vendredi 27 février 2009

Yan Pei-ming, vive la France de l'art - Valérie Duponchelle

Le Figaro, no. 20087 - Le Figaro, vendredi, 27 février 2009, p. 13

Égal à lui-même, modeste dans son simple pull camionneur chiné, jovial avec ses joues rondes de bébé et ses longs cheveux d'artiste, Yan Pei-ming, 47 ans, a révolutionné l'art de recevoir la Légion d'honneur, mardi soir dans les bureaux de «son ami» François Pinault. Collectionneur de longue date du peintre du portrait monumental qui a les honneurs du Louvre avec Les Funérailles de Monna Lisa dans la salle Denon, le propriétaire de Christie's a pris le temps d'honorer « le plus français des artistes chinois »... au moment même où commençait le deuxième acte de la vente YSL-Pierre Bergé sous la verrière du Grand Palais.

Petit comité, mais comité fervent, dans les salons au chic contemporain de l'hôtel de Clermont-Tonnerre autour de Yan Pei-ming, ce fils de Shanghaï la maoïste, né en 1960, ce rêveur de la France et de ses beaux-arts depuis la Chine la plus populaire, cet exilé très volontaire au coeur de notre République. Le président du Louvre, Henry Loyrette, dépassait d'une bonne tête tous les autres convives, le président du musée-château de Versailles, Jean-Jacques Aillagon, et Serge Lemoine, ancien directeur du Musée d'Orsay. Tous souriaient. Les amis de toujours, comme Béatrice Parent, fidèle du Musée d'art moderne de la Ville de Paris et de sa muse, Suzanne Pagé, ou le graphiste Philippe Apeloig. Les amis de Dijon, des beaux-arts et du Consortium qui s'enorgueillissaient d'avoir pareil ambassadeur sous les ors de la capitale.

Les larmes aux yeux

L'homme d'affaires breton, commandeur de la Légion d'honneur, fit son éloge avec coeur, saluant le courage et la force de conviction d'un artiste qui débarqua en France sans un sou et sans parler un mot de français au début des années 1980, bien avant la mode des artistes chinois. Très vite, Yan Pei-ming a fait tomber les conventions de cet exercice de style qui mêle vie privée et vie publique. Prenant à bras-le-corps l'art du discours de remerciements, l'artiste a fait passer l'audience des larmes au rire avec une santé de ténor. François Pinault avait insisté sur la dure loi de la vie qui nourrit toute création, sur le bégaiement qui avait rendu l'enfance du jeune Pei-ming souvent cruelle, sur l'exil et sur la fierté qui découle d'une pareille réussite, impensable et romanesque.

«Depuis mon plus jeune âge, je n'ai jamais parlé en public. Cette Légion d'honneur, je la porterai avec fierté et gratitude », répondit dans un sanglot le peintre, bouleversé par «cet honneur que lui faisait la République française». Surmontant ses larmes et son bégaiement, il a fait monter les larmes aux yeux des plus coriaces, surpris par une attaque aussi directe des sentiments.

«Quand j'avais onze ans, ma mère m'a emmené acheter des pinceaux de calligraphie. Elle a été capable de dépenser pour cela un an de salaire...» Au premier rang, une toute petite dame chinoise née en 1934, Chen Guo Mei, voyait son fils ému sans comprendre un mot des discours. En stratège des efforts, Ming a ensuite raconté la vie d'un émigré chinois avant la gloire, transformant la dureté en burlesque qui fit pleurer de rire le même public. « Peut-être un jour, je vais avoir une avenue à mon nom, ou une impasse. Avec le panneau, »Yan Pei-ming, né à Shanghaï, mort en France» ». L'art aussi de la chute.

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