(Paris) - Le système du hukou, terme forgé avec les mots foyer (hu) et résident (kou), est l'une des pièces maîtresses du régime actuel destinées à contrôler la société. Il est vrai que la mise en place de systèmes visant à fixer le lieu de résidence de la population est une vieille tradition de l'empire du Milieu. Les pouvoirs dynastiques y trouvaient un grand intérêt pour la perception fiscale et la distribution des corvées. Mais jamais les contribuables n'ont été aussi seuls face à l'Etat qu'à notre époque.
Sous l'Empire, entre Etat et foyer, il y avait la société (clans, confréries, corporation). Les organisations horizontales ont été anéanties par le communisme et, de nos jours, les individus sont sous contrôle total. Les paysans ne peuvent pas s'installer en ville, les citadins ne peuvent se marier quasiment qu'entre habitants de la même cité, les paysans migrants ne peuvent résider en ville qu'illégalement... Actuellement, si vous êtes né paysan, il n'y a que deux voies pour échapper à votre condition et devenir citadin. La première est de réussir dans les concours universitaires. Mais, même pour cette élite, l'obtention d'un hukou, y compris pour ses enfants, n'est pas garantie. Car la crise et le poids démographique ne permettent pas à tous de trouver du travail. Reste alors la seconde solution : la réincarnation.
Ironie de l'Histoire : la Chine, civilisation fondée sur l'agriculture, exploite les paysans et les maltraite jusqu'à la discrimination dans le but de se moderniser. Dès la décennie 1990, des intellectuels ont qualifié le hukou de "système de castes". Aujourd'hui, la prise de conscience de la violation des droits des paysans est générale. Cependant, peu de voix dénoncent le fait que ce système constitue également une redoutable arme de contrôle des citadins.
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