner et inscrire les candidats. Ces derniers peuvent profiter de ce délai pour se familiariser avec l'enseignement supérieur et préparer leur départ d'un point de vue budgétaire, linguistique et culturel ", explique Sandra Vessier, directrice du service des affaires internationales de l'université Bretagne-Sud.

En dehors de ces programmes et en l'absence d'accord au niveau bac +1, les candidats au départ doivent s'inscrire directement auprès de l'établissement qu'ils convoitent. Pour leur faciliter la tâche, la Chine a mis en place un portail en anglais intitulé Cucas. Environ 300 universités y sont recensées. De retour en France, les étudiants doivent faire reconnaître leur année d'études ou leur bachelor asiatique - l'équivalent d'une licence. L'ENIC-Naric, le centre d'information sur la reconnaissance des diplômes étrangers, délivre des attestations, mais les établissements français sont libres de valider une partie ou la totalité du parcours à l'étranger.

L'absence d'aide financière et la difficulté à faire reconnaître les cursus incitent les jeunes bacheliers à différer leur départ et à solliciter un programme de mobilité en deuxième année. L'université de Reims-Champagne-Ardenne et l'Ieseg, école de commerce basée à Lille et Paris, offrent toutes deux cette possibilité, relativement rare avant la troisième année.

A bac +2" L'Asie compte de plus en plus de détenteurs de bachelor en trois ans et en langue anglaise, constate Yvan Couallier, conseiller d'orientation au Centre d'information internationale de Lyon. Des équivalences existent, notamment à Hongkong et en Corée du Sud, mais il n'est pas toujours possible d'intégrer la troisième année après un brevet de technicien supérieur ou un diplôme universitaire de technologie. "

Les étudiants titulaires d'un DUT ont également la possibilité de valider un diplôme universitaire d'études technologiques internationales (Dueti). Cette troisième année à l'étranger ne délivre pas de licence mais permet, dans certains cas, d'intégrer un master 1. Quelques rares instituts, dont l'IUT1 de Grenoble, proposent un Dueti en Asie. L'agence Erasmus+ reconnaît qu'il y a encore des efforts à faire pour encourager la mobilité dans les établissements d'enseignement supérieur court.

A bac +3" Que ce soit dans les facultés ou les écoles, la mobilité intervient généralement à bac +3 ou bac +4 ", confirme le conseiller d'orientation Yvan Couallier. Partir à ce niveau d'études présente bien des avantages : les programmes d'échange ne manquent pas, la majorité des étudiants possède déjà un diplôme, le master est la norme dans beaucoup de pays et les expériences internationales récentes ont plus de valeur au regard des employeurs.

Mais l'Asie n'est pas une destination comme les autres. Les cultures, les langues et les systèmes pédagogiques y sont très différents de ceux que l'on peut trouver en France. Si certains établissements comme Montpellier Business School permettent à leurs étudiants d'y passer deux années complètes, d'autres limitent le séjour à un seul semestre.

L'école d'ingénieurs parisienne Supméca a fait un choix intermédiaire. Au niveau master 2, les étudiants ont la possibilité de partir dix-huit mois en Asie afin de valider un double diplôme. En dehors du Japon, pays avec lequel un accord a été signé, les projets sont étudiés au cas par cas. " Ceux qui optent pour le Japon ont un projet professionnel sur place, de travail ou de recherche ", observe Silvia Ferrari, responsable de la mobilité sortante à Supméca.

Comment faire son choix parmi les milliers d'établissements asiatiques? Ecoles et universités assurent que le bouche-à-oreille fonctionne bien entre les étudiants qui sont partis et ceux qui en ont le souhait. " Si bien que nous avons créé des forums sur ce thème sur le site Francealumni.fr ", indique Antoine Godbert, directeur d'Erasmus + France. A ses yeux, les nombreux accords signés par les établissements français avec leurs partenaires asiatiques offrent les garanties nécessaires.

Martin Rhodes


A effectuer avant le départ
Pour préparer un cursus dans un pays asiatique, de nombreuses démarches doivent être réalisées. D'abord, l'université ou l'école française établit une sélection sur dossier et en fonction du niveau d'anglais. Des documents sont invariablement demandés : le formulaire d'inscription de l'école asiatique souhaitée, tous les diplômes et relevés de notes depuis le baccalauréat traduits en anglais, un CV et une lettre de motivation, eux aussi en anglais.

" Les cours dispensés dans le cadre d'échanges sont en anglais ", assure Anne-Sophie Morvan, de Francasia, organisme qui assiste les étudiants dans leurs démarches. Parler la langue du pays peut aider mais n'est pas nécessaire. "" Sauf pour les universités japonaises ", précise Nelly Voccia, responsable de la mobilité à l'université Lyon-II, dont les universités partenaires nippones exigent cette condition.

