Bernard Deflesselles, député UMP des Bouches-du-Rhône
Dans un rapport d'information présenté à l'Assemblée nationale, vous soulignez les risques de préemption par la Chine des fréquences accordées à Galileo. Que voulez-vous dire ?
Galileo est un projet emblématique d'une Europe spatiale indépendante. Cet outil ne sert pas qu'à se repérer, il est utile dans bien des domaines comme la recherche de ressources énergétiques, les transports, les transactions bancaires ou le guidage des missiles. Or la Chine s'est lancée dans la construction de son propre système, baptisé « Beidou », qui doit être mis en service en 2015 et comporte plus de 30 satellites. Cinq d'entre eux ont déjà été lancés. Ce qui est préoccupant, c'est que la Chine est en train de préempter la fréquence accordée à l'Union européenne par l'Union internationale des télécommunications, prétextant le retard pris par Galileo. Elle a publié des fréquences et des signaux superposés à ceux de Galileo. Or le signal le plus puissant « écrasant » les autres, il se pourrait qu'une partie des signaux émis par Galileo soit brouillée par les satellites chinois et ne puisse pas fonctionner, en particulier les signaux cryptés réservés entre autres à la défense.
L'Europe a-t-elle réagi ?
Le président Barroso a écrit au Premier ministre chinois le 10 juillet dernier pour souligner l'urgence qu'il y avait à régler la question de l'incompatibilité des systèmes européen et chinois. A ma connaissance, il n'a reçu aucune réponse. Cette question mérite d'être réglée par la voie diplomatique et doit être soumise au Conseil européen.
Pourtant, l'Union européenne avait mis en place un programme de coopération avec la Chine ?
Oui. Pékin a participé au financement du développement de Galileo à hauteur de 65 millions d'euros et une partie des travaux a été confiée à des entreprises chinoises. En dépit de cette coopération, le gouvernement chinois a développé un système concurrent. Cette situation a entraîné une restriction de la coopération européenne devant les risques représentés par les transferts de technologie voulus ou subis, du fait d'actes d'espionnage.
Vous soupçonnez d'ailleurs Pékin d'utiliser les technologies européennes...
Des scientifiques européens nous ont dit avoir la conviction que certaines techniques développées par la Chine comme celles des horloges atomiques s'inspiraient étroitement de la technologie européenne. La Chine entend être une puissance mondiale de premier plan et est devenue un compétiteur féroce au besoin au détriment des intérêts européens ! Ce n'est que sur la base d'une stratégie claire et ferme que l'Europe pourra développer ses relations avec elle. Arrêtons de faire de l'angélisme.
La Chine n'est pas la seule à s'être lancée dans la navigation par satellite.
C'est vrai, la compétition fait rage. La Russie et l'Inde ont démarré des systèmes de positionnement par satellite, tandis que les Américains travaillent sur une version modernisée de leur GPS. C'est pourquoi il nous faut faire vite. Cela dit, malgré les difficultés passées de financement et de gouvernance, le projet européen est cette fois bien engagé. N'oublions pas qu'il a un avantage de taille sur le GPS : une précision de 1 à 2 mètres, contre 17 pour le système américain.
PROPOS RECUEILLIS PAR CATHERINE CHATIGNOUX
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