Il y a quatre extraordinaires paradoxes dans l'actuelle crise majeure que le gouvernement nord-coréen est en train de créer délibérément, devant une communauté internationale, et surtout asiatique, parfaitement éberluée.
Premièrement, si étonnant que cela paraisse, la diplomatie internationale avait remporté en Corée du Nord une véritable victoire, certes incomplète, mais bien réelle en matière de lutte contre la prolifération nucléaire.
Partie d'un refus total de coopérer, la Corée du Nord en était en effet venue à accepter des inspections résultant de son adhésion tardive au traité de non-prolifération. Elle a ensuite échangé son programme nucléaire militaire contre la perspective d'une livraison par le Japon de centrales civiles. Elle a enfin quémandé une aide internationale pour combattre les famines récurrentes que crée régulièrement un régime dément. Elle a même emprunté très timidement le modèle d'ouverture chinois, en acceptant quelques zones franches où le capitalisme sud-coréen investissait avec enthousiasme.
Tous ces effets positifs sont à présent anéantis par les deux explosions nucléaires souterraines intervenues cette semaine.
Deuxièmement, cette rupture se déroule alors que la Corée du Nord n'a jamais été moins menacée de toute sa brève histoire. Le Pentagone, qui a bien besoin de ressources militaires additionnelles, envisageait très sérieusement de rapatrier quatre-vingt-dix pour cent de ses effectifs dans la péninsule.
La Chine, la Corée du Sud et même le Japon sont essentiellement absorbés par la gravité de la crise mondiale pour ne jamais rêver, fût-ce un seul instant, à recueillir plaies et bosses dans la péninsule du Matin calme.
Tout cela, l'État nord-coréen le sait, et par conséquent il est exclu d'attribuer à la moindre provocation maladroite le passage brutal à la confrontation qui inclut à présent une dénonciation en bonne et due forme de l'armistice de Pan Munjom de 1953. Techniquement, la Corée du Nord serait donc revenue à l'état de guerre. Mais contre qui ?
Troisièmement, dans un pays aussi inaccessible au renseignement de base, on peut tout de même isoler deux faits frappants : l'incident cardiaque sérieux survenu au dieu vivant Kim Jong-il et le brusque raidissement qui a suivi cet incident de santé avoué par les Nord-Coréens eux-mêmes.
Par exemple, il y a déjà plus de trois mois que les Nord-Coréens ont virtuellement fermé les zones de coopération économique avec la Corée du Sud. On fera aussi observer que la dénonciation de l'armistice, si elle n'ouvre pas tout de suite sur des hostilités, a au moins pour mérite de permettre à l'armée d'instaurer son contrôle total sur le pays par le moyen de la loi martiale. De là à se demander si Kim Jong-il conserve le contrôle de la situation, il n'y a qu'un pas, puisqu'en définitive c'est bien sa politique relativement conciliante de ces dernières années qui est ici remise en cause.
Quatrièmement, un point semble acquis : la Corée du Nord était de plus en plus inquiète de l'évolution de la Chine. C'est cette dernière qui a finalement contribué à son isolement diplomatique total et a multiplié à son égard des signes évidents d'agacement.
Pire encore, pour un système politique totalement paranoïaque, apparaît la rapide réconciliation en marche entre Pékin et Tokyo. Déjà, lors de la première rencontre au sommet entre le président chinois Hu Jintao et le premier ministre japonais d'alors Fukuda, les Nord-Coréens avaient minuté le lancement d'un de leurs missiles « chantants » soi-disant commerciaux avec l'ouverture de la rencontre, pour mieux dénoncer une collusion qu'ils redoutent avant tout.
Et oui ! Comme le disait Henry Kissinger, même les paranoïaques ont parfois des ennemis. Il est certain que dans une Asie postcrise, il n'y a plus aucune place réelle pour une Corée du Nord qui, dénucléarisée, en sera réduite à la mendicité et aux petits rackets, l'une avec la Chine, les autres avec la Corée du Sud.
Mais il est permis de se demander, avec ce régime rien moins que rationnel, si son ultime provocation ne va pas avoir pour conséquence imprévue un rapprochement plus grand encore d'une Chine et d'un Japon qui pourraient ne pas limiter leur entente au seul domaine économique.
La folie d'une souris qui rugissait aurait alors commencé à produire le plus grand bouleversement stratégique de ce début de XXIe siècle.
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La déclaration de la guerre de la Corée du Nord (3/3)
La Corée du Nord (Suite)
La Corée du Nord devient nucléaire
3 commentaires:
Bel article vraiment. Belle analyse.
ah! étrange?
"marketing", tu ne nous fais plus part de tes commentaires à la con de spécialistes des relations internationales???
Sur l'article de yann rousseau : "La Chine tient à la survie de la Corée du Nord", tu as dit : "bel analyse... c'est normal car historiquement cela a toujours été des amis..." quand ce ne sont pas des erreurs d'analyse, ce sont des erreurs de français.
Dégage d'ici et va faire de la pub ailleurs...
Bienvenue à toi, Olivier ("Marketing Chine").
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