jeudi 19 novembre 2009

ARCHIVES - Le voyage de Nixon à Pékin, «aussi creux qu'un vase Ming»

Le Temps - Zooms, mercredi, 18 novembre 2009

Au moment où Barack Obama finalise son opération séduction en
Chine, rappel d'un autre événement: en 1972, pour la première fois de l'histoire, un président américain foulait le sol chinois: Richard Nixon.

Claude Monnier, 29 février 1972

«Les réactions au communiqué Nixon-Chou En-lai sont plus intéressantes que le communiqué lui-même, qui était aussi creux qu'un vase Ming. Dès avant le voyage du président américain, tout le monde savait que rien de concret, d'immédiat, ne pouvait sortir de ce «sommet» spectaculaire, et pourtant tout le monde, hommes d'Etat, journalistes, et, par millions, simples curieux, se sont jetés sur les 1500 mots signés dimanche [...], comme s'il devait sortir quelque vérité révélée. [...]

M.?Nixon n'allait pas en Chine pour négocier, mais pour marquer, par une grande fête, les retrouvailles sino-américaines. Il fallait que tout le monde, urbi et orbi, et back home, soit touché par l'événement, y participe en quelque sorte. [...]

Toute la planète a été invitée à participer, et, grâce au reportage TV en direct, elle aurait joué ce jeu. Cependant les images étaient plates, dépourvues de tout contenu: Chou, Mao, Nixon exigeaient d'être vus et revus, mais refusaient d'être entendus. [...]

Les journaux, ayant été invités à envoyer une cohorte de reporters sur les traces du président [...], n'ont rien eu de substantiel à se mettre sous la dent. Pour cette raison, ils ont imaginé des histoires de contacts secrets entre M.?Nixon et des émissaires nord-vietnamiens, suggéré un marchandage secret par lequel Pékin aurait poussé Hanoï à finir la guerre, à condition que les Américains retirent leurs troupes de la mer de Chine, et ainsi de suite.

M.?Nixon avait besoin de publicité, pour des motifs électoraux et de gloire personnelle, mais il n'avait nul désir que les gens se posent trop de questions sur la signification de ce voyage. [...]

M.?Nixon repart, sans fanfares, sans discours, avec un texte insipide. Déjà les analystes américains ajustent leurs stylos: dans le Herald, par exemple, Joseph Kraft ne titre-t-il pas: «Sous la mousse de la visite, on trouve une victoire chinoise.»

En fait, nous croyons qu'il n'y a ni victoire ni défaite. Ou plutôt si, il y a une victoire, celle du bon sens, celle du retour à l'évidence, Tout le reste sera oublié par l'Histoire.»

29 février 1972

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