Parfois, un casier judiciaire vierge et des justificatifs financiers sont requis ainsi que des tests médicaux. " Certains pays demandent une radio des poumons, des tests négatifs pour le HIV, voire pour la consommation de drogues, le trafic de stupéfiants étant passible de condamnation à mort dans certains pays comme l'Indonésie ", souligne Anne-Sophie Morvan.

L'étudiant doit enfin faire ses demandes de visa, de bourses et contacter l'université asiatique pour trouver un logement.


Un coût variable selon les destinations
Si l'Asie reste globalement très compétitive, l'Australie ou Singapour sont des régions coûteuses
Douze heures de vol pour Shanghaï, près de quatorze heures pour Singapour, des billets qui frisent souvent les 1 000 euros si l'on veut éviter de passer des heures dans les escales du Golfe, un coût de la vie en hausse, un euro qui chute... A priori, les études en Asie coûtent cher. Singapour vient même de rafler la deuxième place aux Etats-Unis parmi les destinations les plus onéreuses. Malgré tout, si l'on regarde globalement, les pays asiatiques restent très compétitifs, grâce notamment à des frais universitaires plus raisonnables que les tarifs anglo-saxons et à un coût de la vie moindre.

Selon la dernière enquête comparative du groupe HSBC publiée en avril 2014, parmi les 15 pays d'accueil étudiés (frais de scolarité et coût de la vie), l'Australie demeure la destination la plus coûteuse : pour y étudier un an, il faut débourser en moyenne 32 500 euros. Singapour, à la cinquième place en 2013, a fait un bond spectaculaire, à cause de l'explosion du coût de la vie et surtout de l'immobilier. Dans cette cité-Etat, il faut compter 30 400 euros pour un an d'études. Les Etats-Unis (28 300 euros) et le Royaume-Uni (27 100 euros) suivent de près. Loin derrière, la Chine, treizième sur quinze, affiche quant à elle un " bon rapport qualité-prix ", souligne l'étude de HSBC. Avec 7 790 euros pour un an, on y étudie pour près de quatre fois moins cher que dans les grands pays d'accueil anglo-saxons. Or l'enseignement jouit d'une bonne réputation.

" Dans un pays comme la Chine, l'éventail des prix est très large selon la manière dont on y vit, souligne Bernard Terrany, chargé de l'international à l'IPAG Business School, une école de commerce privée basée à Paris et à Nice, qui envoie une cinquantaine d'étudiants chaque semestre à Kunming, dans le sud de la Chine. Nos élèves sont logés sur le campus, ce qui leur revient autour de 120 euros par mois, sans rapport avec ce que paient leurs camarades partis à Los Angeles. S'ils vont à la cantine universitaire, ça leur coûtera 3 ou 4 euros par jour. " Le niveau de vie est par ailleurs très divers en Asie : le Japon n'a pas grand-chose à voir avec l'Inde. Le sous-continent indien abrite lui-même des écarts considérables, avec certaines villes où le logement atteint des prix européens.

Etudiants issus de milieux aisésDe l'avis général, le coût des études en Asie ne constitue pas un obstacle, pas plus en tout cas que les autres destinations lointaines. " Pour nos étudiants qui vont à Singapour, cela revient un peu plus cher, 15 000 à 16 000 euros l'année au niveau master, et il faut en plus se loger, explique Bruno Heraud, chargé du recrutement international à l'Essec pour le campus de Cergy et celui de Singapour inauguré en mai. Mais, dans de grandes écoles comme la nôtre, ce ne sont pas des sommes qui font reculer nos étudiants. La plupart sont issus de milieux aisés. "

Dans les écoles d'ingénieurs publiques, on fait le même constat : la lointaine Asie est à portée de bourses. " Nos écoles ont bien joué, se félicite Frédéric Fotiadu, le patron de Centrale Marseille, nous sommes partis très tôt, attirés par le tropisme technologique attaché à l'Asie. De ce fait, nous avons signé de nombreux accords de partenariats sur la base d'échanges, y compris avec Singapour. Un étudiant de Centrale ne déboursera pas un sou de plus qu'en France pour l'enseignement " (610 euros l'année). Dans le meilleur des cas, l'Amérique du Nord et la Grande-Bretagne n'ont, eux, accordé que des réductions des frais de scolarité.

Véronique Soulé


Le test HSK, un passeport pour étudier en chinois
Le test HSK est au chinois ce que le TOEFL est à l'anglais : un test linguistique devenu norme internationale pour évaluer le niveau en chinois des personnes dont ce n'est pas la langue maternelle. Seul test reconnu en Chine, le HSK comporte six niveaux à l'écrit et trois à l'oral. Pour intégrer une université dont les cours sont en chinois, les étudiants doivent valider un niveau 4 à l'écrit, qui correspond à 1 200 signes à connaître, et un niveau 1 (" débutant ") à l'oral. La plupart des centres de formation proposent des forfaits incluant la préparation et la présentation au HSK, pour 20 euros de l'heure en moyenne, selon le nombre de cours nécessaires. Pour les étudiants qui préfèrent potasser seuls, des annales sont disponibles gratuitement sur Internet et l'inscription à l'examen en candidat libre coûte 30 euros environ. Pour connaître les centres de préparation au HSK en France, se renseigner dans les lycées de sa région et s'y prendre à l'avance : les places sont limitées et les candidats nombreux. Un site utile, celui de l'Association française des professeurs de chinois : Afpc.asso.fr.


