La scène a lieu le 16 avril dans un tribunal de Shanghai. Nike attaque son concurrent allemand Adidas et le capitaine de l'équipe nationale chinoise de football, Zheng Zhi, pour atteinte à leurs intérêts. Alors que le joueur était sous contrat avec Nike (qui lui aurait assuré 110 000 yuans en octobre 2003 et 760 000 yuans un an plus tard, soit 11 000 et 76 000 €), il aurait participé à des opérations commerciales avec Adidas. En compensation, Nike demande 8 millions de yuans.
Le sport chinois fait sa mue. Certes, l'argent n'y est pas un nouveau venu. Mais une telle affaire prouve que le pays n'a rien à envier dans son évolution à l'Europe ou aux États-Unis. « Les autorités ont compris que les athlètes étaient également des marchandises », explique Li Chaobin, assistant professeur à l'université de Pékin et secrétaire général du Parti communiste du département du sport de l'université. « Voulant montrer la capacité du pays à se comporter comme une économie de marché, elles ont donc joué le jeu et accepté que les sponsors privés chinois et étrangers choisissent leurs athlètes. Et réciproquement. »
Les vrais débuts du sponsoring international en Chine remontent au début des années 1980, quand Nike a soutenu le sauteur en hauteur Zhu Jianhua, qui a décroché trois records du monde avant d'empocher la médaille de bronze aux Jeux olympiques de Los Angeles, en 1984. La marque a décollé alors dans le pays. Vingt ans plus tard, elle est toujours présente, puisqu'elle possède un contrat avec la grande vedette nationale, Liu Xiang, le champion olympique du 110 m haies. Mais rien n'est simple. La moitié des revenus du coureur irait dans les poches de sa fédération, de son entraîneur, des agents de la fédération et de son ancienne équipe. Seule une fédération « sait au mieux comment maintenir les performances des athlètes, ce qui est la clé des stars », assurait il y a quelques mois Wang Dawei, le vice-président de l'Association chinoise d'athlétisme. « Si Liu Xiang n'était pas devenu champion olympique à Athènes, s'il n'avait pas battu le record du monde, il n'aurait pas aujourd'hui une telle valeur commerciale. »
De fait, les instances gouvernementales demeurent omniprésentes dans le sport. Ce sont elles qui financent les sportifs, les fédérations et leurs centres d'entraînement. L'administration centrale paie les salaires des membres des équipes nationales, les gouvernements provinciaux ceux des équipes provinciales et les municipalités ceux des équipes locales. « Ces administrations ont accepté l'arrivée de sponsors privés afin de réduire la pression financière qui pesait sur leurs épaules », assure Li Chaobin.
Dans ce contexte, les équipes de football masculines et féminines et les équipes de basket-ball masculines se sont fait une place à part. Ce sont assurément celles qui profitent le plus de la professionnalisation du sport dans le pays. Elles parviennent ainsi à être autonomes financièrement grâce à l'arrivée de prestigieux sponsors, généralement nationaux. En cette année olympique, la donne a tout de même en partie changé. Le gouvernement a fait un effort supplémentaire pour mettre ses représentants dans les meilleures conditions.
L'objectif est de récolter 110 médailles lors des prochains Jeux d'été, du 8 au 24 août. Une vraie gageure puisque la délégation chinoise en a rapporté 63 d'Athènes. Le 1er juillet, l'État a ainsi inauguré un gigantesque complexe sportif situé dans le centre de Pékin, à deux pas du magnifique Temple du Ciel, dans lequel sont rassemblées quinze des disciplines les plus prestigieuses, comme le tennis de table, la gymnastique, le plongeon, l'athlétisme et l'haltérophilie. Les fédérations y disposent d'installations ultramodernes. « Notre ancienne salle d'entraînement était deux fois plus petite que celle-ci », explique Chen Wenbin, l'entraîneur de l'équipe masculine d'haltérophilie. « Nous occupions auparavant des bâtiments construits il y a plus de cinquante ans. Le gouvernement, via l'administration du sport, a également changé et amélioré l'ensemble des équipements et du matériel. Visiblement, tout a été fait pour que nos conditions d'entraînement atteignent un standard international, ce qui n'était pas le cas avant. » Après tant d'efforts, la Chine n'a désormais pas le droit à l'échec. Surtout devant son public.
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