jeudi 3 janvier 2008

Les Chinois, nouveaux seigneursdu marché boursier - Denis Cosnard

Les Echos, no. 20079 - Industrie, mercredi, 2 janvier 2008, p. 15

En un an, le classement mondial des poids lourds de la Bourse a été profondément chamboulé. Et désormais 6 entreprises chinoises figurent parmi les 20 premières capitalisations. Dont PetroChina, qui a détrôné le groupe pétrolier américain ExxonMobil.

Le roi a perdu sa couronne. ExxonMobil a beau avoir vu son cours bondir de plus de 170 % en cinq ans, dont une solide progression de 24 % en 2007, le leader américain du pétrole a terminé l'année lundi à la deuxième place mondiale des capitalisations boursières. Le groupe texan, qui dominait de longue date le classement, avait été brusquement dépassé début novembre par son concurrent chinois PetroChina. Depuis, l'écart de valorisation entre les deux industriels s'est resserré, mais ExxonMobil n'a pas pu retrouver son rang. Une destitution symbolique d'une année durant laquelle le palmarès des poids lourds de la cote a été profondément chamboulé.

L'« affaire » PetroChina a été spectaculaire. Le jour de sa première cotation à Shanghai, le cours de cette entreprise publique longtemps méconnue s'est envolé, pour en faire soudain le premier groupe mondial en termes de capitalisation boursière. Loin devant tous les autres. Sur le marché, la société a valu pendant quelques temps plus qu'ExxonMobil et General Electric réunis ! Officiellement toujours communiste, la Chine battait ainsi sur son propre terrain le plus capitaliste des pays de la planète, les Etats-Unis.

Mais PetroChina n'est pas le seul pion avancé par Pékin. Il y a encore deux ans, le club des 10 premiers groupes internationaux en termes de capitalisation boursière ne comptait qu'un seul membre extérieur au monde anglo-saxon, Gazprom. Aujourd'hui, les nouveaux venus sont là en force : outre le gazier russe, 4 sociétés chinoises (les pétroliers PetroChina et Sinopec, l'opérateur téléphonique China Mobile et la banque ICBC) figurent parmi les 10 champions mondiaux. Si on élargit l'analyse aux 20 leaders, on compte 6 chinois, 8 américains, 2 britanniques, 1 russe, 1 brésilien et... 2 français, EDF et Total, qui pointent respectivement à la 15e et à la 20e places.

Intense spéculation

En quelques mois, les cartes ont été totalement rebattues. D'un côté, donc, une série d'acteurs chinois sont montés en puissance, avec des cours de Bourse qui ont parfois doublé en un an, comme pour China Mobile. De l'autre, plusieurs gloires des pays industrialisés ont perdu du terrain. A l'image de Citigroup, tombé en un an du 4e au 49e rang mondial, ou encore de Bank of America et de Toyota, qui ont tous les deux dû quitter le Top 10 et naviguent à présent autour de la 25e place.

L'explication ? Tandis que certains sont victimes de la crise du « subprime » et du ralentissement attendu de l'économie américaine, les pays émergents poursuivent, eux, leur formidable essor, Chine en tête. Il profite en premier lieu aux entreprises de ces pays. Le chamboulement du hit-parade boursier reflète aussi la flambée du pétrole : ce n'est pas un hasard si 7 producteurs d'hydrocarbures trônent à présent parmi les 12 plus importantes capitalisations de la planète. Mais l'envolée des capitalisations chinoises résulte également d'une grande spéculation, accentuée par un effet de rareté. Le cas de PetroChina est parlant. Seule une petite fraction du capital de ce groupe public se négocie en Bourse, l'Etat conservant 86 % des titres. La part proposée depuis peu en monnaie chinoise aux investisseurs de Chine continentale est encore plus limitée : 2,2 %. Si bien que la valorisation boursière de PetroChina paraît à certains assez déconnectée de ses performances réelles. Fondamentalement, le leader chinois peut-il valoir 40 % de plus que son grand rival américain, alors que ce dernier dégage des profits bien plus élevés ? Les analystes mettent en garde contre une possible chute des valeurs chinoises, dont PetroChina pourrait être l'une des victimes.

DENIS COSNARD

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PHOTO : Sixty4