La Chine doit tirer les leçons de la crise de Dubaï et prendre des mesures concrètes pour empêcher qu'un phénomène similaire affecte le marché immobilier chinois en pleine bulle spéculative. Un effondrement saperait l'économie de la Chine. »
Pour « China Daily », la crise, elle-même, de Dubai World et de sa filiale devrait se résorber. Mais la Chine, très largement exposée aux investissements à l'extérieur, doit s'inquiéter des effets négatifs. Bien entendu, la plupart des institutions financières chinoises ont immédiatement affirmé qu'elles n'avaient aucun investissement à Dubaï et ne craignaient donc rien. Mais le problème n'est pas là, affirme le quotidien chinois en langue anglaise. La question est de savoir si cette crise va conduire le gouvernement chinois et les autorités « à s'interroger sur les bulles immobilières et le poids de ce secteur dans la croissance de l'économie nationale ». Faute de procéder à une telle révision, affirme « China Daily », il y a de fortes chances que l'immobilier en Chine s'effondre. Le journal rappelle qu'après le krach financier mondial, Pékin avait pris des mesures de stimulation pour soutenir notamment ce secteur. Ce qui a entraîné une nouvelle bulle spéculative. Le gouvernement chinois a pris néanmoins conscience de cette menace comme le laisse entendre « China Daily » en citant de récentes déclarations du Premier ministre, Wen Jiabao. Maintenant, il faut passer aux actes comme réduire la politique de prêts au logement à taux préférentiel, encadrer plus sévèrement les investissements et la spéculation dans l'immobilier ou faire bénéficier des mesures d'aide aux seuls acheteurs envisageant d'occuper réellement le logement acheté.
Marianne, no. 659 - Monde, samedi, 5 décembre 2009, p. 56 Dubaï, l'émir est nu On disait jadis : " Quand l'Amérique tousse, le monde s'enrhume. " On devra dire désormais : " Quand les émirs toussent... " On vous l'avait bien dit, il ne faut jamais quitter Richard Attias des yeux. Début 2008, l'heureux époux de Cécilia, notre ex-première dame, avait élu domicile à Dubaï et y avait établi son agence de " création d'événements ". Son ambition ? Faire de l'émirat une capitale mondiale de la culture et du sport. Rien que ça. Un championnat du monde des sports extrêmes était programmé, un opéra inspiré du Metropolitan de New York devait y être construit, plus mille autres merveilles non moins grandioses. Le petit Louis, fils de notre président, s'inscrivit même au collège local. C'était avant le déclenchement de la grande crise. Quelques semaines après la chute de Lehman Brothers, Cécilia et Richard quittent discrètement leur maison de Dubaï pour celle de New York. Pourquoi donc ? L'émirat paraissait à l'abri du tohu-bohu financier. Mais Attias, lui, était au parfum. Il avait donné le signal. Il ne faut jamais le quitter des yeux. Aujourd'hui, l'émirat, l'émir et tout le tremblement sont au bord, tout au bord, du gouffre. Les mois suivants l'exfiltration de Richard Attias, les affaires du Golfe commencèrent à tourner en eau de boudin. Les milliers de manageurs occidentaux aux salaires mirobolants se retrouvèrent licenciés, sur la paille. Obligés de se rapatrier, ils larguaient, racontait-on à la télé, leur voiture à l'aéroport et déguerpissaient. A la télévision, on allait jusqu'à nous montrer des tas de ferraille rouillée en plein cagnard. La première chose que j'ai voulu voir, en arrivant à Dubaï, c'était la décharge de bagnoles abandonnées. Décharge ? Personne n'était au courant. " Vous voyez ce que je veux dire, ces Européens paniqués qui rentrent chez eux comme des voleurs. " On m'a ri au nez et conseillé d'interroger les employés du parking. Là, tout le monde était au courant. Au courant de la mystification, du " hoax ", dans le langage local. On a parlé de dizaines de milliers de voitures abandonnées à l'aéroport. En réalité, on en a récupéré deux ou trois par jour dans les parkings. Certains célibataires, mis à la porte, incapables de payer leur appartement et leur voiture acquis à crédit, devaient déménager à la cloche de bois. Sinon, on leur interdisait de quitter le territoire. C'est fatiguant à la fin de devoir toujours aller vérifier sur place les informations qu'on reçoit. Et visiter Dubaï aujourd'hui, ce n'est pas une fête. Ou alors, c'est une fin de partie. Au rang des insolvables L'autre semaine, toute la finance mondiale s'attendait à de bonnes nouvelles. La Dubai World, compagnie propriétaire de quelques-unes des entreprises pharaoniques de l'émirat, souffrait