A chacun ses raisons de choisir l'Asie
Indécis, stratèges ou curieux de découvrir d'autres cultures, cinq étudiants racontent leur parcours et ce qui les a motivés
Partis par curiosité, par stratégie ou par opportunité, les étudiants qui ont eu l'heur de faire un bout de chemin en Asie ne l'ont pas regretté, et ont même souvent envie de se replonger dans ce continent. Rencontre avec cinq d'entre eux.


" Mon année à Canton a été inestimable " Tristan Mahé, 24 ans, est en stage à Lyon chez 7 Partners, cabinet de conseil en service financier, grâce à son expérience chinoise.

" Mon année à Canton a été une expérience inoubliable, inestimable. Mon parcours académique n'est pas spécialement brillant mais le fait d'avoir beaucoup bougé et évolué depuis mon DUT de gestion des entreprises et administrations apporte une valeur considérable à mon cursus. J'ai toujours saisi l'occasion de partir : Riga (trois mois de stage conventionné au niveau L2), Londres (L3 et DUETTI, extension internationale du DUT), puis Canton après un master 1 à l'Institut des administrations et des entreprises d'Aix-en-Provence, option International. Les expériences à l'étranger intéressent les recruteurs comme les jurys académiques. Grâce à six mois à l'école de commerce de la faculté Sunyatsen à Canton et à mon expérience de contrôle qualité dans des usines de Chine, j'ai décroché un stage très intéressant à Paris. Une fois mon master 2 validé, dès que l'occasion se présentera, je repartirai, en Afrique subsaharienne et en Asie. "

" En France, on n'est pas pris au sérieux " Vincent Trastour, 24 ans, est en année de césure à l'université de Séoul, après un master 1 à Epitech, école pour l'informatique et les nouvelles technologies à Nice. "

" Je voulais quitter l'Europe, découvrir de nouvelles choses, être dépaysé. J'avais adoré voyager en Chine, toujours en pleine effervescence. Je savais les Coréens hyper accueillants. L'université est en plein centre de Séoul, une mégalopole très sûre. Je me suis dit qu'il y aurait beaucoup d'opportunités, toujours quelque chose à faire et des gens nouveaux à rencontrer. En France, les adultes ne nous prennent pas au sérieux. Ici, les Coréens ayant du mal à estimer l'âge des Occidentaux, ils me prennent pour un trentenaire accompli, d'autant plus sérieux parce que français! J'ai pris un appartement pour ne pas rester qu'avec des Européens sur le campus. Je donne le coup de main dans un bar, je me débrouille en coréen, et les gens sont adorables. Malheureusement, je devrai rentrer au bout d'un an. Je reviendrais volontiers pour créer un business ou travailler comme expatrié. "

" En Inde, penser autrement que diplôme, CV, carrière et business "Angélique Floc'hlay, 24 ans, est diplômée de l'Ecole de management de Normandie (EMN) après un an en Inde; actuellement acheteuse-vendeuse marée chez Metro en Bretagne.

" Je suis partie en Inde dans le cadre d'une césure après un master 1. Les universités y sont excellentes, valorisent un CV et permettent l'accès à des stages intéressants. J'étais aussi attirée par la culture et la spiritualité toutes particulières qui permettent de penser autrement que diplôme, CV, carrière et business. Première et unique étudiante occidentale à la fac de management à Bangalore (Kristu Jayanti College), tout le monde était aux petits soins avec moi. Une fois mon semestre en management spécialisé en finance et marketing validé, j'ai effectué sur place un stage en hôtellerie : cinquante-six heures par semaine pendant quatre mois. Je serais bien restée mais je ne pouvais obtenir de double diplôme là-bas. Et puis les recruteurs réclament aussi une expérience en France. J'ai donc bouclé mon master 2, spécialisation gestion de la chaîne logistique à l'EMN du Havre. "

" Mon but est de revenir en France pour accéder à un poste supérieur " Morgan Ballevre, 24 ans, est diplômé de l'IESEG School of Management à Paris, chef de projet chez Crossknowledge à Londres, une entreprise spécialisée dans le e-learning.

