lundi 26 mai 2008

Wahaha : Danone et le milliardaire Zong Qinghou négocient leur divorce - Brice Pedroletti

Le Monde - Economie, mardi, 27 mai 2008, p. 14
Plus d'un an après avoir rendu public le différend qui l'opposait à Danone dans les gestions de leur coentreprise Wahaha - leader dans le secteur des boissons en Chine - que le groupe français contrôle à 51 %, l'entrepreneur chinois Zong Qinghou semble soucieux de redorer son blason patriotique.

Celui-ci a été écorné, en avril, par des allégations embarrassantes d'évasion fiscale. " Nous ne répondrons à aucune question qui ne soit pas liée au tremblement de terre ", répondait sèchement, ces derniers jours, le porte-parole de M. Zong, interrogé par Le Monde. Selon celui-ci, M. Zong a promis quelque 15 millions de yuans (1,5 million d'euros) aux victimes du séisme dans le Sichuan.

Dans le blog qu'il tient sur le portail Sohu, M. Zong énumère, presque chaque jour, les dons qu'il destine aux survivants. Il promet, dans ses usines du Sichuan, l'embauche de 1 000 à 1 500 personnes et s'engage à prendre en charge 500 orphelins des régions sinistrées. Dans une de ses contributions, il se félicite des " décisions intelligentes et de l'intervention puissante du gouvernement central ", ressentant, dit-il, combien " notre pays est grand ".

Les commentaires des internautes sont tous positifs. Il y a moins d'un mois, toutefois, les révélations du magazine Caijing concernant une ardoise de 300 millions de yuans due par M. Zong au fisc chinois avaient suscité un tout autre son de cloche dans le public, même si l'entrepreneur avait très vite riposté en affirmant avoir acquitté, dès octobre 2007, les sommes dues.

C'est aussi en recourant à une rhétorique très nationaliste que M. Zong avait ouvert les hostilités contre Danone en mars 2007 : se décrivant livré à la convoitise d'une multinationale sans états d'âme. Il avait alors dénoncé les tentatives du groupe français pour le forcer à brader ses participations dans Wahaha.

L'entreprise de Franck Riboud, dont 8 % des revenus mondiaux en 2006 provenaient de Wahaha, avait alors accusé son partenaire d'avoir monté un réseau de sociétés miroirs en dehors du périmètre de ses 39 coentreprises, et en violation flagrante des accords initiaux de non-concurrence.

Danone avait poursuivi M. Zong sur plusieurs fronts à l'étranger, notamment dans des paradis fiscaux. Puis le groupe français avait essuyé plusieurs revers en Chine même : à Hangzhou, Wahaha avait ainsi remporté un arbitrage local confirmant que la marque n'avait jamais été correctement transférée à la coentreprise.

Suite à la visite du président de la République, Nicolas Sarkozy, en Chine en novembre 2007, une trêve avait été annoncée. Les deux parties ont depuis lors continué à négocier à échéances régulières.

Le 22 mai, Les Echos révélait, citant une source " proche des négociations ", que le retrait de Danone de sa coentreprise était désormais " l'option privilégiée " du groupe français. Selon le South China Morning Post daté du 24 mai et citant un entretien téléphonique avec l'entrepreneur chinois, celui-ci confirmait que les deux parties envisageaient la rupture et que des experts " procédaient à l'évaluation des actifs ".

RUPTURE CONSOMMÉE

Mais le ticket de sortie demandé par Danone, situé selon M. Zong " entre 800 et 1,7 milliard d'euros ", serait " trop élevé et déraisonnable ". L'option du divorce n'est pas nouvelle. A plusieurs reprises, en avril, M. Zong ou ses avocats ont déclaré que la rupture était consommée. Ce même mois, Caijing écrivait que Danone s'était dit " prêt à vendre toutes ses parts dans les joint-ventures " du moment que le prix payé était considéré comme correct. Déjà, lors d'une conférence, fin 2007, à l'attention des cadres de Numico, le néerlandais racheté par Danone en 2007, M. Riboud, aurait, selon nos sources, exposé son intention de repartir en Chine sur des bases nouvelles.

C'est semble-t-il la stratégie suivie dans les produits laitiers, où Danone s'est désengagé de ses partenariats et aurait cherché à acquérir des bases de production, une information publiée par la presse chinoise, en janvier, qui n'a jamais été confirmée par Danone.

Toutefois, l'impossible négociation entre les deux parties n'exclut pas, selon un proche du dossier, l'une des autres options privilégiées dès le départ par Danone, l'introduction en Bourse de la co-entreprise. " Cette solution reste à ce jour la plus séduisante. Elle permet une dilution de l'actionnariat et apporte des solutions au problème de gouvernance ", assure cette source.

Brice Pedroletti

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