Le réchauffement scellé hier à Tokyo est une aubaine pour la direction chinoise, plutôt chahutée dans sa politique étrangère entre la crise tibétaine et la proximité des JO. Mais il ne s'agit pas uniquement de relations publiques. Dans une région du monde où les rancoeurs ancestrales pèsent toujours faute de sécurité collective, Hu Jintao et Yasuo Fukuda ont fait hier un oubli assez révélateur : officiellement et pour la première fois depuis le rétablissement des relations en 1972, ils n'ont pas parlé du passif de la Seconde Guerre mondiale. Le président chinois a négligé le souvenir brûlant laissé par l'armée impériale de 1931 à 1945. Il a ignoré les tirades pékinoises contre le « militarisme » et le « nationalisme » qui menaceraient dans l'archipel. Il paraît ne plus se souvenir des manifestations antijaponaises du printemps 2005, orchestrées par son propre parti. Hier, Hu a assuré que le Japon est « un État pacifique » et que la Chine souhaite lui voir jouer « un rôle accru ». Yasuo Fukuda n'en croyait pas ses oreilles.
L'économie montre la voie
Derrière cette façade harmonieuse, les décisions prises confirment au moins le retour au bon voisinage. La dernière visite d'un président chinois remontait à 1998. Elle s'était achevée dans les récriminations, en présence de l'empereur Akihito lui-même. Hier, Hu et Fukuda sont convenus de se revoir tous les ans. La déclaration conjointe prévoit le « renforcement des échanges de haut niveau » en matière de sécurité. Les deux pays, ajoute le texte, « sont des partenaires et ne constitueront plus une menace l'un pour l'autre ».
Le Japon et la Chine « ont une importante responsabilité pour la paix en Asie », assurait hier le n° 1 chinois, et c'est l'économie qui montre la voie. Complémentaires plutôt que concurrents, les deux pays sont les leaders en Asie. Par le poids du PNB, le Japon devance confortablement son voisin continental. Mais avant la fin de l'année, la Chine sera devenue le n° 3 mondial, devant l'Allemagne et juste derrière l'archipel. Entre les deux géants, la coopération renforcée annoncée hier pour les hautes technologies, l'investissement ou la sécurité alimentaire pourrait avoir des répercussions bien au-delà de l'Asie. C'est pour l'environnement et la lutte contre le réchauffement climatique qu'elle s'annonce la plus prometteuse. La Chine est le premier pollueur de la planète. Le Japon est un champion du contrôle des gaz à effet de serre.
Une carte commune à jouer
Hu Jintao, blessé par les critiques sur la répression au Tibet, et Yasuo Fukuda, diminué par les sondages japonais, avaient hier une carte commune à jouer. « Nos relations connaissent un nouveau départ », disait hier le président chinois. Les conditions semblent réunies, mais l'avancée avare de résultats pratiques. Hu s'est gardé de soutenir explicitement l'ambition diplomatique première du Japon : l'entrée dans le club fermé des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU. Les deux pays ne sont pas parvenus non plus à régler le contentieux frontalier qui les oppose en mer de Chine orientale, sur fond de compétition pour le gaz naturel.
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Le président chinois, Hu Jintao, et le premier ministre japonais, Yasuo Fukuda, ont signé, hier à Tokyo, un texte qui stipule que les deux pays « ne constitueront plus une menace l'un pour l'autre ».
Kimura/Reuters
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