" Là-bas, les recruteurs se basent sur qui on est vraiment, sur nos qualités, alors qu'en France, ils sont conditionnés par la réputation de notre école, par la hiérarchie et la pyramide des âges dans l'entreprise. Ayant passé mes années de lycée en Chine, j'ai eu envie d'aller à Taïwan pour progresser en chinois, mais je n'ai pas trouvé de stage assez long. Alors j'ai choisi de m'immerger un an au Chili, seul, pour maîtriser une autre langue couramment. Après un stage de fin d'études à New York, en attendant un visa de travail, voire une autre opportunité, je travaille à Londres. Mon but : revenir en France avec suffisamment d'expériences professionnelles et personnelles variées pour accéder à un poste supérieur à celui que j'aurais obtenu si j'avais suivi un cursus classique. Et avoir un train de vie confortable. "

" Etre une étrangère procure une grande liberté " Charlotte Demuijnck, 23 ans, est double diplômée en politique économique, chargée du développement commercial chez Jumia au Ghana, leader africain du commerce en ligne.

" J'ai étudié à Sciences Po Paris, à Berkeley (dans le cadre d'un programme d'échange en L3), obtenu un master 2 à la London School of Economics (double diplôme en politique économique avec spécialisation sur l'Europe), puis suivi cinq mois de stage à la Commission européenne. Si j'ai pour objectif de travailler dans une organisation internationale ou dans un pays en développement, ma première motivation est l'enrichissement personnel : en découvrant d'autres cultures, j'en apprends beaucoup sur moi, mes goûts, mes valeurs et à quel point je suis capable de m'adapter. Vivre et travailler ailleurs, c'est mieux se définir par rapport aux autres. Etre une étrangère procure un grand sentiment de liberté : ça permet de se différencier, de se montrer plus entreprenant et plus aventureux. "

Propos recueillis par Béatrice Leproux


Une année comme assistant de français à l'étranger
Rémunérés, les postes d'assistant de français à l'étranger permettent l'immersion dans la culture d'un des 60 pays accessibles grâce au dispositif
Lancé en 1905 entre la France, la Grande-Bretagne et la Prusse de l'époque, le programme d'assistant de français à l'étranger permet à des jeunes de 20 à 35 ans, étudiants l'année de leur inscription, de partir enseigner la langue française à l'étranger. L'occasion de passer une année scolaire rémunérée sous d'autres cieux, de peaufiner son niveau de langue et de découvrir une culture étrangère. Certaines universités valident l'année d'assistant en crédits universitaires.

Aujourd'hui, 60 pays partenaires, représentant 15 langues, constituent les destinations accessibles grâce au Centre international d'études pédagogiques (CIEP). En 2014-2015, la France a accueilli 4 447 assistants de langues étrangères, et 1 848 assistants français ont été envoyés à l'étranger. Vingt Français ont ainsi bénéficié du programme d'échange en Chine continentale et 43 Chinois ont enseigné en France. Quinze Français se sont rendus à Taïwan et inversement.

Inscrite en master I français langue étrangère à l'université d'Artois, Anne-Flore Vrac, 22 ans, a signé un contrat de dix mois avec l'université des langues étrangères de la province de Hebei, à Shijiazhuang, en Chine. Malgré son très bon niveau en mandarin, quelques surprises l'attendaient à son arrivée. " Je pensais assister un professeur, je me suis retrouvée toute seule devant 40 élèves ",se rappelle-t-elle. La plongée dans ce grand bain l'a d'abord déstabilisée. Aujourd'hui, elle en sourit, alors que sa charge s'est alourdie. " Je gère sept classes d'environ 40 élèves. Ils ont entre 18 et 22 ans. J'ai vingt-huit heures de cours par -semaine, c'est énorme. "

Pour beaucoup de ses élèves chinois, l'apprentissage du français est un atout sur le marché du travail, notamment s'ils s'expatrient en France ou en Afrique. Le format des cours, exclusivement oraux, est l'occasion, pour le professeur, comme pour les élèves, de vivre des expériences fortes : " Le système français de la Ve République passionne mes élèves, explique la jeune femme. Ils ne comprenaient pas le principe du vote. J'ai pris le rideau de la classe pour leur expliquer l'isoloir. " Son expérience professionnelle s'est avérée concluante : l'université d'accueil lui a proposé un poste pour l'année prochaine.

Eugénie Dumont, 23 ans, avait initialement postulé pour un pays anglophone mais s'est retrouvée en poste à l'Ecole des langues étrangères de Pékin. Passionnée de théâtre et débutante en mandarin, elle a monté une chorale et développé des projets culturels avec ses élèves. " Impossible de refuser l'opportunité de vivre en Chine ", estime l'apprentie, dont l'intégration au corps enseignant n'a pas été sans difficultés. " Un secret pour se faire accepter? Quelques cours de kung-fu proposés aux nouveaux arrivants par l'école. C'est très bien vu d'y participer! "

Se destiner à une carrière dans l'éducation n'est pas indispensable pour postuler, et enseigner est aussi l'occasion de mûrir un autre projet professionnel. Delphine Cayrel, responsable du programme au CIEP, l'assure : " De plus en plus d'étudiants intègrent notre programme pour apprendre à encadrer une équipe, gagner en autonomie ou tout simplement pour faire une pause dans leurs études. "

Maxime François


Le choix d'un ailleurs...
à Djakarta, Phnom Penh ou Shanghaï, ils ont décroché leur premier poste. Témoignages.

