Le champion français du nucléaire aurait dû conclure depuis des mois la vente de 49 % d'UraMin à son partenaire chinois CGNPC. Les discussions sont bloquées. Areva discute avec d'autres électriciens désireux d'investir dans les mines pour sécuriser leur approvisionnement en combustible, auxquels il pourrait céder cette participation.
Intention ne veut pas dire transaction. Onze mois après la signature en grande pompe d'un accord visant à céder à l'électricien chinois CGNPC et des fonds souverains locaux 49 % de la société minière UraMin, Areva et son partenaire chinois n'ont toujours pas conclu l'opération. Et les chances de succès paraissent maigres, même si les parties continuent de discuter.« On n'est pas arrivé à se mettre d'accord sur les conditions économiques,confirme Sébastien de Montessus, le responsable de division mines au sein du groupe nucléaire français.Il n'est pas exclu qu'on réussisse, mais ayant passé l'échéance du 31 décembre 2008, nous sommes libres de parler avec d'autres électriciens. »
L'accord, signé le 7 octobre 2008 dans le Palais de l'Assemblée populaire nationale, prévoyait la rétrocession de 49 % de la société minière canadienne UraMin pour la moitié du prix global de 1,9 milliard d'euros payé un an plus tôt par Areva. Sur le papier, donc, une opération neutre. Mais les chinois demandaient en échange le droit d'enlever jusqu'à 70 % de la production d'uranium de la société, n'en laissant plus que 30 % au groupe français. « Si nous donnons la quasi-totalité de la production à un électricien, nous devons le faire dans de bonnes conditions »,explique Sébastien de Montessus. C'est là que le bât blesse.
Une logique à travailler avec EDF
« Nous discutons en parallèle avec suffisamment de partenaires électriciens pour ne pas avoir à nous précipiter dans un accord déséquilibré », ajoute le patron de division. Il ne souhaite pas donner de noms, mais certains groupes qui travaillent déjà avec Areva ont fait état de leur souhait d'investir dans les mines pour sécuriser leur approvisionnement en combustible. C'est le cas des japonais Tepco et Kansai, de l'indien NPCIL ou du chinois CNNC. Par ailleurs, il y aurait une vraie logique à ce qu'EDF et Areva travaillent main dans la main sur le sujet. Le minier russe ARMZ a par ailleurs déclaré jeudi qu'il allait rencontrer des représentants d'Areva début octobre en Namibie, où est situé le plus gros gisement d'UraMin, pour évoquer des projets.
Fluctuations du cours
Malgré la crise, le groupe présidé par Anne Lauvergeon entend toujours passer de la troisième place à la première sur le marché mondial de l'uranium d'ici à 2012. « Personnellement, j'espère que cela aura lieu avant cette date », indique Sébastien de Montessus. En 2008, il avait une part de marché de 14 %, avec une production de 6.300 tonnes, contre 18 % pour Rio Tinto et 15 % pour Cameco.
Pour arriver à ses fins, Areva développe plusieurs gisements. Celui de Somaïr, au Niger, doit porter sa capacité de 1.700 à 3.000 tonnes dans les trois ans. Au Kazakhstan, la filiale Katco doit porter sa capacité de 1.700 à 4.000 tonnes. En Namibie, le site de Trekkopje vient de commencer à produire et atteindra sa pleine capacité de 3.000 tonnes en 2012.
Les fluctuations du cours de l'uranium ne favorisent pourtant pas l'investissement. Après un record de 138 dollars en juillet 2007, la livre d'uranium est retombée autour de 46 dollars sur le marché spot. Selon le leader mondial du marché, Rio Tinto, les prix pourraient reculer davantage ces deux prochaines années avec la vente sur le marché de stocks américains. A plus long terme, les prix pourraient repartir à la hausse, avec le développement attendu du nucléaire. Selon un rapport la semaine dernière de l'Association mondiale du nucléaire, la demande d'uranium devrait passer de 64.500 à 76.900 tonnes entre 2008 et 2015.
THIBAUT MADELIN
PHOTO - Anne Lauvergeon durant le World Nuclear Association à Londres, le 10 septembre 2009 / Getty Images
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