quelque peu à honorer une dette de 4 malheureux milliards de dollars à l'échéance du 14 décembre. Les mauvaises langues marmonnaient qu'on avait affaire à tout autre chose qu'une crise de trésorerie. Les banquiers furent rassurés par l'intervention virile de l'émir Mohammed, le seul homme à avoir commandé un Airbus 380 de 800 places pour son usage personnel : " J'invite tous ces ignorants qui nous calomnient bêtement à étudier leurs leçons et à fermer leur gueule. " Pour être si insolent, cheikh Mohammed devait se sentir sûr de lui. Le 25 novembre, à 10 heures, on annonça officiellement que 10 milliards venaient d'entrer dans les caisses de l'émirat. Tout allait bien. A 17 heures, à la fermeture de la Bourse locale, la bombe explosa : Dubai World n'assurera pas son échéance du 14 décembre et elle demande à ses créanciers un délai de " six mois ou plus ". Dubaï, l'arrogant Dubaï, prêt hier à conquérir toute la planète financière, chutait au rang des insolvables. D'une seconde à l'autre, la signature de l'Etat ne valait plus grand-chose. Il devenait le sixième plus mauvais payeur de ce bas monde. Comme à l'ordinaire dans pareil cas, le lendemain fut un jeudi noir pour toutes les Bourses, sauf dans les Emirats arabes unis où les marchés étaient opportunément fermés jusqu'au lundi suivant pour cause de fête religieuse musulmane, l'Aïd-el-Kébir. New York, Londres, Paris étaient suspendus aux lèvres des émirs dans l'espoir d'un mot réconfortant pour apaiser les " investisseurs " affolés. Rien. Leurs Majestés Mohammed de Dubaï et Khalifa d'Abu Dhabi vouaient leurs jours et leurs nuits aux prières de l'Aïd. Les valeurs mobilières se cassaient la figure les unes après les autres pendant que les princes baignaient dans les dévotions. Ceux qui avaient cru un instant à un incident de parcours durent vite se mettre à jour : l'opération avait été bel et bien planifiée et se déroulait comme prévu. Chronique d'une faillite annoncée. A défaut de dialogue avec leurs débiteurs, les banquiers firent leurs propres additions. Les dettes de l'émirat s'élevaient, selon lui, à 80 milliards de dollars, en réalité à 100, 120 milliards, pas plus. Beaucoup d'argent, mais ce n'est pas la mort du petit cheval. D'ailleurs, ce n'est pas l'Etat qui s'est mis en cessation de paiement, seulement la Dubai World, une société paraétatique. A supposer même que l'Etat de Dubaï ne soit plus solvable, son richissime voisin, Abu Dhabi, président de la Fédération des émirats, ne le laisserait pas choir. Abu Dhabi possède la meilleure signature possible. Assis sur des réserves de gaz et de pétrole inépuisables, il a accumulé le plus épais de tous les fonds souverains. En profondeur de poche, ni la Chine ni le Japon ne font le poids devant Abu Dhabi. Le modèle des prochaines crises A Londres, les banquiers se rassuraient comme ils pouvaient. Dans les discothèques de Dubaï, il en allait tout autrement. Ici, on savait que les émirs, loin de se confiner à la mosquée, comme on le faisait officiellement savoir, passaient de conciliabules en apartés. En fait, ils échangeaient des mots et s'engueulaient. Depuis que le Golfe est Golfe, les deux familles dirgeantes, les Nahyan d'Abu Dhabi et les Maktoum de Dubaï, ont toujours été à couteaux tirés. Jadis, c'étaient des chamailleries locales de pirates. Aujourd'hui, les enjeux ont pris des proportions gigantesques, les rancunes aussi. Abu Dhabi tient les clés du coffre, Dubaï, les clés de la boîte à idées. Un de leurs familiers a démêlé devant moi les sujets de discorde : Abu Dhabi cherche à tirer profit des embarras de son voisin et partenaire qui se trouve à la tête de quelques superbes entreprises, la compagnie aérienne Emirates, les services de logistique portuaire et encore quelques joyaux que l'émir d'Abu Dhabi faucherait bien à son voisin contre un coup de main financier. L'autre ne l'entend pas de cette oreille. Il est prêt à faire sauter la banque si on ne vient pas courtoisement à son secours. Et si le scandale éclate, tout le monde paiera les pots cassés ! Pendant que les deux émirs continuent à se tenir par la barbichette, les Bourses, comme par enchantement, se rassurent, s'accrochent aux branches et stoppent leur chute dès le lendemain vendredi. Que s'est-il passé ? On attendait Séoul, on a reçu Bombay. L'Inde accélère sa croissance à un rythme endiablé, 7,9 %. De Shanghai, même son de cloche. 