mardi 27 octobre 2009

PORTRAIT DE MILLIARDAIRES - Wang Chuanfu : 3,5 milliards d'euros


Libération, no. 8852 - Economie, lundi, 26 octobre 2009, p. 17

Après le téléphone, l'homme le plus riche du pays passe à l'automobile.

L'homme le plus riche de Chine s'appelle Wang Chuanfu. Il pèse plus de 3,5 milliards d'euros. Quatorze ans après avoir créé son entreprise, baptisée BYD («Build your dreams» : «réalisez vos rêves»), Wang contrôle la moitié du marché mondial des batteries de téléphone portable. L'industriel de 43 ans ambitionne aujourd'hui de devenir le numéro 1 mondial de la voiture électrique. Il est pris très au sérieux par le milliardaire américain Warren Buffett qui, sentant la bonne affaire, a acquis en 2008 10% des actions de BYD.

L'histoire de ce roi mondial de la batterie est presque une fable. Septième enfant d'une famille paysanne très pauvre du comté de Wuwei, dans la province de l'Anhui, il perd son père à l'âge de 13 ans avant que sa mère ne soit, elle aussi, terrassée par la maladie quelques années plus tard. Ce sont ses frères qui subviennent aux besoins de la famille, et qui poussent le très prometteur petit frère aux études. Selon un biographe, ils vendent même tout ce qu'ils possèdent pour permettre à Wang d'entrer à l'université de Changsha et lui payer ses études.

Décidé. Décrit comme taciturne et renfermé, Wang étudie la chimie et la métallurgie. Diplômé en 1987, ses professeurs tentent de le convaincre de se lancer dans la recherche fondamentale. Mais le chimiste est déjà décidé à fonder son entreprise de fabrication de batteries rechargeables. Wang persuade l'un de ses cousins, qui spécule dans l'immobilier, du potentiel énorme du marché de la batterie, alors dominé par le Japon avec Sanyo et Sony notamment. C'est cet homme providentiel qui lui fournit les 200 000 euros lui permettant de démarrer BYD en 1995.

Wang démonte les batteries japonaises et invente un nouveau procédé de fabrication. Il y parvient en appliquant les principes du taylorisme : il remplace les machines par des armées d'ouvriers peu payés effectuant des tâches morcelées à l'extrême. Comme il l'expliquera lui-même, «l'avantage de coût de production est au coeur de la puissance de BYD». Mais comprenant que le contrôle de qualité est crucial, Wang met aussi au point des protocoles complexes qui sont appliqués sur les chaînes de montage par des ouvriers spécialement formés. Plus tard, Sanyo et Sony l'accuseront devant la justice d'enfreindre leurs brevets, mais n'auront pas gain de cause.

L'obstiné Wang parvient en cinq ans à égaler les géants nippons et devient le plus gros fabriquant mondial de batteries de téléphone. Avec une certaine logique, il s'oriente ensuite vers la conception de téléphones portables, et produit pour les plus grandes marques : Motorola, Samsung, Sony... Entièrement absorbé par son défi, l'ingénieur n'aurait même pas trouvé le temps d'assister à la naissance de deux de ses filles. L'Anhui, dont Wang Chuanfu est originaire, est l'une des provinces les plus démunies; mais c'est aussi de là que viennent les plus célèbres hommes d'affaires chinois.

Populaire. En 2003, il surprend tout le monde en se lançant dans l'automobile avec le rachat, à Xian, d'une usine d'Etat en faillite. En quelques années, il parvient à produire un modèle de véhicule vendu en Chine, la F3, qui se révèle plus populaire que les équivalents de ses concurrents, Volkswagen, Toyota et Nissan. BYD fabrique également une voiture hybride performante, capable de parcourir une centaine de kilomètres sur une seule charge.

Mais le vrai objectif de Wang est la voiture entièrement électrique. BYD s'apprête en effet à mettre sur le marché la E6, qui serait bien plus performante que les modèles électriques déjà existants. Dotée d'une batterie entièrement recyclable, la E6 peut parcourir 400 km et atteindre 160 km/h. Sa batterie nouvelle génération, promet le constructeur, peut être rechargée à moitié de capacité en dix minutes à peine. L'objectif déclaré de Wang Chuanfu est de devenir numéro 1 de l'automobile en Chine en 2015... et du monde en 2025.

Philippe Grangereau

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