" L'Indonésie offrira bientôt beaucoup d'opportunités "

A 27 ans, Mathilde Savatier est responsable du développement stratégique chez Sanofi Pasteur, la division vaccin du groupe Sanofi à Djakarta, en Indonésie. " Une fois mon bachelor obtenu à l'Ecole supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec) de Cergy, j'ai intégré en septembre 2011 le mastère spécialisé Strategy and Management of International Business proposé par l'école au sein de son campus de Singapour, ouvert en 2006. L'enseignement était tourné vers les marchés asiatiques : Thaïlande, Chine, Inde, notamment. Cela m'a donné envie de comprendre ces pays émergents et d'y travailler. Après une année 2013 en volontariat international en entreprise (VIE) pour Sanofi, en Inde, on m'a proposé de rejoindre le bureau de Djakarta en Indonésie. Ça tombait bien, j'aime les endroits où personne ne va! Mon travail, passionnant, consiste à rendre nos vaccins accessibles au plus grand nombre. L'Indonésie va bientôt offrir beaucoup d'opportunités, c'est une grande puissance en devenir, dont la classe moyenne va exploser. Ses 250 millions d'habitants vivent aux trois quarts à Java ou à Sumatra, mais le quart restant réside dans les 17 000 îles de l'archipel. C'est captivant d'étudier un marché aussi complexe. "

" Le Cambodge permet de développer des concepts nouveaux "

A 26 ans, Paul Simbsler, diplômé de l'Institut supérieur de gestion (ISG) de Paris, a fondé des sociétés en Chine puis au Cambodge. " A l'issue de mon semestre à la Tongji University de Shanghaï, en juin 2012, emballé par le potentiel du marché chinois et du Sud-Est asiatique, j'ai voulu rester. Avec le fonds d'investissement Rockson Development, qui m'a embauché, j'ai commencé par importer en France des figurines en résine fabriquées en Chine. J'ai convaincu l'ISG de me laisser y effectuer ma dernière année, que j'ai majorée à distance. Fin 2012, avec deux camarades de l'école, nous avons lancé Mealtemple.com, première plate-forme de livraison à domicile au Cambodge. Aujourd'hui, on emploie 20 personnes à Phnom Penh et on livre plus de 140 restaurants. Nous avons réalisé qu'il était temps de miser sur Internet dans ce pays de plus en plus connecté. On a fait produire de la fibre optique en Chine pour la vendre à des opérateurs au Cambodge par le biais de notre société Sim & Ros. Nous avons également monté un site d'enchères inversées. Au Cambodge, on peut facilement développer des concepts nouveaux et bénéficier d'un statut de quasi-monopole. "

" Je suis arrivée en Chine au bon moment "

Louise Battus, 26 ans, est chef de publicité pour l'agence française de communication digitale Fred & Farid Shanghai. " Passionnée par la Chine, après une licence de chinois à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco, Paris), j'ai décidé d'intégrer le double cursus communication et médias délivré par Sciences Po Paris et la Fudan University de Shanghaï, où j'ai passé l'année universitaire 2012-2013. Je savais dès le départ que je voulais travailler en Chine, dans la communication. J'ai effectué un stage chez Fred & Farid Shanghai au cours de mon deuxième semestre, au moment où l'agence y installait son antenne chinoise. En tant que Française maîtrisant la langue et les codes locaux, j'avais le bon profil et je suis arrivée au bon moment! L'agence est en pleine expansion : nous étions 25 salariés lorsque j'ai débuté et nous sommes 130 aujourd'hui. "

" Je sentais venir la crise, il était temps d'aller voir ailleurs "

Vadim Vlontakis, 28 ans, est superviseur dans un centre d'appel à Sydney (Australie)." J'avais l'impression d'être coincé dans mes études avec mon master en administration économique et sociale obtenu à Paris-I. Ma priorité était de parfaire mon anglais. Je trouvais la Grande-Bretagne trop courue, le Canada trop froid et la Nouvelle-Zélande trop petite. La réputation de l'université de Sydney et la totale liberté du choix de mon cursus m'ont décidé. J'y ai obtenu deux masters (International Business of Law et relations internationales) - le premier financé par mes parents, le second par moi-même - tout en travaillant et en voyageant un peu partout dès que j'en avais l'occasion. Mon objectif : obtenir la résidence ou la citoyenneté australienne, puis partir en Asie. "

Propos recueillis par Françoise Marmouyet et Béatrice Leproux


La tendance chinoise au repli sur soi
Privilégiant leurs ressortissants, la Chine et Singapour, entre autres, se ferment peu à peu aux étudiants français qui voudraient y réaliser un stage ou obtenir un diplôme
Devant l'insolent dynamisme des grands pays émergents, les diplômés français en Asie ont pu, pendant longtemps, rêver de faire leurs premières armes sur place. Mais ils ont déchanté. La croissance à deux chiffres s'est ralentie. Elle n'est plus qu'à un chiffre et les pays du continent, anticipant des problèmes sociaux, donnent désormais la priorité à leurs ressortissants. Les diplômés français en Asie, s'ils ne restent pas travailler dans la région, sont toutefois considérés parmi ceux qui s'expatrient le plus facilement dans le monde.

