" A l'origine, on s'était organisé pour aider un écolier pauvre du Yunnan atteint d'un cancer à payer son opération. Depuis le tremblement de terre, on donne la moitié aux gens du Sichuan ", dit Molly Zhang, une jeune institutrice de 25 ans impliquée dans cette action, qui visite campus après campus à Shanghaï. " Cette fois, on sent que tout le monde en Chine est touché. Je trouve vraiment que les Chinois n'ont jamais été aussi unis ", dit-elle.
Originaire de Chengdu, elle est très sensibilisée sur le sort des victimes. Elle a donné 1 000 yuans au travers de son école (100 euros), s'est inscrite sur les listes pour les dons de sang. En février, elle avait donné 300 yuans pour les sinistrés de la vague de froid, et aurait aimé partir enseigner comme bénévole dans les campagnes pauvres, mais seuls les garçons sont acceptés.
" BESOIN D'IDÉALISME "
" Chez la jeune génération qu'on dit consumériste, il est aussi très cool d'être bénévole (...). Il y a un besoin d'idéalisme chez les jeunes Chinois et comme ils ne peuvent absolument pas diriger leur énergie contre le gouvernement ou dans la politique, ils s'engouffrent dans le moindre espace d'intervention qui s'ouvre devant eux. C'est aussi la première fois qu'autant de souffrance humaine est représentée en direct à la télévision ", témoigne un professeur de l'unité cinéma et documentaire de l'université de Shanghaï.
Que le désastre ait eu lieu l'année des Jeux olympiques, et dans le sillage des événements du Tibet, a également galvanisé le sentiment nationaliste. De plus, la vague de solidarité concerne toutes les couches de la population et il est difficile d'échapper à l'ardente obligation du don.
Dans les entreprises ou administrations, les employés doivent souvent inscrire leur nom au côté des sommes déboursées. Quand bien même les services municipaux auraient manqué de rappeler à l'ordre une société oublieuse de son devoir (c'est arrivé à au moins une organisation étrangère à Shanghaï), la vigilance des internautes fait le reste. Des blogueurs dressent le classement des grandes entreprises contributrices, et les commentaires fusent quand un groupe puissant apparaît comme peu généreux.
Les géants du commerce électronique ou des télécoms ont mis en place des mécanismes pour faciliter les donations gérées par le gouvernement ou la Croix-Rouge chinoise.
Les ONG chinoises, traditionnellement très contrôlées, étendent leur champ d'action. " Beaucoup de portes se sont ouvertes dans l'administration. On a en face des nous des gens qui se démènent pour nous obtenir un avion. C'est du jamais-vu ", se félicite Hao Liqiong, coordinatrice de Tuofeng. L'ONG n'a néanmoins pas le droit de recevoir d'argent liquide.
Les humanitaires chinois restent pourtant sous surveillance. Niubo Wang, une ONG de Pékin, présente à Chengdu, a vu ses comptes en banque gelés et ses représentants interrogés. La police entendait, par ce biais, rappeler à l'ensemble des organisations qu'elles devaient rendre des comptes à l'administration sur leurs activités.
Brice Pedroletti
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