La crise du secteur a fait le jeu des chantiers les plus compétitifs.
La crise a provoqué un passage de témoin historique sur les rives de l'Asie Pacifique : la Chine a ravi la place de numéro un mondial de la construction navale à la Corée du Sud. Pour la première fois en 2009, les chantiers chinois ont décroché plus de commandes de navires que leurs rivaux coréens. L'empire du Milieu a raflé 44,4 % des commandes mondiales en volume, contre 40,1 % au pays du Matin-Calme, selon les derniers chiffres de l'agence londonienne Clarkson PLC. Il possède aujourd'hui un carnet de commandes fourni, qui affiche un total cumulé de 53,2 millions de CGT (compensated gross tons, l'unité de mesure du secteur) contre 52,8 à son rival.
En pleine rétractation du commerce mondial, les faibles coûts des constructeurs chinois ont fait la différence face à des concurrents coréens et japonais qui voyaient leurs carnets de commandes fondre à vue d'oeil sous le coup des annulations. Et la timide reprise en 2010 devrait encore affermir cette tendance, estiment les experts.
Une révolution puisque la Corée du Sud était le leader incontesté depuis les années 1980. Sans aucune expérience dans le secteur au début des années 1970, le volontarisme des gouvernements de Séoul et des grands chaebols avait réussi en moins de deux décennies à abattre la suprématie du Japon, relégué aujourd'hui au troisième rang. Un miracle érigé en fierté nationale, celle-ci étant aujourd'hui mise à mal.
Menace de surproduction
Mais, face aux assauts chinois, la quatrième économie d'Asie n'a pas dit son dernier mot. Regroupant toujours sept des dix plus gros chantiers de la planète, elle mise sur le haut de gamme et fait encore la course en tête, en valeur du carnet de commandes. Les géants comme Hyundai, Daewoo ou Samsung gardent une confortable marge d'avance sur les segments à forte valeur ajoutée qui sont les plus lucratifs : les méthaniers, les supertankers ou conteneurs ou les plates-formes de forage en haute mer, dont la demande augmente à mesure que le pétrole se raréfie. Les majors comme Shell ou Exxon concluent avec eux des contrats de longue durée qui leur assurent un avenir à long terme. Mais cette évolution est souvent hors de portée des chantiers de taille moyenne, qui subissent de plein fouet la concurrence chinoise et voient leur avenir en pointillé. « Ils vont souffrir », annonce Young Il-bae, chercheur au Samsung Economic Research Institute.
D'autant que si la demande mondiale de navires est repartie après une année noire, elle ne devrait pas retrouver en 2010 le niveau d'avant la crise, prédit l'expert. Signe de la reprise, les carnets de commandes se remplissent dès ce mois de janvier alors que l'année dernière ils étaient restés vierges jusqu'au printemps. Lundi, STX, le propriétaire des chantiers de l'Atlantique, a annoncé un contrat de 130 millions de dollars avec l'armateur turc Densa. Mais les années du boom de la construction sont révolues et l'industrie se prépare au contraire à une surproduction à l'horizon 2011. Une menace prise au sérieux même par le gouvernement chinois, qui a lancé une ambitieuse politique de concentration des chantiers pour résister à la tempête à venir.
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