L'investissement de Chinalco dans Rio Tinto illustre l'appétit de la Chine pour les ressources naturelles. Avec la chute des cours des matières premières, les acquisitions d'actifs étrangers par des groupes publics soutenus par Pékin devraient se multiplier.
La crise n'a pas calmé l'appétit des groupes chinois pour les matières premières. Elle l'a aiguisé. Alors que le brutal ralentissement de la croissance chinoise fin 2008 a déprimé les marchés et fait plonger les prix des grandes matières premières, les entreprises d'Etat ont reçu l'ordre de sécuriser un maximum de ressources naturelles pour alimenter la reprise de la croissance domestique. L'investissement de 19,5 milliards de dollars de Chinalco dans Rio Tinto s'inscrit dans une longue série, observent les experts. « Nous sommes sur une tendance profonde d'acquisitions à l'étranger », résume Chen Yong de Haitong Securities. « Les prix des matières premières n'ont pas été aussi bas depuis des années. C'est le moment d'acheter, notamment dans le secteur du pétrole et des minéraux, dont le pays va avoir grandement besoin dans un futur proche. L'acquisition de technologies pourrait aussi être opportune », confirme Peng Bo, analyste chez Ping An Securities.
Pragmatisme prochinois
Selon Dealogic, les chinois avaient déjà dépensé, l'an dernier, 31,28 milliards de dollars dans 74 opérations pour s'assurer des participations stratégiques dans des projets pétroliers ou miniers. Chinalco, alors en association avec Alcoa, avait notamment payé 14,3 milliards pour prendre le contrôle de 12 % de Rio Tinto. En décembre, le raffineur Sinopec avait déboursé 1,8 milliard pour récupérer les champs pétrolifères du canadien Tanganyika Oil en Syrie. Trois mois plus tôt, c'est Sinosteel, une société d'Etat spécialisée dans le négoce de minerai pour les grands métallurgistes chinois, qui avait pris le contrôle du groupe australien Midwest pour 1,31 milliard de dollars.
Initiées dès l'an dernier avant l'éclatement de la crise et l'effondrement des cours du pétrole, du minerai de fer et du cuivre, d'autres négociations se précipitent depuis quelques semaines. Beaucoup de groupes privés étrangers, étranglés par leurs dettes, se tournent volontiers vers les investisseurs chinois, gorgés de crédits et d'aides publiques. Acculés, les Etats, qui avaient longtemps fait mine de vouloir freiner ces initiatives chinoises en évoquant des inquiétudes stratégiques, se montrent soudain bien moins réticents.
La semaine dernière, l'Australie, qui avait rejeté, l'an dernier, la tentative de rachat de Murchison Metals par Sinosteel, a approuvé la prise de contrôle de Perilya, l'un des groupes miniers en détresse du pays, spécialisé dans la production de plomb et de zinc, par Zhongjin Lingnan. D'autres sociétés chinoises atteindraient un feu vert pour s'approprier OZ Minerals.
Si ces multiples acquisitions flattent le pouvoir chinois, qui a souvent été blessé par l'échec d'autres tentatives d'acquisitions d'actifs étrangers par ses géants publics - Pékin n'a toujours pas digéré le capotage du rachat de l'américain Unocal par CNOOC en 2005 -, elles lui permettent surtout de trouver de fructueux débouchés à ses colossales réserves de change. Après avoir vu ses banques publiques perdre, l'an dernier, plus de 10 milliards de dollars dans des investissements financiers précipités en Occident, le gouvernement chinois encourage la prise de contrôle de réserves de matières premières, dont il aura besoin pour alimenter les grands chantiers d'infrastructures programmés dans son plan de relance de 4.000 milliards de yuans.
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