mercredi 2 décembre 2009

PORTRAIT - Bao Tong, ancien conseiller du réformiste Zhao Ziyang

La Croix, no. 38526 - Autrement dit/Que sont ils devenus, mardi, 1 décembre 2009, p. 27

Que sont-ils devenus ? - Paisiblement, Bao Tong dénonce le régime chinois. Dorian Malovic.

Ancien conseiller privé du défunt dirigeant réformiste Zhao Ziyang, Bao Tong vit en résidence surveillée à Pékin, mais continue de promouvoir ses idées, surtout vers l'étranger.

Son immeuble à Pékin est bien gardé et son téléphone mis sur écoute depuis des années. Surveillé et suivi en permanence par des policiers en civil ou en uniforme, Bao Tong, 77 ans, n'a jamais retrouvé son entière liberté après son arrestation en mai 1989 durant les manifestations d'étudiants sur la place Tian An Men à Pékin. Conseiller particulier de l'ancien secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC) Zhao Ziyang, un réformiste écarté du pouvoir à la même époque, Bao Tong a été la plus haute personnalité politique emprisonnée à la suite des événements dramatiques du printemps 1989, qui auront fait plus de 1 000 morts à Pékin.

Lorsqu'on essaie de lui téléphoner, la ligne semble souvent « en dérangement », et lorsqu'il décroche, on sait d'emblée que d'autres personnes tendent l'oreille et écoutent attentivement. Rien ne leur échappe des questions et des réponses données par ce vieil homme toujours alerte et déterminé. « J'ai bien dû m'adapter à cette vie de réclusion, répond-il aux rares personnes qui ont pu le joindre, mais je ne suis pas le seul dans l'histoire du Parti communiste à avoir traversé cette épreuve. » Dans sa voix, nulle haine, mais une volonté de poursuivre son engagement en faveur d'une libéralisation politique dans son pays.

« Mon père écrivait tous les discours de Zhao Ziyang », explique son fils Bao Pu, qui a fui la Chine en 1989 pour les États-Unis et qui vit aujourd'hui à Hong Kong avec sa femme Renée Chiang, tous deux étant associés à la tête d'une maison d'édition. « Il avait une certaine autorité, il en paie le prix encore aujourd'hui. Zhao Ziyang a lui aussi été mis en résidence surveillée en 1989. Mais il est mort en 2005 sans que mon père ait jamais eu la possibilité de lui parler... » La famille de Bao Tong a pourtant été informée un jour que l'ancien secrétaire général du PCC avait secrètement enregistré des cassettes sur sa version des événements de 1989, sa vision des réformes démocratiques, les résistances de certains conservateurs, la duplicité de l'ancien premier ministre Li Peng...

« Mon père a joué un grand rôle dans l'exfiltration de ces cassettes vers Hong Kong, où j'ai pu les récupérer, les faire traduire et enfin publier le livre cette année en chinois et en anglais sous le titre Prisonnier de l'État », raconte Bao Pu, de passage à Paris, dans les bureaux de Reporters sans frontières (RSF). Cet acte militant n'a pas eu de conséquence néfaste pour Bao Tong. « La surveillance dont il fait l'objet ne l'empêche pas du tout d'écrire et de communiquer à l'extérieur, explique encore Bao Pu. On le laisse faire tant qu'il ne cherche pas à transmettre ses idées en Chine... Cela peut vous sembler contradictoire mais c'est ainsi. Le régime redoute l'instabilité interne mais ne craint pas les pressions extérieures. »

À l'occasion des célébrations du 60e anniversaire de la fondation de la République populaire cette année, Bao Tong a récemment publié un essai très critique sur l'image renvoyée par les autorités actuelles. Récupéré par Radio Free Asia, cet essai évoque « toutes les grandes erreurs commises par le Parti communiste depuis vingt ans : la corruption, le manque de liberté, la pollution, l'exploitation des ouvriers... ». Il y explique que « la République populaire de Chine n'est pas une république du tout (...) mais un Parti qui ronge les droits des citoyens, leur droit de vote et leur propriété privée ».

Avec son épouse, Bao Tong vit de peu. Il touche sa petite pension gouvernementale de 2 000 yuans par mois (200 €), à laquelle il faut ajouter celle de sa femme. Et le couple bénéficie de l'aide de leurs deux enfants. Sa belle-fille, Renée Chiang, d'origine taïwanaise, le considère comme un « grand moraliste, droit, honnête, qui a toujours pu parler sans entrave avec son patron Zhao Ziyang ». Aujourd'hui, il rappelle aux autorités que, derrière l'image de « gloire et de prospérité » affichée partout, « rampe la corruption des officiels du Parti et s'élargit toujours plus un fossé entre les riches et les pauvres ».

Encadré : 1989, peu avant le massacre de Tian An Men, il est arrêté

Quelques jours avant la répression sanglante des étudiants à Pékin le 4 juin 1989, Bao Tong est arrêté pour, l'accuse-t-on alors, avoir annoncé publiquement le limogeage de son « patron », le secrétaire général du Parti communiste chinois Zhao Ziyang. « Un prétexte », affirme Bao Tong qui nie farouchement. Il est alors kidnappé et emmené à la prison de Qincheng réservée aux prisonniers politiques. Il devra attendre 1992 pour être jugé et condamné à sept ans de prison. Libéré en 1996, il vit depuis en résidence surveillée avec sa femme dans leur petit appartement de Pékin.

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LIRE : Grand dossier spécial Tiananmen et Les cinquante cinq jours de Tiananmen

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