" Il est aujourd'hui très difficile de faire un stage en Chine, regrette Bruno Heraud, directeur du recrutement international de l'Essec, également membre de la commission Relations internationales de la Conférence des grandes écoles (CGE). Souvent, il faut avoir suivi un cursus chinois, ce qui est très rare. Voilà un an que nous avons soulevé le problème, et des négociations sont en cours. La Chine mais aussi Singapour se ferment. " L'une des raisons est que les Chinois ont bâti de nombreuses et immenses universités où vont se former de plus en plus de jeunes. L'offre étant limitée, ils réservent en priorité les stages à leurs propres étudiants et diplômés. La cité-Etat de Singapour, nouveau " hub " de l'enseignement supérieur français, a dû, quant à elle, faire face à des tensions sur son marché du travail.

Mais pour des stages ou un premier emploi, les étudiants français en Asie prospectent surtout du côté des firmes internationales installées dans le pays, où l'on parle l'anglais, plus accessible que le mandarin ou le japonais. Or là aussi, la situation s'est assombrie. La grande époque de l'expatriation, où l'on indemnisait très généreusement les salariés quittant leur pays, est révolue. Les grandes entreprises sont devenues économes. Elles n'envoient plus que quelques expatriés sur place et recrutent désormais massivement sous statut local, à des conditions nettement moins -attractives.

Une autre évolution est à l'oeuvre. Les jeunes Chinois sont de plus en plus nombreux à partir se former à l'étranger - à l'Essec par exemple, ils sont en passe de constituer la première communauté étudiante étrangère, devant les Marocains, traditionnellement les plus nombreux. Lorsqu'ils reviennent, bilingues, avec une ouverture sur la -culture et la mentalité occidentales, ils sont souvent recherchés par les multinationales.

Face à eux, les plus aptes à tirer leur épingle du jeu sont les étudiants français d'origine asiatique qui maîtrisent une langue comme le mandarin. Souvent ils choisissent d'étudier dans la région pour retisser des liens ou retrouver une histoire étouffée dans leurs -familles.

Des écoles leur offrent des parcours spécifiques. L'IPAG Business School, par exemple, a ouvert à la rentrée 2014 une option Chine dans son programme grande école pour des étudiants ayant fait chinois en première langue, avec des cours centrés sur le marché chinois, ainsi qu'une option Brésil et une autre Russie.

" Au début, les élèves ingénieurs partaient car ils étaient attirés par l'avance technologique de ces pays et leur culture de l'ingénierie, puis parmi les motivations, il y a eu une attirance culturelle et l'envie de découvrir une sorte de Far East ", explique -Frédéric Fotiadu, directeur de Centrale Marseille.

Les observateurs en sont convaincus : les étudiants qui choisissent l'Asie ont un profil particulier. Ils sont plus aventuriers et plus curieux que leurs camarades qui préfèrent le cocon européen ou même les Etats-Unis, plus autonomes et plus mûrs. " Souvent, ils reviennent changés, bousculés par ce qu'ils ont vu pendant deux ans ",souligne Bruno Heraud. Plus adaptables et prêts à changer encore de vie, ils recherchent plus volontiers une expatriation pour débuter. L'Asie fonctionne alors pour eux comme une porte d'entrée sur le monde.

Véronique Soulé


En ingénierie et en gestion, 40 % des étudiants sortent de prépas
Sur dix diplômés de grandes écoles d'ingénieurs ou de management, quatre viennent des classes préparatoires, deux de l'université, deux d'autres voies parallèles (IUT et BTS notamment) et deux l'ont intégrée après le bac (pour les écoles en cinq ans).

Voici ce que montre, à grands traits, la deuxième enquête Les Voies d'accès aux grandes écoles de la CGE (Conférence des grands écoles). Intitulée " Diversité et origine des profils ", cette édition 2014 (à paraître) - qui compile les réponses effectuées par les grandes écoles sur leurs élèves de la rentrée 2013 - révèle que la proportion des élèves passés par des classes préparatoires, 38,5 % exactement, est " au minimum stable " depuis la précédente enquête (sur la rentrée 2010, publiée en 2012), souligne Francis Jouanjean, délégué général de la CGE. Les résultats montrent que 21,5 % des élèves de grandes écoles y sont rentrés après le bac dans un cursus en cinq ans et 40 % pour les filières parallèles.

Néanmoins, les deux enquêtes ne sont pas totalement comparables, puisque davantage d'écoles ont répondu à la dernière enquête : le taux de réponse s'est élevé à 57,1 % dans l'enquête 2014 (soit 121 écoles et plus de 118 000 étudiants) contre seulement 43 % pour la première enquête de 2010. De plus, certaines classes préparatoires intégrées - celles du réseau d'écoles de chimie Gay-Lussac - ont été comptées dans cette catégorie.

