L'Histoire ne se répète pas, mais elle s'approfondit. Et ce qui se joue en Birmanie aujourd'hui pourrait être la suite, à sa façon, de ce qui s'est joué à la fin des années 1980 en Europe de l'Est et des années 1990 en Amérique latine : la fin de toutes les dictatures, le début de la démocratie. L'exemple polonais nous a appris qu'une économie de marché ne peut pas rester durablement une dictature.
L'exemple péruvien démontre qu'une démocratie ne peut être durablement une mascarade. Le marché a besoin de la liberté de mouvement et de pensée, que seule rend possible la démocratie ; et la démocratie elle-même crée les conditions de son propre progrès. Aujourd'hui, l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Asie restent éloignés de la démocratie. En Afrique, les démocraties pointent et menacent de rompre les nations en mille morceaux. Au Moyen-Orient, la tentative américaine d'installer la démocratie par la force en retarde sans doute l'avènement. En Asie, la dictature est partout autour de la Birmanie : au Vietnam, en Thaïlande, en Malaisie, au Laos, au Cambodge et naturellement en Chine. Or, ces pays, acteurs majeurs de l'économie de marché, deviendront donc, bientôt, des démocraties. Cela prendra du temps. Cela coûtera des larmes. Des généraux, soucieux de maintenir leurs parts des marchés publics et de l'économie criminelle s'y opposeront. Des régimes voisins, inquiets de la contagion, feront tout pour l'éviter. Ils n'y parviendront pas. Et qu'on ne cite pas Tiananmen en contre-exemple : depuis ce jour tragique de juin 1989, la Chine avance, à marche forcée, vers une démocratie qui n'ose pas dire son nom, mais qui est déjà réelle au niveau local, où les dirigeants des communes ne sont plus nommés par le parti, mais des citoyens élus pour leurs qualités propres. Cette évolution aura des conséquences vertigineuses. Certains de ces pays, aux frontières artificielles, se scinderont comme l'ont fait l'Union soviétique et la Yougoslavie. La Chine, un jour, comme l'Inde, sera menacée de ce destin. Ces nations deviendront des contrées d'émigration, comme le sont celles d'Europe de l'Est : on verra des masses immenses bouger de l'Est asiatique vers la Russie puis l'Europe, de l'Est et de l'Ouest. A cet immense dégel, nous devons nous préparer : c'est à nous, désormais, d'avoir le courage de ne pas avoir peur.
© 2007 L'Express. Tous droits réservés.
VOIR AUSSI LE CLASH EN VIDÉO - JACQUES ATTALI QUITTE LE PLATEAU DE LAURENT RUQUIER
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire