vendredi 20 février 2009

L'australien Fortescue Metals Group dans le collimateur de la Chine

Les Echos, no. 20368 - Marchés, vendredi, 20 février 2009, p. 29

Le numéro trois australien du minerai de fer ferait l'objet d'une approche conjointe du fonds souverain China Investment Corporation et du groupe minier diversifié Anglo American. Canberra observe l'offensive chinoise avec inquiétude.

Et de trois. Longtemps redoutée en Australie, l'offensive chinoise pour la conquête des ressources minérales s'intensifie. Après les offres amicales de Chinalco sur des actifs et une partie du capital de Rio Tinto et de Minmetals sur la totalité des actions OZ Minerals, c'est aujourd'hui au tour de Fortescue Metals Group d'être approché par le puissant bras financier de Pékin, le fonds souverain China Investment Corporation (CIC). Allié avec le groupe minier diversifié Anglo American, ce dernier entretient des discussions préliminaires et non engageantes avec le troisième exportateur australien de minerai de fer, fondé en 2003 mais dont les premières livraisons n'ont eu lieu qu'à la mi-mai 2008.

Valorisé 5,3 milliards de dollars américains (il en valait environ 23 fin juin 2008) à la Bourse de Sydney, le groupe minier est contrôlé par le magnat australien John Andrew Forrest (PHOTO), qui détient près de 35 % de ses actions et en est le directeur exécutif. Comme pour ses compatriotes, c'est la problématique de la gestion de la dette, estimée à 1,9 milliard de dollars, qui a créé les conditions du rachat de Fortescue Metals. La société, qui souhaite porter sa production annuelle de minerai de fer de 45 à 55 millions de tonnes, doit aussi trouver quelque 2 milliards de dollars pour sa croissance organique.

L'intérêt pour la Chine de mettre la main sur des sociétés minières n'est plus à démontrer. Dans un passé récent, le leader chinois de l'acier, Baosteel, principal client de Fortescue, avait manifesté son désir d'intégrer le capital de l'australien. Aujourd'hui, il cède la place à l'Etat et à son fonds souverain mais l'objectif de Pékin reste le même : affaiblir le pouvoir des producteurs de minerai de fer australiens sur les prix et isoler BHP Billiton en nouant des alliances stratégiques avec Rio et Fortescue.

Le titre corrige de 12,41 %

Ces approches ont lieu au moment même où se déroulent des discussions très animées pour la fixation des prix annuels du minerai de fer en 2009, qui auront cours pour les livraisons à compter du 1er avril.

Quant à Anglo American, sa volonté de mettre un pied dans le minerai de fer australien n'est pas une nouveauté. C'est la troisième fois en une décennie que le groupe s'attelle à cette tâche. Les deux essais précédents - offres sur le projet du Nord et sur Hope Downs - ont échoué pour cause de propositions plus alléchantes de Rio Tinto... Le renforcement dans le minerai de fer est une priorité absolue de Cynthia Carroll.

Elle l'a montré en déboursant 3,5 milliards de dollars l'an passé pour racheter le brésilien MMX. Or la qualité du minerai extrait du gisement de Pilbara (Fortescue) est nettement supérieure à celle des actifs cariocas acquis début août 2008. Mais les projets de CIC et d'Anglo American pourraient buter sur le mur de cash du leader mondial des mines, BHP Billiton. Certains analystes, à l'instar de Luc Pez, chez Oddo Securities, considèrent que Fortescue serait une proie plus accessible que les actifs de Rio Tinto convoités par Chinalco. De plus, cette alternative serait du goût de Canberra, passablement secoué par l'assaut de l'ancien empire du Milieu sur les minerais du pays. L'action Fortescue a corrigé de 3,01 % hier à Sydney, après une envolée de 12,41 % la veille.

MASSIMO PRANDI

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