Les brasseurs s'affrontent à coups de milliards Le leader mondial, AB Inbev, devrait encore céder pour 3,5 milliards d'actifs d'ici à novembre.
LA RUMEUR courait en fin de semaine dernière. Le nouveau leader mondial de la bière, AB Inbev, pourrait vendre à Heineken la brasserie tchèque Staropramen, qui s'arroge 15 % du marché local. Cette opération se négocierait 272 millions de dollars. « Si cette cession ne se fait pas, il y en aura d'autres, estime Kris Kippers, analyste financier à Bruxelles pour la société d'investissement Petercam. AB Inbev, constitué à l'automne par la fusion d'Inbev et d'Anheuser-Busch, a promis de céder 3,5 milliards de dollars d'actifs d'ici à novembre. Je ne serais pas étonné qu'il vende sa filiale en Corée du Sud, Oriental Brewery, qui vaut 1,2 milliard de dollars. » De son côté, Sab Miller, qui a perdu son leadership mondial, ne devrait pas rester inerte. « Il est envisageable que ce brasseur anglais rachète un acteur moyen comme le mexicain Modelo (connu pour sa marque Corona) qui réalise un chiffre d'affaires de 5 milliards de dollars ou le turc Efes dont les ventes atteignent les 2 milliards d'euros », ajoute Kris Kippers.
La consommation mondiale stagne
Pas de doute, la période des grandes manoeuvres est loin d'être terminée. Pourtant, depuis un an, ce paysage a déjà été redessiné. Tout a commencé fin janvier 2008. Carlsberg et Heineken se sont offert pour 10,5 milliards d'euros Scottish & Newcastle. Depuis, les deux brasseurs se sont partagé les actifs de l'écossais. Carlsberg a récupéré notamment Kronenbourg et surtout Baltika, la marque leader en Russie, un marché en forte croissance ces dernières années. De son côté, Heineken a mis la main sur les activités britanniques, irlandaises, américaines ou indiennes de Scottish & Newcastle. Mi-novembre, Inbev a réussi son OPA à 32,7 milliards d'euros sur Anheuser-Busch, le numéro quatre mondial, connu surtout pour sa marque Budweiser. Et, début 2009, les brasseurs japonais sont entrés dans la danse pour participer à ce grand Monopoly.
« Les regroupements se sont multipliés au cours des derniers mois car le secteur était très atomisé jusque-là, beaucoup plus par exemple que celui des spiriteux où ces mouvements ont eu lieu depuis dix ans », estime Gilbert Delos, journaliste à Bière magazine. La logique de ces rachats en cascade ? Générer des synergies qui permettent de moins dépenser. AB Inbev a annoncé qu'il réaliserait 1,5 milliard de dollars d'économies suite à la fusion qui a mené à sa création. Il a commencé son toilettage en supprimant début décembre 1 400 postes aux États-Unis, essentiellement à Saint Louis, où Anheuser-Busch avait son siège. Une mise au régime nécessaire car les brasseurs n'échappent pas à la crise. « La consommation mondiale de bière, qui avait progressé de 14 % au cours des trois dernières années pour atteindre 1,8 milliard d'hectolitres en 2008, devrait ne pas enregistrer de croissance cette année », soupire Jean-Claude Girard, directeur général du spécialiste des orges de brasserie, Interbrau. D'ores et déjà, les grands brasseurs ressentent ce ralentissement. Heineken a vu son bénéfice net plonger de 74 % (209 millions d'euros) en 2008 à cause du recul des marchés britanniques. Et tous prévoient une année 2009 difficile.
Pour affronter l'orage, les groupes appliquent les recettes classiques : ils réduisent les effectifs et rationalisent la production. Dès le 30 octobre 2008, par exemple, Kronenbourg a annoncé la suppression de 214 emplois sur 1 390. Mi-janvier, c'était au tour de Carlsberg de « couper » 270 postes au Danemark, en Norvège et dans les Pays baltes.
Pour se consoler, les gros acteurs fondent de sérieux espoirs sur les pays asiatiques où la consommation continue à grimper. « En Chine, les ventes de bière devraient encore progresser de 6 % cette année », estime Jean-Claude Girard. De quoi continuer à faire mousser les plus gros brasseurs mondiaux.
Guerin, Jean-Yves
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