100 milliards en plus ou en moins dans une crique du Golfe, on ne va pas en faire une maladie. New York et Paris reprennent des couleurs. On s'est affolé pour rien. Finalement, les engagements des banques occidentales ne sont pas si énormes. HSBC, la plus exposée, a calculé que les dépôts émiratis surpassaient leurs dettes ; on leur doit plus d'argent qu'ils n'ont en ardoise. La panique mondiale retombe plus vite qu'elle n'est montée. " Ce n'est que partie remise ", diagnostique Jim, rencontré dans un bar de Dubaï alors qu'on le croise généralement sur les champs de bataille. Jim, espion à la pige, travaille pour les gouvernements qui le paient le mieux. Pour lui, les crises financières sont les guerres d'aujourd'hui. Des Etats peuvent être rayés de la carte sur un coup de Bourse. C'est le cas de Dubaï où Jim retrouve dans la haute finance des Palestiniens qu'il avait connus jadis sous le keffieh du guérillero. Le krach ne fait ici que commencer, selon lui. On a construit à gogo dans l'idée folle que les prix ne cesseraient de grimper. Les gratte-ciel étaient vendus sur plan par des promoteurs fauchés à des acheteurs dans la dèche. Les banquiers prêtaient aux uns et aux autres persuadés que la fête ne finirait qu'après leur mort. Et les prix montaient, s'envolaient. Crise des subprimes. Le monde sens dessus dessous. Personne ne pense au Golfe, et le Golfe fait tout pour qu'on l'oublie. Mais les prix dégringolent, les acheteurs s'évanouissent, les banques deviennent chiches. Vient le jour, aujourd'hui, où les échéances se présentent. Et là, qu'est-ce qu'on découvre ? Que l'émir est nu. Nu comme un ver. Il n'a plus un sou. Que des dettes. Le gros des constructions immobilières, c'est lui, il ne voulait partager le gâteau avec personne. Et, maintenant, les dettes, c'est pour sa tronche, il ne les partage avec personne. " Tu sais, sourit Jim, notre époque de guerre et de terrorisme touche à sa fin. Aujourd'hui, les champs de bataille sont sur les marchés boursiers. Votre général de Gaulle pensait que la politique ne se décide pas à la Corbeille. De nos jours, il aurait tort. C'est dans les banques que tout se passe, c'est elles qui dirigent le monde. Et quand tout est dit, tout finit à coup de mètres carrés. " Quand le mètre carré baisse de 15, 20 ou 30 %, beaucoup d'opérateurs surnagent encore. Lorsque le plongeon, comme à Dubaï, se situe entre 60 et 70 %, il n'y a plus un seul survivant. Emir ou pas, vous êtes lessivé. Début janvier, Burj Dubai, la plus haute tour du monde, sera inaugurée avec tout le faste qui lui est dû. Personne ne voudra manquer l'enterrement. Les patrons de Jim (il ne me confie jamais pour qui il travaille) lui ont demandé de répondre à une question : est-ce que la débâcle du Golfe est un cas isolé ? Ou est-ce qu'elle pourrait se reproduire ailleurs ? Jim a appelé ses correspondants, interrogé ses amis, il en ressort avec une conviction : Dubaï est probablement le modèle des prochaines crises. Avec les subprimes, ce sont les pauvres qui ont fait défaut ; ils avaient acheté leur maison à crédit alors qu'ils étaient au chômage ; évidemment, ils n'ont pas pu rembourser et ils ont mis l'économie mondiale par terre. Dans le modèle Dubaï, ce sont les riches, les milliardaires, qui deviennent insolvables. Les plus grandes sociétés privées et les Etats en tout premier lieu. Depuis un an, les gouvernements n'ont cessé d'emprunter. Les déficits se creusent jusqu'au plus profond des abîmes. Les dettes enflent comme la grenouille du boeuf. Et un jour se présente une échéance que Dubaï, l'Irlande, la Grèce ou, pourquoi pas, la France ne pourront pas honorer. Dix, vingt petits milliards. Personne ne voudra, ne pourra leur venir en aide. Quoi alors ? L'Etat en cessation de paiement, en banqueroute, en déconfiture. L'Etat ou une mégaentreprise, ce qui revient au même. La bombe explose : où s'arrête la déflagration ?. Repères 1 674 300 habitants. Paris en compte plus de 2 100 000. 3 885 km2. A peine plus que le département du Rhône. 1833. Fondation de l'émirat, fruit de la scission entre deux dynasties, les Al-Maktoum, qui règnent toujours sur l'émirat, et les Bani Yas. 15-25 °C. Ce sont les températures journalières moyennes du mois le plus froid de l'année... janvier ! Zéro. C'est le montant des revenus du pétrole. L'émirat a " l'originalité " de ne détenir aucune ressource en matières premières. Pas de pétrole, mais une idée : tout miser sur l'immobilier pour milliardaires. Les people ont " envahi " l'émirat : David Beckham, Michael Owen, Brad Pitt et Angelina Jolie, Naomi Campbell et le regretté Michael Jackson.
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