Réunis à Pékin les 4 et 5 décembre pour le dernier " Dialogue économique stratégique " de l'ère Bush, Américains et Chinois ont promis d'agir ensemble pour prévenir tout retour du protectionnisme et annoncé 20 milliards de dollars (15,7 milliards d'euros) de crédits pour favoriser les échanges.
C'est Henry Paulson qui a initié il y a deux ans ce sommet bilatéral destiné à " intégrer " la Chine. Le secrétaire américain au Trésor est un " ami " de la Chine qu'il connaît en tant que président de Goldman Sachs et envers laquelle il a toujours privilégié une approche conciliatrice face à une opposition démocrate davantage portée sur l'affrontement. Il a ainsi dû mettre en sourdine les exigences répétées de réévaluation du yuan.
L'heure n'est plus aux leçons de dérégulation qui ont autrefois mis la Chine sur la défensive, mais à une relation qui, crise oblige, est en train de se rééquilibrer en faveur du partenaire chinois : " Les deux pays sont devenus interdépendants ", a déclaré le vice-premier Wang Qishan, chef de la délégation chinoise.
Si cette interdépendance ne date pas d'aujourd'hui, la débâcle financière américaine a redonné plus de poids au financement de la dette publique américaine. L'Amérique a ni plus ni moins été incitée à prendre toutes les mesures possibles de stabilisation de ses marchés financiers " afin d'assurer la sécurité des actifs et des investissements chinois aux Etats-Unis ", a déclaré M. Wang.
Les Américains ont été encouragés à augmenter leur taux d'épargne par le gouverneur de la Banque de Chine, qui s'est envolé vers New York avant la fin du sommet pour rencontrer le successeur de M. Paulson, Timothy Geithner. Il y a quelques jours à Hongkong, Lou Jiwei le président de la China Investment corporation, le fonds souverain chinois, avait déclaré que la Chine remettait à plus tard tout projet d'investissement dans la finance américaine, car " nous n'avons pas le courage pour l'instant d'investir dans des institutions financières dont on ne sait quels problèmes elles peuvent avoir ", a-t-il dit à une table ronde de la Clinton Global Initiative.
EMERGENCE DE LA " CHIMERICA "
La Chine détient 585 milliards de dollars en bons du Trésor américains. Les participations chinoises dans Freddy Mac et Fanny Mae, ou encore le fonds Blackstone et la banque d'affaires Morgan Stanley sont équivalentes. Le renchérissement du yuan (+ 20% par rapport au dollar depuis 2005) et la débâcle financière américaine ont mis à mal ces placements, qui ont indirectement servi à financer 321 milliards de dollars d'exportations chinoises vers les Etats-Unis en 2007 (et probablement autant en 2008).
Le destin commun aux deux pays fait l'objet d'un livre, The Ascent of Money : A Financial History of the World (paru en novembre chez Penguin Press). L'économiste américain Niall Ferguson y retrace l'émergence, depuis la fin de la guerre froide, d'un " nouveau continent " à la croissance spectaculaire : la " Chimerica ", un endroit où les habitants de l'Ouest consomment à qui mieux mieux les produits que fabriquent ceux de l'Est, les uns s'endettant d'autant que les autres thésaurisent.
Ce " continent " doit être remis à flot - en faisant croître la consommation des Chinois et l'épargne des Américains. Les grands argentiers de Pékin ont fait comprendre à leurs interlocuteurs qu'ils n'avaient aucune intention de mettre en péril la stabilité de leur croissance aujourd'hui chancelante en réévaluant brusquement le yuan. Dans quelles conditions se poursuivra le dialogue ? La balle, ont laissé entendre les Chinois, est dans le camp de l'administration Obama.
Brice Pedroletti
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