La Chine s'était engagée, lors de son entrée dans l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2001, à accorder au bout de cinq ans, c'est-à-dire à partir du 11 décembre, une égalité de traitement entre établissements de crédit chinois et étrangers.
Depuis cinq ans, les banques étrangères ont occupé le terrain en vue de cette nouvelle phase d'expansion : les quelque 70 établissements présents ont créé près de 200 succursales dans des villes désignées pour les accueillir, et peuvent offrir leurs services en devises à des particuliers chinois, et en yuans, ou en devises, à des entreprises, selon certaines conditions. Leur présence en Chine, en termes de chiffre d'affaires et de nombre de succursales, ne représente toutefois qu'une fraction de celle des banques chinoises : ainsi, à elles seules, les quatre grandes banques d'Etat chinoises comptent 70 000 succursales dans le pays.
L'ouverture totale du marché bancaire promise par Pékin en 2001 doit s'effectuer en termes de territorialité, de clientèle et de devises : bon élève, la Chine s'est donc exécutée. « On peut dire que formellement, la Chine ouvre bien son marché. Mais le diable est dans les détails. En l'occurrence, dans les normes prudentielles. Quelque part, c'est un marché de dupes », résume un expert du secteur bancaire chinois.
Plusieurs de ces normes apparaissent d'entrée de jeu comme contraignantes, et surtout, coûteuses : ainsi, pour prétendre accéder aux épargnants chinois, les établissements bancaires étrangers devront se filialiser, c'est-à-dire adosser leurs opérations, non pas au capital mondial du groupe comme c'est le cas dans la plupart des pays, mais au capital disponible en Chine. Celui-ci devra être d'un minimum de 1 milliard de yuan (100 millions d'euros) pour le quartier général chinois, et de 100 millions de yuans (10 millions d'euros) pour chacune des succursales.
« Cela fait des mois que l'on discute de ces règles, elles ne sont pas tombées du ciel et les banques étrangères ont été en partie consultées, l'élément nouveau étant la filialisation », explique Jean-Michel Piveteau, qui conseille BNP Paribas en Chine. Pour le législateur chinois, il s'agit, selon la presse locale, de protéger les déposants chinois en cas de crise bancaire à l'étranger, ou de faillite d'un établissement dans son propre pays - l'intérêt des « nationaux » passant souvent avant celui des clients à l'étranger.
Quant à l'accès tant convoité aux détenteurs de yuans, la barre a été placée... très haut : les particuliers ne pourront ouvrir un compte dans une banque étrangère qu'à condition d'y déposer un minimum de 1 million de yuans (100 000 euros).
Une autre norme exige, pour une banque étrangère, de ne pas prêter au-delà de 25 % de ses fonds propres - et en corollaire, de ne pas être exposé auprès du même client à plus de 10 % de son capital, une barrière pour les prêts aux très grandes entreprises.
Pour les candidats à la banque de détail en yuans, la frustration vient du fait que de lourds investissements seront nécessaires pour accéder au marché chinois - alors que les banques étrangères auraient espéré pouvoir déroger à ces règles grâce à la taille de leur bilan mondial, et à leur expertise et leur savoir-faire en matière de gestion des risques.
« Certes, il y a un coût, dont la prise en compte dépendra des stratégies respectives de chaque banque. Mais ce ne sont pas non plus des montants monstrueux. Les gros établissements vont suivre, les autres attendront de voir. Il faut du temps pour assimiler des réglementations nouvelles », précise encore M. Piveteau.
Plusieurs très grands groupes ont déjà exprimé leur intention de filialiser leurs opérations locales : c'est le cas des banques Hang Seng, Bank of East Asia, Standard & Chartered, HSBC et Citigroup, qui sont parmi les plus présentes en Chine. Même si elles ne s'en vantent pas publiquement, les banques étrangères savent aussi que leur pouvoir de négociation vis-à-vis du gouvernement chinois augmente avec leur degré d'implication en Chine.
L'ouverture du système bancaire chinois répond d'abord à un objectif : mettre aux normes internationales les banques locales, en important du savoir-faire étranger et en stimulant la concurrence. Les règles annoncées jeudi semblent impliquer une « taille critique » avant que les coûteuses opérations en yuans deviennent rentables. D'où l'intérêt pour les banques étrangères de se positionner dans le capital des banques locales : « A y regarder de plus près, on a l'impression que tout est fait pour favoriser un modèle économique qui est celui d'être partenaire d'une banque chinoise », résume l'expert du secteur chinois préalablement cité.
Illustration(s) :
Pessin - "Tu crois qu'ils nous laisseront modifier le hall d'entrée ?"
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