Pour M. Jouanjean, ces résultats démontrent que les classes prépa résistent. " Près de 40 % des effectifs, cela représente un vrai socle ", souligne-t-il. Et d'une certaine manière, c'est assez logique, car pour intégrer les plus prestigieuses écoles en trois ans, ce cursus reste la voie royale. " Quand vous rentrez en classe prépa, vous avez 90 chances sur 100 d'arriver en cinq ans au grade master. Et le taux d'emploi à la sortie de nos écoles d'ingénieurs ou de management est de plus de 80 % à six mois. En fac, 36 % arrivent en licence sans redoubler et à peine la moitié en quatre à cinq ans. "

PasserellesPour autant, la part des étudiants issus de l'université et de formations techniques supérieures reste très significative. Plus de la moitié des admis en troisième année viennent de filières techniques supérieures, la moitié des entrées en quatrième année proviennent de l'université. L'étude fait aussi apparaître une montée des étudiants issus des prépas dites ATS (adaptation technicien supérieur) : 14,5 % des entrées dans les écoles en cinq ans par exemple.

Les très grandes écoles sont cependant elles aussi demandeuses d'une plus grande diversité de leurs recrutements. Le réseau des écoles Centrale ou Polytechnique intègre de plus en plus d'étudiants grâce à ces passerelles.

La démarche est encore plus avancée à l'Ecole normale supérieure (ENS) d'Ulm, dont les résultats n'apparaissent pas dans cette enquête. Depuis 2008, elle recrute aussi des " étudiants normaliens " sélectionnés sur leur dossier et au cours d'un entretien par les différents départements de l'école.

Devant afficher un très haut niveau dans au moins une discipline, ils proviennent essentiellement de l'université - et pour une part moindre des classes préparatoires ou d'établissements étrangers. Ainsi 120 étudiants (pour 220 élèves recrutés sur concours) sont ainsi admis; ils proviennent essentiellement de l'université selon la direction de l'école.

Seule différence : les élèves reçus à l'issue du concours sont rémunérés pendant leur cursus et doivent dix ans de service à l'Etat, contrairement aux étudiants. Pour l'établissement, c'est aussi une bonne manière de diversifier le profil social de ses élèves. " La proportion de boursiers parmi ces étudiants sélectionnés sur dossier et entretien est de 30 %, alors que celle des élèves recrutés sur concours est de 18 % ", souligne Marc Mézard, directeur de l'ENS. Si les classes préparatoires restent une voie incontournable, diversifier les chemins menant aux grandes écoles demeure également une priorité de ces établissements.

Adrien de Tricornot


66 %
C'est le pourcentage d'étudiants entrés en première année d'institut universitaire de technologie (IUT) qui étaient titulaires d'un baccalauréat général (40 % pour la série scientifique, 24 % pour la série économique et sociale et 2 % pour la série littéraire) pour l'année 2013-2014, selon le ministère de l'éducation nationale. Les IUT, créés en 1965, avaient été conçus à l'origine pour les bacheliers technologiques. Ceux-ci ne représentent aujourd'hui que 29 % des élèves. Les autres (5 %) viennent pour moitié de la voie professionnelle du lycée.


Les IUT, l'autre voie d'accès vers les grandes écoles
Un tiers des diplômés intègrent une école sélective après leur DUT
C'est " la grande bataille ", reconnaît Sophie Lengrand-Jacoulet, directrice de l'institut universitaire de technologie d'Aix-Marseille : les IUT sont-ils en passe de devenir des classes prépa? Ou, pour le dire autrement : un bachelier souhaitant intégrer une grande école doit-il opter pour un IUT, plutôt qu'une classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE)?

Les 113 IUT de France présentent des similitudes avec les CPGE. Et leur succès ne se dément pas. Chaque année, cette voie séduit de plus en plus de bacheliers. Selon les derniers chiffres disponibles, sur l'année 2013-2014, les inscrits en première année ont augmenté de 3 %. Et parmi eux, les deux tiers sont des bacheliers issus de la voie générale.

C'est que les IUT proposent un cursus sélectif, comme les prépas. " La sélection garantit la réussite aux élèves, souligne Sylvie Bonnet, présidente de l'Union des professeurs de spéciales (UPS), en ce sens qu'elle permet de s'assurer de l'adéquation entre le profil des élèves et la difficulté du cursus. " Un argument décisif pour les bacheliers généraux.

Compétences différentes
Le déroulement des études présente, dans les deux cas, des ressemblances. Pendant deux ans, c'est une logique de classe, ou de promotion, qui prévaut. Dans un environnement très encadré, les élèves travaillent beaucoup. Et, à l'issue de cette formation courte que demeurent pourtant les IUT, neuf diplômés sur dix poursuivent leur formation initiale.

