À l'occasion de la sortie des mémoires de Jacques Chirac, des amis chinois m'ont posé des questions sur l'ancien président français. Voici le documentaire en intégralité par Karl Zéro et Michel Royer : "Dans la peau de Jacques Chirac"
Partie I
Partie II
Les Echos, no. 19677 - Entracte, mercredi, 31 mai 2006, p. 21
DANS LA PEAU DE JACQUES CHIRAC - EMMANUEL HECHT
Quarante ans de vie politique à travers la carrière de l'actuel chef de l'Etat.
Une heure et demie d'images d'archives, commentées en voix off par le président lui-même, ou plus exactement par l'imitateur Didier Gustin. Le film, du genre cruel, fait de Jacques Chirac un acteur épatant.
A peine débarqué du petit écran de Canal+, Karl Zéro réapparaît sur le grand écran avec une « autobiographie non autorisée » de Jacques Chirac : une heure et demie d'archives de la télévision retraçant les quarante années de la carrière politique du président de la République, commentées en voix off par Chirac lui-même, plus exactement par un imitateur de talent, Didier Gustin. On peut s'attendre au pire. Le commentaire d'archives, de surcroît avec la voix supposée de l'intéressé - reprenant le principe du « Vrai Journal » -, peut se transformer en un règlement de comptes rédhibitoire. Surtout en fin de second mandat, a posteriori (voir celui de François Mitterrand) crépusculaire. La force de Karl Zéro et de Michel Royer, qui a visionné des kilomètres de films à l'INA et auprès des télévisions belges et britanniques, est de livrer un portrait plausible, voire véridique, de Jacques Chirac, « bête politique » résumant par son seul parcours quarante années de la vie publique nationale. C'était risqué, c'est gagné. Refusant d'emblée le parti pris de Michael Moore descendant en flammes George Bush dans « Fahrenheit 9/11 », rejetant le populisme version gaudriole (« Ils sont tous pourris, mais ils nous font bien marrer »), Karl Zéro et Michel Royer, épaulés par Eric Zemmour, journaliste politique au « Figaro », dévoilent des pans de la personnalité de ce personnage central de la Ve République qu'Albin Chalandon, qui fut son garde des Sceaux, avait peut-être le mieux résumé : « Il n'y a pas d'homme plus secret que Jacques Chirac. Personne ne sait rien de lui, de ce qu'il pense et de ce qu'il veut. » Peut-être ne le sait-il pas lui-même ?
Le Belmondo de la politique
« Ce n'est pas un film politique, c'est un film sur la politique, le cynisme, la cruauté, la violence et le rire qui vont avec », explique Michel Royer dans le dossier de presse de la maison de production Bonne Pioche, la bien-nommée. Le genre, « docu-marrant », selon Karl Zéro, est cruel. Les contradictions, pis, les retournements du « héros », « mélange de bon sens pseudo-corrézien et d'ironie de tueur techno » (Karl Zéro) sont sans appel. Début 1976, Chirac déclare : « Un homme politique ne démissionne pas. » Le 25 août de la même année, il rend son tablier de Premier ministre. En 1981, il dénonce la dictature des radars sur les pauvres automobilistes ; en 2005, il n'a pas de mots assez durs pour fustiger les chauffards.
Ce documentaire fait de Chirac un acteur épatant, dynamique, sympathique même. « La vie de Chirac, explique Karl Zéro, on dirait un scénario bourré de rebondissements d'un film de Bébel grande époque : tout y est, les années 1970, les amis-les amours-les emmerdes, les DS, les hélicos, les cascades politico-comiques, les pattes d'ef, les blondes, le côté «Guignolo»-«Magnifique» ». Un petit air de nostalgie habite ce film. La Corrèze (« C'est ma vraie détente, c'est ma manière à moi de faire du bateau », disait Chirac). L'appétit légendaire de Chirac (avec une forte inclination pour le boudin, le chou farci, le cassoulet, le civet de lièvre). Les « amis de trente ans » (Edouard Balladur). La fronde des « rénovateurs » (Barzach, Noir, etc.). Giscard, son pire allié. Mitterrand, son meilleur ennemi. La mairie de Paris, son ultime citadelle en période de basses eaux. Son épouse, « Bernadette » pour « Le Canard enchaîné », qui ne supporte même pas qu'il lui prenne le bras. Sa fille, Claude Chirac, son mentor en communication, etc. Quarante années de notre vie politique défilent, depuis la nomination du jeune secrétaire d'Etat aux Affaires sociales, chargé de l'emploi, en 1967, jusqu'aujourd'hui. On rit bien, c'est bon enfant. Mais attend-on d'un chef de l'Etat qu'il nous distraie ?
En allant voir ce film, il faut avoir à l'esprit deux formules. L'une est de Simone Veil : « Un copain, oui, un chef d'Etat, non. » L'autre est d'Alexandre Sanguinetti, gaulliste pur et dur : « Je n'ai pas l'impression que Chirac ait la notion de l'Etat, il aime trop le veau. »
EMMANUEL HECHT
EN SAVOIR PLUS - Dans la peau de Jacques Chirac
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