" Parmi nos diplômés, un tiers fait une année supplémentaire en licence professionnelle, indique Guillaume Bordry, directeur de l'IUT Paris-Descartes et président de l'Association des directeurs d'IUT (Adiut). Cela signifie que 60 % font des études longues. Mais la poursuite d'études fait bien partie de nos missions depuis 2005. "

Un tiers des diplômés se dirigent vers les grandes écoles. C'est loin d'être négligeable. " Certains estiment que nous sommes devenus des prépas universitaires, une voie de contournement des CPGE, relève Mme Lengrand-Jacoulet. Certes, il ne faut pas trop compter sur les cinq premières écoles de commerce, mais nous les plaçons très bien dans les grandes écoles d'ingénieurs. "

" La voie privilégiée demeure cependant la classe préparatoire, nuance Philippe Jamet, président de la Conférence des grandes écoles (CGE). C'est le cas de 40 % de nos élèves. Ils y ont acquis des compétences qu'on ne retrouve pas ailleurs. Il est vrai que beaucoup de diplômés d'IUT poursuivent en école, mais ils le font souvent dans des cursus plus appliqués, spécialisés, et en général en apprentissage. " Selon la dernière étude réalisée par la CGE, 8,5 % des élèves de grandes écoles sont passés par un IUT avant d'y entrer. Mais ils sont 23 % parmi ceux qui entrent en troisième année des écoles en cinq ans.

La cohabitation d'élèves issus de prépas et d'élèves d'IUT est une richesse pour les écoles. " Ceux qui viennent d'IUT ont une approche plus pragmatique des choses, estime Guillaume Bordry. S'il se produit un problème sur une chaîne de production, l'ingénieur passé par la prépa aura le réflexe immédiat de résoudre mathématiquement la difficulté. Le titulaire d'un DUT aura plutôt tendance à y aller avec les mains! Il bidouille, il tripatouille... C'est une autre approche. "

Question de personnalité? Pas sûr, prévient Sylvie Bonnet. " Il n'y a pas forcément de différences au départ, explique l'enseignante de classe préparatoire, mais la formation dispensée en CPGE les amène à la conceptualisation. "

En IUT, au contraire, la formation est très différente, et bien plus tournée vers la pratique. Les enseignements délivrés dans les instituts universitaires sont professionnalisants, notamment à travers des projets tutorés réalisés en travaux pratiques. Une part non négligeable d'entre eux sont d'ailleurs assurés par des professionnels. Par ailleurs, " ils font trois mois de stages sur deux ans, rappelle M. Bordry. Bref, une grande part de nos étudiants n'ont rien à faire en prépa. " Sociologiquement, ce ne sont d'ailleurs pas les mêmes, les élèves de prépas étant largement issus des milieux les plus favorisés.

Logique d'examen
Globalement, l'état d'esprit est également très différent. Alors que les CPGE sont tendues vers la préparation des concours, " en IUT, la sélection s'effectue en amont, indique M. Bordry. Une fois à l'intérieur, il n'y a pas d'esprit de compétition, de classements, de galops d'essai... Nous ne sommes pas dans une logique de concours, mais d'examen, et cela fait toute la différence ".

Il n'existe donc pas de rivalité entre IUT et prépas. En revanche, l'ambiguïté du positionnement des instituts universitaires de technologie en dit long sur le climat concurrentiel qui prévaut dans l'enseignement supérieur. Entre les universités et les grandes écoles, bien sûr. " Je mène un combat pour inciter nos diplômés à poursuivre à l'université plutôt qu'en école, assure Mme Lengrand-Jacoulet. Les premières facturent leurs formations à 200 euros quand les droits sont à plus de 8 000 euros en école. "

La compétition existe également sur le bachelor, ces formations post-bac en trois ans que les écoles développent beaucoup ces dernières années. " Ce sont ces filières qui nous font du mal, poursuit Mme Lengrand-Jacoulet, et nous sommes le rempart des universités contre l'expansion des bachelors. C'est un vrai défi. "

Guillaume Bordry évoque, lui, " la concurrence des prépas intégrées " que peuvent proposer certaines écoles, " privées souvent, hors APB, des écoles qui ne sont d'ailleurs pas toujours très bonnes. Ce sont des établissements qui visent les familles qui n'ont pas une très bonne connaissance de l'enseignement supérieur. On récupère leurs enfants un an plus tard ".

Bref, comme souvent, le foisonnement des filières rend le choix d'orientation souvent difficile. Mais les tentatives de simplification ne sont pas toujours les bienvenues. Puisque beaucoup de diplômés d'IUT poursuivent leurs études, pourquoi ne pas réorganiser la filière autour des trois universités de technologie existantes? " Nous avons essayé il y a dix ans, raconte Mme Lengrand-Jacoulet. Mais cela n'a pas marché. Tout le monde résistait : le ministère, les universités et le patronat... "

Benoît Floc'h

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